Dinara Drukarova est une actrice russe dévoilée par Vitali Kanevski dans Bouge pas, meurs, ressuscite et revue récemment dans Compartiment n°6, mais qui vit en France et a souvent tourné dans des films français de grande qualité comme Gainsbourg, vie héroïque ou Trois souvenirs de ma jeunesse.
Pour son premier film en tant que réalisatrice, Grand Marin, en salles le 11 janvier prochain, elle s'affranchit des nationalités et des territoires avec une histoire de voyage dans des mers hostiles et grandioses centré autour d'un personnage qui fuit son quotidien pour partir à l'aventure.
Lily, le personnage de Grand Marin, et qui est aussi la narratrice du premier roman de Catherine Poulain que Dinara Drukarova adapte avec une véritable maitrise, quitte la France - et des raisons qui resteront mystérieuses jusqu'au bout du film, pour rejoindre l'Islande (et non plus l'Alaska comme dans le livre), avec une seule envie en tête, celle de faire partie de l’équipage d’un navire et partir pêcher la morue noire ou le flétan.
Dormir à 5 dans un tout petit carré de lit, supporter la fatigue, le froid, les tâches très physiques, la peau rongée par le sel, les blessures, les brimades des hommes qui ne lui font aucun cadeau, rien ne semble abattre sa volonté.
Repoussant toujours plus loin ses limites, Lili sauve-t-elle sa peau en la risquant autant ? Il faut dire qu'il n’y a qu’à bord du Rebel le bateau dirigé par Ian (l'épatant SAM LOUWYCK à la fosi autoritaire et vulnérable) en plein stress, hurlements, roulis, qu’elle semble revivre.
Pour Lily, aller au bout de ses limites, vivre cette expérience en s'en écorcher le corps, le coeur et l'âme est la seule façon de se sentir vivante et de tenter de vaincre ses démons intérieurs.
A base de séquences courtes, sèches, filmées à l'os, qui épouse le rythme des vagues , des séquences de pêches et des longues soirées de beuverie, Dinara Drukarova livre un long métrage intense, très bel hommage à la pêche en mer et aux hommes rudes qui la pratiquent.
Grand Marin est aussi et avant tout le combat d'une femme qui va réussir à gagner sa place dans ce monde d'hommes, et réussir, elle qui est nommée le petit moineaux à dépasser ses limites et à gagner le respect de ses compagnons de voyage.
Le film, d'une approche très documentaire, force l'admiration par la description d'un univers rempli de violence plus ou moins latente, de bières à foison de types parfois encore plus perdus qu'elle et ou la nature ne fait aucune concession.
On comprend aussi, juste avec des longues scènes silencieuses, combien l'exaltation de la vie en mer s'oppose à la vacuité du retour sur terre de ce désarroi du marin qui erre sur les docks.
Certes, au fil de sa quête aussi silencieuse que salutaire, Lily réussira à glaner aussi un peu de tendresse dans les passages où elle va tenter de trouver du réconfort auprès de ce Grand Marin qui donne le titre au film, mais dans l'ensemble, cette fiction visuellement très forte est avant tout aussi brutale que sensorielle.
Elle marque également et surtout une entrée réussie dans le domaine de la réalisation pour une artiste complète que semble être Dinara Drukarova.