[CRITIQUE] Corsage : Sissi bien plus moderne et libre que chez Romy
On croyait tout connaître d’Elisabeth d’Autriche, mieux connue sous le surnom de «Sissi', surtout grâce à la saga éponyme qui a révélé l'immense Romy Schneider au grand public et qui lui, a, du reste un peu trop collé à la peau une grande partie de sa (courte) carrière.
Mais de cette série un peu kitsh que la TV ne cessait de rediffuser dans les années 80*, il était surtout question des fastes et des vissicitudes de sa vie sentimentale, ou de sa rencontre digne d’un conte de fées avec le futur empereur d’Autriche Hongrie.
De son tempérament rebelle et anticonformiste, les fastes et les vicissitudes de sa vie à la cour et plus tard les tragédies qui ont émaillé sa vie et l’ont figée dans la légende, il n'en était alors que très peu question.
Bref notre Sissi véhiculait une image un peu trop "cucul " et ingénue- il faut se souvenir que les dits films ont été tournés quelques années après la guerre, il était dès lors question d'apaiser les esprits tourmentés.
Heureusement, un demi siècle plus tard, la cinéaste Marie Kreutzer propose avec Corsage une vision radicalement nouvelle du personnage, débusquant l’être de chair et de sang derrière l’icône de papier glacé.
Si Marie Kreutzer s'est énormément documentée pour écrire le film, elle a aussi volontairement pris des libertés avec l’Histoire pour dresser de Sissi un portrait subjectif, à la fois moderne et intemporel.
Saisissant l’impératrice à un tournant de sa vie ( la quarantaine, autant dire la vieillesse pour les femmes de l’époque), elle montre une femme prise aux pièges d’une cour à l’étiquette rigide et de l’image de perfection qu’elle s’est construite.
S’autorisant malicieux anachronismes et pures embardées romanesques, Marie Kreutzer propose une lecture féministe de ce personnage étonnamment moderne, interprété avec un brio immense par l’actrice Vicky Krieps, décidemment de mille feux pour cette fin d'année 2022 après avoir épaté tout son monde dans le dernier film d'Emily Atef.
Aussi moderne que libre, insupportable que mélancolique, il y a un peu de la Marie Antoinette de Sofia Coppola dans l'Élisabeth de Kreutzer.
Cette dernière comme chez la fille du réalisateur du Parrain ou comme chez la Andréa Arnold des Hauts du Hurlevent, réussit à "décorseter" le biopic en costume souvent trop solennel et figé, pour lui offrir une contemporalité joueuse et délicate, entre anachronismes bienvenus et envolées romanesques d'une belle poésie (la découverte imaginaire du cinéma avec un Finnegan Olfied en émule des frères Lumières…)
Les costumes, les décors, les lumières participent à faire de Corsage une échappée belle sensorielle et volonté assumer d'échapper aux conventions du film historique et de se libérer, notamment par l'excellente bande son, de tout ancrage temporel.
Une grande réussite, saluée comme il se doit à la sélection un certain regard du Dernier festival de Cannes et que les festivaliers du prochain Festival du film de société de Royan pourront découvrir hors compétition** .
CORSAGE
AU CINÉMA LE 14 DÉCEMBRE 2022
Distribué par AD VITAM
* surtout pendant les fêtes
** Avant-première de Corsage suivie d’un débat avec Valérie Clo
Le film sera présenté à Lyon aussi en avant première au Lumière Terreaux le 5 décembre à 20h30