Coup de cœur pour l'adaptation sur les planches du roman de Valérie Perrin "Changer l'eau des fleurs"
Nous l'avions manqué au OFF d'Avignon cet été, tout affairés que nous étions à courir, notamment, les adaptations (La délicatesse, Mamie Luger...), mais nous nous sommes rattrapés en poussant récemment les portes du Théâtre Lepic à la découverte de Changer l'eau des fleurs.
Une création qui ne cesse d'enchanter les spectateurs depuis presque un an. Et voilà, maintenant, on sait pourquoi.
Est-il bien utile de vous faire le couplet sur Changer l'eau des fleurs, ce roman multiplement récompensé de Valérie Perrin que toute lectrice, tout lecteur (ou presque) a déjà tenu entre ses mains, porté contre son cœur ? C'est plutôt de son adaptation sur scène par le duo Salomé Lelouch et Mikaël Chirinian que nous allons vous parler ici, stupéfaits que nous sommes du travail abattu pour faire d'un roman aussi dense (près de 700 pages, en poche) une pièce aussi dynamique, créative et belle.
Bienvenue au Cimetière de Brancion en Chalon, vous serez accueillis par Violette Toussaint (Caroline Rochefort), un nom qui va comme un gant à cette garde-cimetière étonnamment pétillante de vie, collectionneuse de fleurs. Elle vit seul depuis le départ, il y a sept ans, de son mari Philippe Toussaint (Frédéric Chevaux en alternance avec Jean-Paul Bezzina). Lorsque Julien Seul (Morgan Perez) pousse pour la première fois les portes de ce cimetière, il n'imagine pas encore qu'il aura envie, encore et encore, d'y revenir, pour voir Violette, écouter les histoires et l'accent chantant de Violette (chapeau bas à Caroline Rochefort pour son parfait accent), causer avec Violette, un verre de mauvais alcool portugais à la main. Ses visites de Marseille à Brancion se feront fréquentes, pour comprendre l'ultime requête de sa mère Irène, oui, mais pas seulement pour ça...
Vous dire qu'il en a fallu, de l'ingéniosité, pour adapter, mettre en scène et scénographier cette pièce serait vain. J'ai été scotchée par les multiples emplois que peut revêtir une étagère, impressionnée de constater que l'on peut ressusciter des amants disparus par de simples effets sonores. Grâce aux fabuleux décors, chaque scène m'apparaissait comme un tableau, une nature vivante, toute éblouie que j'étais par les enseignes lumineuses du cimetière, les bouquets qui se constituaient au gré des pas de Violette, de ses envies de semer le bonheur. Bluffée, par le jeu des comédiens aussi, bien sûr, qui apportent à leurs personnages une immense sincérité, une générosité nécessaire pour que « ça marche ». Et ça marche.
Nominée pour le Molière 2022 de la Révélation féminine, Caroline Rochefort nous éclabousse de sa lumière et de sa joie de vivre. Morgan Perez campe un flic bourru absolument parfait, submergé par la force de ses faiblesses. Frédéric Chevaux (ou Jean-Paul Bezzina), moins présent que les deux autres comédiens, tire également son épingle du jeu de l'émotion, en endossant ce rôle clé du salaud en fuite pour des raisons moins simples qu'il n'en paraît...
Ne soyez pas étonnés de terminer la pièce avec les larmes au creux des yeux, le cœur serré, et avec l'impression d'avoir un mal fou à redescendre sur la planète Paris. Après avoir reçu un tel bouquet en cadeau, fait de tant de beauté, d'émotions, de talent et de surprises, rien de plus normal. En un mot comme un seul : allez-y !
Crédits photos : Fabienne Rapenneau
Changer l'eau des fleurs adapté du roman de Valérie Perrin, au Théâtre Lepic, 1 avenue Junot, 75 018 Paris, les mercredis, jeudis et vendredis à 21h, les samedis à 17h et 19h, et les dimanches à 17h30