Baz'art  : Des films, des livres...
3 février 2022

Entretien avec Thomas Kruithof, réalisateur du film Les promesses

Chouette nouvelle dans un contexte de box office un peu terne depuis le début de l'année : le thriller politique les promesses, superbement porté par le duo Isabelle Huppert-Reda Kateb, peut se targuer d’afficher la deuxième meilleure performance de fréquentation par cinéma de la semaine passée 

Les excellents retours des spectateurs dans les enquêtes sorties de salles devraient par ailleurs lui garantir un bouche-à-oreille favorable et de belles perspectives pour la suite de sa carrière.

Quoi qu’il en soit, Les Promesses sera en mesure de largement surpasser les 210 000 entrées enregistrées en bout de course par le précédent (et premier) film de son réalisateur Thomas Kruithof, La Mécanique de l’ombre, en 2017.

L'occasion  idéale  de revenir une semaine après sa sortie sur l'entretien qu'on avait réalisé avec Thomas Kruithof, réalisateur du film les Promesses le 10 décembre 2021 au festival du film de Société de Royan 

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 Tu viens de présenter au public le film au public de Royan, quelles sont tes impressions à chaud sur cette rencontre?

Là, à vrai dire, je regrette qu'on ait aussi peu laissé la place aux questions du public, par manque de temps, malheureusement.

En fait, j'ai beaucoup aimé à Royan la rencontre que j'ai pu réaliser ce matin  avec les lycéens de la région.

Je me suis rendu compte que le sujet les passionnait vraiment, malgré leur jeune âge, et qu'ils avaient des questions très intéressantes.

Ils te posent des questions que tu t'étais posé à un moment de la conception du film mais que tu avais oublié un peu que tu te les étais posés (rires) 

C'est concret et assez vivifiant comme échange ! 

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Ton premier film, bien que différent sur bien des points,  parlait aussi d'une certaine manière, de politique, et là tu vas encore plus loin dans la cuisine des tractations politiques, au niveau local et national c'est quelque chose qui t'intéresse particulièrement?

Oui c'est sûr, la politique m'intéresse beaucoup, mais La mécanique de l'ombre était plus un film de genre, d'espionnage, sans doute un peu plus abstrait .

 Dans La Mécanique de l’ombre, tout était plus ouvertement kafkaïen. Là, au sein de cette cartographie de la vie  politique, on perçoit qu’il y a différents échelons de décision, et que les individus doivent se débrouiller avec.

Car ce que j'aime  vraiment bien dans les films c'est d'aller voir du côté coulisses, réalité du terrain.

Pour les promesses, ce qui m'intéressait beaucoup, c'était  d'aller creuser de ce coté-là, de voir ce qui se passe dans la cuisine quotidienne des élus locaux et montrer à quel point la politique locale est fait de petits et de grands combats.. 

J'avais envie de montrer l'intensité qui irriguait ces gens-là, qui sont souvent un peu décriés dans la représentation générale ...

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Depuis dix ans, et l'exercice de l'état il y a une vraie appétence du cinéma français d'aller du côté des coulisses du pouvoir, tu penses pouvoir te situer dans cette lignée du cinéma de Pierre Scholler ou de Nicolas Pariser plus récemment?

Une vraie appétence, je ne dirais pas forcément cela. Pour moi il n'y a pas encore tant de films que cela, tu cites ceux-là mais tu vas pas en trouver 15 000 non plus (rires)...

Il est certain que L'exercice de l'état est un film formidable , qui parle pas mal la question de ce qu'on fait du pouvoir quand on est tout en haut

C'est vrai qu'il peut rejoindre un peu mon film dont l'enjeu n'est pas non plus la conquête du pouvoir ...

Après mon film est plus dans une sphère micro locale. J'ai vraiment voulu  essayer de montrer ce que c'est l'action politique au quotidien, que ce n'est pas que d'aller courrir faire des plateaux TV, ou des photos de coupage de rubans pour faire de la représentation, mais c'est aussi de résoudre  des problèmes du quotidien, de logement, de colonies de vacances par exemple... 

Et en même temps, les personnages des "promesses" sont quand même rattrapés par cette appétence de pouvoir et cette ambition qui pourront les perdre, non? 

Oui bien sûr, si tu traites ce sujet avec sincérité, tu ne peux pas ne pas aborder cet angle-là à un moment ...

Le personnage d'Isabelle  est quelqu'un d'assez droit, qui n'avait pas forcément envisagé de prendre une haute place dans son parti

Sauf qu' à partir du moment, où la question d'un poste prestigieux se pose, elle se rend compte que cette éventualité la bouleverse beaucoup plus que ce à quoi elle s'attendait...

Elle n'est pas aussi pure que ce qu'elle pensait.

J'ai aussi voulu à travers ce personnage parler de la fin de carrière d'une politique, sujet assez complexe.

J'ai voulu traiter de manière plutôt simple la complexité des rouages de la politique des décisions que tu  dois prendre au quotidien par rapport à tes idéaux de départ et tes angoisses de tous les jours .....

Cela, je le raconte sans verser dans la psychologie à outrance car tout passe par l'action dans mes personnages principaux même si  Clémence  a une petite crise existentielle au mitan du film.

Globalement mes personnages parlent très peu d'eux même, ils portent un masque sur leur faiblesse et leur fragilité et cela j'ai pu m'en rendre compte? en allant voir de plus près, certaines personnalités politiques que j'ai pu côtoyer en préparant le film.

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Et justement au niveau de la psychologie des personnages, tout ce qui n'est pas vraiment expliqué dans le film, tu en parles avant aux comédiens pour construire leurs personnages? Réda Kateb, dans le dossier de presse, dit qu'il a cherché à savoir qui était vraiment Yazid au fond de lui, tout ce qu'on ne voyait pas dans le film, pour mieux l'incarner à l'écran..

Oui évidemment les comédiens cherchent un peu  de leur côté forcément, mais   pour répondre à ta question, on n'en parle pas beaucoup ensemble ...

Il faut savoir qu' on a préparé le film pendant la campagne municipale de 2021 donc ils étaient assez attentifs à certains des traits de personnalités des candidats; je leur ai aussi donné un peu de documentation  sur le sujet, mais je ne suis pas certain qu'ils s'en soient beaucoup servi finalement (sourires) ..

Mais tu sais, souvent la discussion avec les comédiens ne passent pas par la psychologie ...

On parle bien plus de costumes, de déplacements, de gestes...

Souvent c'est bien de ne pas tout se dire avec les comédiens, de leur laisser une petite place à l'inconscient et à l'implicite et cela ne se passe pas par l'angle psychologie.

Je fais dire à un moment à Isabelle Huppert  " pas de psychologie s'il te plait" et c'est quelque chose qu'elle pourrait tout à fait dire en tant qu’actrice. (Rires) .

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Comment as-tu eu l’idée de ce duo inédit et absolument formidable du début à la fin de ton film à savoir Isabelle Huppert et Réda Kateb ? 

Parfois, au cours de l’écriture, pour donner une couleur à un personnage, on lance un nom d’acteur, et puis généralement on continue de creuser le personnage en oubliant l’acteur auquel on a pensé.

Avec Jean-Baptiste Délafon avec qui j’ai écrit le film , on s’est dit au tout début que Clémence, ce serait Isabelle Huppert, et Yazid, Reda Kateb…

 Il y avait quelque chose qui me paraissait correspondre dans leur style de jeu, une capacité à garder du mystère, une subtilité.

Car ce sont des personnages qui ne racontent jamais leur vie, qui gardent leurs émotions pour eux. Et l’admiration que peut avoir Yazid pour Clémence, c’est celle de tout acteur pour Isabelle Huppert, même un acteur du rang de Reda Kateb. 

Les deux ont aimé le scénario, se sont rencontrés et j’ai senti tout de suite une chimie entre eux, j’aimais la musique de leurs deux voix.

Je les avais longtemps imaginés physiquement : un film avec un Reda très élégant, le visage un peu lissé, placide, et puis Isabelle, la tension, l’autorité qui se dégagent d’elle, dans sa silhouette et son tempo de marche.  

 Un dernier mot sur le titre du film Les Promesses, ce sont celles que Clémence fait et celles auxquelles elle-même croit, c'est bien cela que tu as voulu signifier avec ce titre?… 

La promesse, c’est l’unité monétaire en politique. C’est ce que les personnages échangent tout au long du film.

Mais ce sont aussi les promesses que l’on se fait à soi-même, la ligne de conduite qu’on se promet de suivre.

J’aime ce mot, il est très concret, mais il a aussi un sens moral et donc intime. 

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