Dans les années 1980, au coeur d'une banlieue résidentielle du Queens, Paul, 11 ans, rêve de devenir un célèbre auteur de bandes dessinées au grand dam de ses parents, avec qui il entretient une relation conflictuelle.
Il faut dire que la vivacité de Paul va de pair avec ses âneries, à en faire perdre la tête à sa mère et à en rendre furieux son père. Si cet élan est essentiellement inhibé par la générosité de son grand-père, viendra un temps où Paul sera livré à lui-même et être confronté à la perte de ses premières illusions. .
Depuis ses débuts le cinéma de James Gray (voir notre récente chronique de Two Lovers lors de la rétrospective que le Festival de Cannes lui a récemment donné) nous bouleverse, résonne en nous de façon tellement singulière et intense sans que l'on puisse vraiment expliquer pourquoi.
Chacun de ses films sont comme les compagnons fidèles de nos bouts de vie, tels des balises que le cinéaste pose sans même le vouloir, sur nos existences, grâce exclusivement à son cinéma, tout en romanesque et en élégance, en dehors des modes et des diktats.
Après AD Astra en 2019, le seul de ses longs métrages qui nous aura un peu laissé sur le flanc*, Armageddon Time, son dernier film en date, oublié de façon totalement incompréhensible lors du dernier Festival de Cannes est sans doute le plus intime de ses 8 longs métrages.
Sans être une autobiographie (le réalisateur refute fermement ce terme car dit avoir crée des personnages et situations de fiction), il s’appuie en effet sur les souvenirs personnels du cinéaste pour évoquer cette année charnière que fut l'année 1980.
Une année charnière, aussi bien au niveau politique et sociétal (Ronald Reegan allait bientôt venir au pouvoir et fonder les bases d'un antilibéralisme gallopant) que personnelle pour Paul ce pré ado aussi insolent que déterminé qui va découvrir un peu à ses dépens l’inégalité des chances, la ségrégation et l'hérmétisme d'un système éducatif aux dés pipés.
Sa vision du monde va basculer en l’espace des quelques mois décisifs que dure l’action de ce récit d’inspiration autobiographique.
« Armageddon Time » conte avec énormément de force, de sincérité et de juste, ce récit d'apprentissage et cette naïveté de l’adolescente comme un acte de rébellion.
Le film est évidemment plus modeste dans son cachet que les grandes fresques aux airs de tragédie grecque dont il nous a habitué, mais la sincérité avec laquelle Gray aborde ce sujet, en se débarassant de tous les oripaux du cinéma de genre pour ne plus se cacher nous bouleverse au plus profond de notre âme.
On l'adore cette odyssée d'essence proustienne qui trouve sa puissance dans sa simplicité, portée par une mise en scène élégante, intelligente et subtile, et une photographie magistrale du fidèle et toujours aussi talentueux chef opérateur Darius Khondji.
Un des très grands films de cette année 2022 et à l'heure où le cinéma américain adulte et profond se fait rare sur nos grands écrans, il est assurément à ne pas rater..
Armageddon Time ****
De James Gray, avec Michael Banks Repeta, Anthony Hopkins, Anne Hathaway. 1 h 54.
*James Gray regrette dans ses interviews de pas avoir eu le final cut et d'avoir été totalement dépossédé de son oeuvre, d'où le désir de revenir à un film plus modeste dans ses propos et ses moyens financiers
Tellement heureux de retrouver le cinéma de James Gray, a son meilleur avec #ArmageddonTime récit d'apprentissage d'une beauté et d'une richesse renversantes...son absence au palmarès cannois est assez incompréhensible.. pic.twitter.com/Kues2VxDbo
— Baz'art (@blog_bazart) November 6, 2022