Notre Best du OFF 2022 : Une "rock-visitation" du "Misanthrope" au Théâtre des Lucioles
Pour les 400 ans de la naissance de Molière, Thomas Le Douarec nous offre une adaptation jouissive, ultra-dynamique, d'une des pièces les plus intemporelles de l'auteur : Le Misanthrope.
Nous voici conviés à une soirée hype, dans un intérieur design qui peut aussi s'apparenter à celui d'une boîte de nuit, avec ces bâtons lumineux fluorescents, ces fauteuils en latex et ces bouteilles de Bombay Sapphire jonchant le sol. Tous les invités respirent le carpe diem, éclatent de cette fureur de l'insouciance et de ce souci des apparences. Sauf un homme, Alceste, qui contemple attéré cette bande de profiteurs et d'hypocrites.
L'audacieux parti de transposer l'intrigue à notre époque, dans un milieu d'influenceurs accros à leurs téléphones et à leur image, fonctionne totalement. Rien ne semble anachronique dans ces clins d'œil à nos habitudes - et à nos préoccupations - actuelles (attendre interminablement le Uber, être pollué•e à tout va par les notifications d'un iPhone, vouloir capter tout moment susceptible de faire le buzz, immortaliser chaque instant par le truchement d'un selfie...), dans ces rythmes électro et rock qui pulsent, et dans ces manques de bitcher les uns sur les autres... Ajoutez à cela un dispositif, déjà vu mais toujours efficace, de la captation en direct, dont les images sont projetées sur un grand écran déployé en fond de scène. Tout est là pour planter le décor de la modernité.
Les comédiens sont tous excellents : Jean-Charles Chagachbanian incarne Alceste, Philippe Maymat, Philinte, Thomas Le Douarec, Oronte, Jeanne Pajon, Célimène, Justine Vultaggio, Eliante - qui se produit dans L'affaire de la rue de Lourcine, dans ce même Théâtre des Lucioles, après avoir investi Le Lucernaire, à Paris -, Valérian Behar-Bonnet, Clitandre, Rémi Johnsen, Acaste, et Caroline Devismes, Arsinoé (que nous avions vue au OFF 2019 dans Le Portrait de Dorian Gray). Extrêmement investis dans chacun de leur rôle, ils nous tendent un miroir à peine grossissant de ce que nous sommes. Et que dire de leur diction respective, qui reflète toute l'acuité de la langue de Molière.
Même s'il ne nous apprécie guère, on ne peut s'empêcher de l'admirer, ce Misanthrope.
Courez donc au Théâtre des Lucioles, puisqu'il en est encore temps.
Crédits photos : Bernard Gilhodes
Le Misanthrope, jusqu'au 30 juillet à 15h45 au Théâtre des Lucioles, 10, rue du rempart St-Lazare 84000 Avignon