Interview de François Desagnat, le réalisateur du film Zaï, Zaï, Zaï, Zaï
Avec Zaï, Zaï, Zaï, Zaï, adapté de la bande-dessinée du même nom, qui sort en salles ce 23 février, François Desagnat s’offre une comédie absurde de haute-volée, portée par un Jean-Paul Rouve magistral et une flopée de guests et de seconds rôles détonants.
Retrouvez notre critique ici même . Deux jours avant la sortie du film, on revient avec lui sur le tournage du film.
Comment vous est venue l’idée d’adapter cette BD culte de Fabcaro?
C’est venu d’une envie de spectateur.
Quand j’ai découvert la BD, j’imagine, comme beaucoup de monde qu’ils l’ont découverte, ça a été un choc, j’ai trouvé un univers absurde et drôle et, en même temps, plein de fond qui me parlait énormément et j’ai eu très envie de voir ça sur un écran de cinéma.
Dès que j’ai lu les premières pages de cette BD, j’ai été tant séduit par ce ton particulier qui me rappelait aussi l’univers des Monty Python.
C’était donc avant tout un désir profond et sincère de voir ce ton-là retranscrit au cinéma. Mais au départ, je n’étais pas très courageux. Car je ne me voyais pas arriver devant des producteurs avec ma BD sous le bras pour leur dire qu’il fallait absolument l’adapter en film.
Justement, convaincre les producteurs de vous suivre dans ce projet un peu fou, cela a été difficile?
Finalement non, alors que je pensais au départ que j’allais dépenser beaucoup d’énergie à convaincre des gens parce que l’univers est vraiment singulier.
J’ai eu la chance d’offrir, sans arrière-pensée, cette BD à des amis producteurs en l’occurrence Thibault Gast.
Le lendemain, il m’a rappelé, enthousiaste, en me disant qu’il fallait réaliser le film.
Adapter une BD, et son écriture si particulière, c'est une tâche difficile dans l'absolu ?
Au début, oui, on s’est retrouvé face à plein de questionnements et surtout notre intention était de ne pas trahir le ton de la BD de Fabcaro.
Après, forcément, le rythme d’une lecture de BD et le rythme que j’impose aux spectateurs est très différent.
Chacun lit à la vitesse qu’il veut, chacun imagine.
Après quand c’est un film, c’est moi qui impose quelque chose au spectateur donc, dans cette transition-là, j’avais envie d’être le plus fidèle possible à l’œuvre
Dans la BD, il y a une épure dans la mise en situation des personnages et des actions qui appuit encore plus l’absurde.
J’avais envie que le spectateur retrouve ça tout en étant fidèle à la BD.
Puis, c’est un axe visuel intéressant, ça renforce un regard et permet un recul qui accentue l’absurdité des situations ou des propos.
Concernant les ajouts que vous avez opérés par rapport à la BD, qu'est qui était le plus important comme ligne de conduite?
C'est assez simple comme principe de base : disons que Le film, même s’il met en exergue plein de défauts de notre société, comme vous venez de le souligner, n’est jamais moralisateur…
Déjà parce que les œuvres moralisatrices, c’est quelque chose que je déteste, j’ai beaucoup de mal avec ce genre de films.
Ensuite, la BD en elle-même est une bonne manière d’avoir un fil conducteur, c’est d’abord la BD qui égratigne les travers de la société sans jamais être moralisateur.
Le ton de Fabcaro me plaît énormément et je suis très à l’aise avec. L’idée est d’essayer de conserver ce ton.
D’une manière générale, on s’était dit qu’il fallait, dans tout ce qu’on inventait en plus de la BD, jamais être gratuit.
À chaque fois qu’on inventait un gag tout aussi absurde qu’il puisse être, il fallait qu’au fond, ça raconte quelque chose, comme le fait Fabcaro dans sa BD.
C'est difficile, dans l'absolu, de manier l'humour absurde?
Oui d'une certaine manière, oui, car lhumour absurde, ça peut très vite aller dans le n’importe quoi. À partir du moment où tout est permis, on peut vite déraper, devenir lourd.
Il faut donc créer un cadre dans l’absurde afin de donner une cohérence à un endroit où il n’est pas censé y en avoir.
C’était pour nous important que rien ne soit gratuit. Dans la BD, il y a peu de gags gratuits puisqu’ils sont toujours accompagnés d’un sous-texte politique, sociétal, qui interroge sur la société d’aujourd’hui.
Il fallait être vigilant sur cela et j’ai eu la chance d’avoir 2 producteurs attentifs à ces éléments.
Mon co-scénariste Jean-Luc Gaget et moi, on s’amusait beaucoup mais on a dû se retenir par moment car ça ne collait pas toujours forcément et l’aide des producteurs a été ici capitale.
Parfois, je me posais la question : choque-t-on ? Mais aller loin, à travers l’humour noir, c’est ce qui est intéressant. Et si je commence à me dire que je vais trop loin, c’est que ça devient peut-être intéressant.
ZAI ZAI ZAI ZAI. Sortie le 23 février 2022.
Interview réalisée le 1er février 2022 à Lyon
Remerciements au Pathé Bellecour et au distributeur ApolLo films