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"Comme les élections étaient proches, dans tous les villages et toutes les villes de France, à l’entrée des bureaux de votes, les panneaux électoraux s’étalaient. Pour presque la majorité de ceux qui passaient devant, c’était la rigolade. D’abord, la gueule des postulants, généralement maquillés à la truelle, vêtus de bleu, horizon vosgien, costards et robes stricts, sourires figés mais toujours carnassiers. Ensuite, les promesses, réduites à quelques phrases chocs. Pour finir, quelquefois, une liste démentielle et surtout illisible de tout ce qui sera mis en œuvre, si le candidat venait à être miraculeusement élu. En temps d’élections, ces panneaux sont un appel au street art, caricatures sauvages, moustaches rajoutées, des bites partout, commentaires rageurs ou drolatiques. Les partis politiques et autres devraient fournir les feutres, à ce tarif…"

Figure de proue de la Série Noire et du polar français, graphomanes talentueux,  adepte de l'Oulipo Jean-Bernard Pouy qui écrit depuis 1983 est sans doute  un de nos auteurs chouchous....

De Pouy, on a toujours apprécié son humour, son intelligence, sa fantaisie et sa façon mezza vocce de raconter pas mal de choses sur nos travers sociétaux, comme savent si bien le faire les grands romanciers de littérature noire.

On retrouve tous ces ingrédients dans " En attendant Dogo », son nouveau polar fraîchement paru dans le bel écrin de la noire de chez Gallimard

.« Je venais de décider de rester un peu plus longtemps que prévu dans cette utopie rationnelle. Méchamment, pour entrevoir les failles ».

Le roman commence avec  la disparition d'Etienne dit DOGO depuis plusieurs mois, sa soeur Simone qui l'adore, part à sa recherche parfois aidée par un détective privé .Simone est d'autant  abattue par cette disparition qu'elle ne se remet pas du contexte ambiant liée à la crise sanitaire  depuis que  que « la France profonde s'est enfoncée dans la profondeur »

Une intrigue de départ un peu à la Agatha Christie ( pas d'hémoglobine à outrance ni de poursuite à 100 à l'heure chez Pouy)  qui est surtout le prétexte à  une fuite libératrice et à  un récit mêlant avec bonheur humour potache, clins d'oeil en pagaille, critique sociale et  une ’écriture toujours pleine d’esprit de Jean-Bernard Pouy. 

Surtout, Jean Bernard Pouy, avec son air de ne pas y toucher,  pose son regard mi amer mi caustique sur certains travers de notre société, notamment sur  les bouleversements climatiques ou politique actuel

Il le fait au cours d'une enquête qui dénonce mine de rien certaines dérives actuelles, sans jamais pour autant virer à la démonstration et en prenant bien soin de ne pas noyer son lecteur sous les pages et les pages, son En attendant dogo faisant juste 200 pages  ce qui est ni trop ni pas assez !

 

 Jean-Bernard Pouy, « En attendant Dogo », dans la collection La noire chez Gallimard. 200 pages / 18 €.