Baz'art  : Des films, des livres...
7 septembre 2022

Interview de François Descraques pour le film "Le visiteur du futur "

Papa de la web-série française culte Le Visiteur du Futur, François Descraques incarne la nouvelle génération de réalisateurs français prêts à s’adapter à tous les formats pour inventer des mondes et des personnages.  

Né sur Dailymotion, Le Visiteur du futur a ensuite fait une partie de son chemin à la télévision.

Son héros est même parti taquiner les pages de bandes-dessinées et de romans avant de s'accomplir sur grand écran des aujourd'hui en salles (voir notre chronique du film).

L'occasion était trop belle pour le rencontrer et l'interviewer  : 

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Baz'art : Le Visiteur du Futur, qui a été une web-série, puis une série TV, des BD, devient désormais un long métrage également. Mais d’où vient l’idée de ce voyageur temporel paniqué qui tente de changer le cours de l’Histoire, et tout l’univers qui va avec ?

François Descraques : Tout a commencé en 2009, dans ma petite chambre étudiante. Avec mon ami Florent Dorin, qui joue le Visiteur, on voulait faire de la science-fiction. On adorait vraiment ça, on avait en tête des films comme Retour vers le futur et Terminator, mais on n’avait vraiment pas les moyens qui vont avec ce genre d'idées.

Et puis on a renversé la contrainte. Il ne fallait pas chercher un moyen de trouver le budget pour faire la SF qu’on voulait, mais il fallait adapter la SF au budget qu’on avait.

C’est-à-dire rien. Et là, nous est venue l’idée de ce mec du futur qui débarque dans le présent. Tout de suite, ça coûte beaucoup moins cher. C’est le futur qui vient à nous, pas nous qui allons dans le futur.

Et puis ça nous faisait rire qu’un type fasse le déplacement du futur avec un message grave et important à délivrer et se retrouve nez à nez avec un mec comme mon frère.

Soudain, tout nous paraissait simple, évident. On est allés chez Emmaüs, on a créé le costume du personnage en assemblant plein de fringues ensemble, et voilà. l'aventure commence  

Et alors, ensuite de façon concrète, comment passe-t-on d'une séquence avec très peu de moyens de deux minutes publiée, en 2009, à un long-métrage doté d'un budget de 4,5 millions d'euros, en 2022 ?

François Descraques : C'est hyper simple, il faut juste prendre 13 ans de sa vie !

Et faire ça étape par étape. Toute l'aventure du Visiteur du futur s'est faite par étape : au début de la saison 1, il n'y avait même pas de perchman ; dans la saison 2, il y avait un perchman et un projo ; puis trois projos et un cuisinier…

Bref, tout ça s'est fait comme à l'école, étape par étape. C'est seulement à la fin de la saison 4 qu'on a commencé à travailler sur le film.

C'est la principale leçon que je retiens de cette aventure : pour produire un film, il faut s'entourer des bonnes personnes qui comprennent ce que tu veux faire et qui te laissent la liberté d'accomplir le truc de tes rêves une fois sur le plateau. 


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Cela a été dur de convaincre les financeurs de s'aventurer du coté de la SF surtout quand on vient du  milieu du web  et  des éventuels a priori qu'il engendre ?

François Descraques : Assez étrangement, le scénario n'a jamais été un problème en soi. On ne m'a jamais demandé de le retoucher. Le souci qu'on avait, c'était plutôt d'arriver à convaincre qu'une comédie de science-fiction pouvait être populaire. « Certains financeurs nous disaient : ‘Mais est-ce qu'un concept issu d'Internet, ça vaut le coup au cinéma ? Est-ce que le public va vraiment aller voir ça en salle ? ' »

D'autant plus avec un casting issu d'Internet . C'est pour ça que, dans le scénario original, le personnage de Gilbert avait été créé dès le départ pour être interprété par un acteur de cinéma français déjà établi.

Le choix s'est porté sur Arnaud Ducret , qui a permis de donner de la crédibilité au film.

Mais ça n'a pas été simple de l'avoir, car on ne se connaissait pas du tout. Ce sont McFly et Carlito qui m'ont aidé à le convaincre, après l'avoir croisé sur un tournage.

Et  Arnaud m'a juste dit qu'il appréciait beaucoup l'idée de tourner un film de zombie car son fils allait adorer ( rires)

 Au  niveau du scénario, au total, j'ai fait une dizaine de versions, qui forment toutes des histoires à part entière. C'est presque comme si j'avais écrit 10 films ! 10 scénarios avec 10 intrigues différentes car j'avais un mal fou à trouver la porte d'entrée. 

Mais  ce coté très laboriux était nécessaire, car c'est ce qui a permis de stimuler d'autres gens  et pour que tout devienne fluide.

Et après,  il s'agissait de trouver les bonnes personnes qui comprennent le projet et qui s'engagent dedans.

Autant sur une série web ou télé, il y a un gros financeur principal et éventuellement un deuxième, autant sur un film, il faut qu'il y ait dix financeurs différents qui s'accordent pour faire la même chose. Et ça, ça prend tellement de temps… 

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Est-ce un film avant tout pour les fans  ou pour le grand public qui n'a jamais vu la série?

François Descraques : Dès qu'il a fallu réfléchir au film en tant que film, la porte d'entrée c'était que tout le monde puisse rentrer dedans sans forcément avoir vu la série.

Et là, cela n'a pas été évident artistiquement parlant, parce qu'il a fallu écrire une suite qui s'adresse à tout le monde, et pas simple financièrement non plus, parce qu'il a fallu trouver les bonnes personnes pour produire le film.

Évidemment, j'ai envie de plaire à celles et ceux qui me suivent depuis le début.

Ces personnages, ils les aiment et je ne veux pas les décevoir. Mais je ne suis pas certain que réaliser un film de fans soit une bonne idée.

J’ai essayé de trouver un équilibre, en adoptant un autre point de vue et en inversant un peu les règles.

Je crois qu’ainsi le film parle aussi bien aux fans qu’aux gens qui découvrent l’univers.

Il y a des clins d’œil, des détails qui sont directement là pour « récompenser » celles et ceux qui ont suivi toute la série. Mais le film met tout le monde au même niveau, très vite. La scène d’introduction, je l’ai vraiment écrite pour ça. Je voulais que les gens qui découvrent l‘univers comprennent tout en quelques minutes, et que les fans s’amusent en même temps.

Je sais que la série a touché beaucoup de gens, qui aujourd’hui ont grandi et qui viennent me voir avec leurs enfants à présent.

Et j’ai vraiment voulu que ce film soit le film du samedi soir pour toute la famille, le film que tu vas voir aussi avec tes potes, un film ouvert à tous, comme ceux que moi j’allais voir dans les années 90.

 

LE VISITEUR DU FUTUR 1 © Pyramide Productions

Le film a-t-il toujours été destiné à une sortie en salle, et non sur plateforme ?

François Descraques  : Certes, on aurait pu faire un film diffusé sur YouTube, ou une sorte de saison 5 crowdfundée , quelque chose comme ça.

Mais ça me tenait vraiment à cœur d'en faire un film de cinéma, car je voulais prouver qu'un film de science-fiction, avec des gens issus de la culture Internet, avait toute sa place en salle. 

Côté production aussi, ça a toujours été la priorité.

L'ironie de la chose, c'est que parfois, des gens du cinéma nous disaient « Mais allez plutôt voir les Américains, non ? Mettez ça sur une plateforme, allez… ».

Alors que non, c'est tout l'inverse : on veut montrer qu'on peut faire ça en France, pour les jeunes. On veut prouver qu'on peut ramener toute une génération au cinéma.

Il faut toujours avoir de l’ambition, surtout quand on n’en a pas les moyens. Ce film, c’est toujours de l’artisanat. Le visiteur du futur le film n'est pas un film de youtubeur, on l'a vraiment conçu comme un film de cinéma avec de l'aventure, de l'action, du grand spectacle ...

Mais avec un peu plus d’expérience qu’il y a treize ans.

Je ne suis pas attiré par le manque de moyen en soi mais par le contrôle et la flexibilité d’un projet.

Si de grands moyens me permettent de mieux réaliser un projet, je préfère de grands moyens. Mais la liberté de contrôle a un prix. Littéralement. 

 

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les comédiens Arnaud Ducret et Lennie Cherino  Crédit photo: Fabrice SCHIFF

Le film vaut aussi pour tous les clins d'oeils et tous les caméos de youtubbers devenus stars, c'était important pour vous de les mettre dans le film? 

 François Descraques : La série est apparue à une époque où Youtube et la culture numérique étaient encore un peu flous pour beaucoup de gens.

Quand je rencontre des fans, je vois bien qu’il y a une forme d’admiration là-dedans, comme si on était les pionniers d’un nouveau monde.

La série a prouvé que, grâce à Internet, une bande de copains pouvait réaliser son rêve. Cela voulait dire qu’une autre façon de créer était possible, que tout le monde pouvait y arriver…

Et cela fait partie de notre histoire. C’est pour ça qu’on voit apparaître Mcfly et Carlito, Kyan Khojandi, Navo, David Marsais, Monsieur Poulpe et Davy Mourier dans le film. Ils ont tous démarré comme nous, sur Youtube.

On était là, tous ensemble, et on s’est suivis, aidés, soutenus.

On forme une génération, et c’était important pour moi qu’ils soient là, en clin d’œil, dans le film. 

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 Quel effet ça vous a fait de retrouver ces personnages et cette équipe lors du premier jour de tournage du film  ?

François Descraques C’était très émouvant. J’avais l’impression de retourner à la maison. Quand on a fait les essais costumes, quand j’ai vu Florent enfiler à nouveau la veste, tout est revenu. J’étais très ému.

Sur le tournage, je devais être tellement concentré que j’ai volontairement mis de côté cet aspect émotionnel.

J’ai fait comme si tout était normal, comme si c’était parfaitement logique pour moi, pour nous tous, de faire un film du Visiteur du Futur. Il fallait qu’on tienne.

Le dernier jour, j’ai commencé à lâcher prise et, à ma voix, on pouvait sentir que j’étais ému. On l’avait fait.

Ça y est. Ce film allait enfin pouvoir exister et ce sentiment là, franchement, cela n'a pas vraiment de prix. 

  

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 Le réalisateur Francois Descraques, les comédiens Arnaud Ducret et Lennie Cherino et le producteur Robin Boespflug-Vonier  à la rencontre avec la presse à Lyon le 26 août 2022  Crédit photo: Fabrice SCHIFF 

 Crédit photo: Fabrice SCHIFF

Merci à KMBO, Pathé Lyon et UGC cinéma pour la rencontre avec l'équipe du film. 

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