AVIGNON OFF 2022: nos 6 nouveaux coups de ♥️
Après un première présentation, il y a tout juste une semaine de nos 5 premiers coups de coeur dans le très copieux programme du OFF; un article qui a particulièrement bien marché, on vous en redonne 6 de plus en ce dimanche après midi, alors que le Festival bat son plein pendant encore tout juste deux semaines.
Voici de suite un aperçu de ce retenu notre attention lors de notre seconde visite dans la cité des Papes, avec, comme la semaine passée, une sélection aussi diversifiée que de qualité :
1. Seul(s) d'Olivier Duverger Vaneck ; Théâtre Transversal
Petit-fils du comédien Pierre Vaneck, Olivier Duverger Vaneck se lance dans l’écriture et l’interprétation de ce seul en scène avec la complicité d’Alice Faure à la mise en scène et de Marie-Christine Barrault à la voix.
Seul(s) est un spectacle de politique intérieure. Il sonde notre engagement personnel ; celui qui nous fait avancer. Faire sa révolution intime avant sa révolution historique
L’histoire de Seul(s) c’est l’histoire d’un homme qui était un petit garçon et qui n’a pas été regardé par les gens qui gravitaient autour de lui. C’est l’histoire des siens, qui d’aussi loin que descendent ses racines, n’ont pas été regardés non plus, et ont reproduit cette « absence de regards » de génération en génération, chacun enfermé dans sa solitude comme dans un cocon dont on ne veut pas quitter le confort, jusqu’à lui
Alors, à la manière d’un manifeste, le comédien raconte la maladie de sa mère, l’absence de son père, la dureté de sa grand-mère. Seul en scène, accompagné par sa mère à distance, via un vieux magnétophone.
Il puise dans son histoire personnelle pour retracer la trajectoire de ce personnage à la frontière de la folie qui questionne ses origines et son milieu familial.
Sur le fil, Olivier Duverger Vaneck navigue, avec délicatesse, entre humour et fragilité, et partage avec une grande sincérité sa quête d’une révolution intime.
En déroulant le fil de sa vie, auquel il tresse quelques brins de fiction, Olivier Duverger Vaneck se livre dans un texte d’une grande poésie, s’ouvre comme un livre où l’on peut lire son histoire parfois drôle, mais souvent triste.
Il nous raconte sa famille : une constellation de solitudes qui s’éclairent, parfois, un peu, les unes les autres, mais jamais n’entrent en collision. Et il se raconte lui : une petite étoile au milieu de tout ça, qui attend désespérément que quelqu’un remarque qu’elle brille.
Le public répond présent visiblement tous les matins, et le défi de cette création à Avignon semble en passe d’être pleinement réussi.
Seul(s) est présenté au Théâtre Transversal, à 11h40 (durée : 1h05, relâche les mercredis).
2. Jalousie en 3 mails, Comédie du Forum à 17h35
On vous signale le retour de cette pièce qui avait été jouée pendant un mois au festival d'Avignon Off 2019, où elle avait rencontré un franc succès.
Un jour, Helen reçoit un mail d'une certaine Yana l'informant qu'elle entretient avec son mari une relation depuis des mois et dans lequel elle lui demande instamment de lui rendre sa liberté.
Des preuves ? Elle peut lui en fournir en lui demandant de jeter un coup d'oeil à son agenda, n'y voit-elle pas régulièrement le même nom, chaque semaine, à la même heure ? Elle peut également lui envoyer la clé ouvrant l'appartement qui lui permettra d'avoir pignon sur leur petit rendez-vous hebdomadaire. Pour avoir Lazlo pour elle seule, la redoutable et sublime Yana est prête à tout.
C'est le point de départ d'un échange de mails cinglants entre les deux femmes, qu'elles lisent à tour de rôle sur leur tablette.
Chacun de leurs mots résonnent comme des coups de fouets, les mails s'échangent comme des gifles, les répliques les plus odieuses fusent. Puis, peu à peu, le désespoir prend le pas sur la folie furieuse, les insultes et les menaces cèdent la place aux supplications.
Et enfin, vient la compréhension, lorsqu'une troisième femme vient se joindre à la conversation...
Qu'est-ce qu'on a ri devant ce spectacle ! Les trois comédiennes sont absolument excellentes. Dans leur bouche, les dialogues font d'autant plus mouche, on déguste avec plaisir leurs sarcasmes, leur irrésistible cynisme, on est soufflés par leur répartie. Grâce à l'intelligente mise en scène de Philippe Doré, l'impression que le texte d'Esther Vilar n'a pas pris une ride domine : le remplacement du fax par la tablette apporte sa modernité à la pièce.
Leurs échanges, qui sont tantôt cash, tantôt acidulés, tantôt désepérés, sont centrés sur le même homme dont elles sont amoureuses et qu'elles se disputent âprement. Cet homme qu'on ne voit jamais mais dont on parle tant, s'en trouve réduit à l'état de trophée.
Si vous voulez passer un bon moment de théâtre léger et pas bête dans ce OFF, c'est à la Comédie du Forum qu'il faut aller. Un immense bravo !
3. L'art de perdre de Filigrane 111, au théâtre de l'Entrepôt
Lauréat du prix Goncourt des lycéens en 2017, L’art de perdre raconte le destin d’une famille, entre la France et l’Algérie, à travers les générations successives.
La magie des romans comme L’art de perdre est d’aborder l’Histoire autrement (pas sûre du tout que spontanément je lirais un livre d’histoire sur la guerre d’Algérie et sur le sort réservé aux harkis). Un pan de l’histoire qui, à l’époque où j’usais mes jeans sur les bancs du lycée, était évoqué très rapidement comme d’ailleurs pas mal d’épisodes de l’histoire contemporaine.
le récit du destin de la famille Zekkar de 1930 à nos jours racontée par Naïma, petite fille de harki, comme l’est Alice Zeniter (ce qui explique sans doute que son propos ne sonne jamais faux comme il ne tombe jamais dans les clichés ni les jugements). C’est près d’un siècle d’une histoire intime et contradictoire entre nos deux pays que nous traversons avec ce texte d'une puissance rare.
Ce roman de plus de 400 pages a été adapté en un spectacle d'1h20 L’adaptation pour le théâtre s’est dévoilée à la découverte du film documentaire de Franck Renaud Makach Mouchkil, dont le thème de l’interrogation et de la quête des origines se perçoit comme un écho au roman.
Il ne s’agit pas que d’une simple adaptation, mais l’opportunité audacieuse de mêler le réel à la fiction.
dans un projet hybride qui croise l’image, le spectacle vivant, la rencontre et l’expérimentation.Ce stratagème permet de mettre en lien le roman, l’histoire d’une famille algérienne sur trois générations (la partie fiction), avec le territoire d’immigration qu’est la région Hauts-de-France (la partie documentaire). Il faut des images d’aujourd’hui, des témoignages d’immigrés des années 60, de leurs enfants et des leurs petits enfants.
Le spectacle est pluriel : il croise l’image, le spectacle vivant et les rencontres. Dans le premier rôle, Céline Dupuis joue la conteuse radiophonique.
L’art de perdre est un pari largement réussi qui plaira aussi bien à ceux qui n’ont jamais lu le roman et plaira aussi à ceux qui l’ont lu, grâce à tous ces contenus annexes. "
Al'heure où le racisme si décomplexé de nos jours, et qui n’est après tout qu’un concept quand on est blanc aux yeux verts, ici on le touche du doigt, on le vit dans ses habits les plus ordinaires (terrible scène du café ! ) ou insidieuses.
Le pari de l'adaptation et de ce mélange entre réel et fiction, ô combien casse gueule sur le papier est plus que réussi.
L'art de perdre de Filigrane 111, au théâtre de l'Entrepôt (1ter Boulevard Champfleury, à Avignon). Jusqu'au 30 juillet, à 16h20. Relâche le 11, 18 et 25 juillet.
En effet, pour ceux qui comme moi étaient un peu trop jeunes pour pouvoir applaudir Reggiani sur scène, avoir l'impression de le voir se matérialiser sous nos yeux ébahis par un Eric Laugérias touché par la grâce est un très beau cadeau.
Nous passons notre vie à nous adapter, à jouer au caméléon selon les personnes, les environnements que nous fréquentons.
Au cours de son spectacle, nous partons à la découverte de son identité et de la nôtre également.
Le comédien nous plonge dans son univers où il incarne divers personnages : un psy allemand qui s'écoute parler, une animatrice radio seule à l'antenne, un maitre yogi un peu blasé en camp à Katmandou.
Matthieu nous partage des moments de solitude que traversent parfois les comédiens en début de carrière. En effet, ils peuvent être amenés à se produire à l'Olympia.
Malheureusement, il ne parle pas ici du célèbre lieu parisien mais plutôt du PMU du coin dans le sud-ouest où le public se fait rare, très rare.
Quel bonheur de revivre des moments culturels et encore plus de découvrir cet excellent Matthieu Penchinat Comédien, clown, danseur, Matthieu Penchina sait vraiment tout faire.
Il livre ici un spectacle, souvent physique , toujours d’une grande poésie, flirtant parfois avec la ligne de l’absurde.
On vous conseille vivement d'y aller si vous voulez rire, vous interroger sur votre propre existence et vivre un très bon moment de légereté et en même temps de profondeur dans le OFF !!
6 Vieux Con de Christophe Aleveque sur scène au Cinevox Théâtre
Vieux con, la nouvelle création de l’humoriste Christophe Alévêque. est totalement fidèle à son esprit contestataire et révolutionnaire qui fait sacrément du bien dans le monde policé d'aujourd'hui .
« Avoir 20 ans aujourd’hui c’est vivre avec un portable greffé à la main et désormais un masque sur le visage. » reconnait il en regrettant la chance que sa génération a pu avoir dans les années 80 où l'on avait le droit de fumer et de dire des bétises sans le diktat des réseaux sociaux
Plus écrit que ses revues de presse habituelles ( il n'a presque plus de pupitre et de textes pour l'aider) Christophe Alévêque propose avec ce Vieux con un spectacle explosif, un peu de mauvaise foi mais en meme temps d'une bien lucide férocité.
Et comme à son habitude, il termine en chanson et, avec pas mal d'émotion reprend le très contestataire et finalement optimiste Danser encore du groupe HK et les Saltimbanks
Christophe Aleveque sur scène au Cinevox Théâtre