Avignon off 2024 : focus sur 3 nouveaux coups de coeur
Pour ne rien rater des meilleurs spectacles dans le Off d’Avignon, et après une première selection qui a pas mal marché, nous poursuivrons notre sélection critique des créations qui nous font vibrer cette année.
1 « Ce que nous désirons est sans fin
Agé de 60 ans, Bernard Mazières , ancien journaliste du «Parisien - Aujourd'hui en France», avait été retrouvé mort le 24 décembre 2010 par sa femme de ménage à son domicile du VIe arrondissement de Paris. Son corps gisait sur le sol de la chambre de son fils, qui vivait chez lui, les parents étant divorcés.
L'auteur du crime : son fils de 17 ans avec la complicité d'un ami
Les deux jeunes hommes, décrits par les experts comme «narcissiques» et très dangereux pour l’ami, n’avaient pu expliquer clairement aux enquêteurs les raisons du crime.
C’est cette absence de mobile apparent qui aura été au centre du procès
C'est aussi ce qui constitue le ressort principal de la pièce du metteur en scène JACQUES DESCORDE qui adapte ce fait divers en tordant le naturalisme par des effets visuels qui distordent la réalité.
Alcool, drogue , fascination et domination, entre eux, la relation est malsaine et toxique, violente et sombre.
Sur scène, le jeu, physique et engagé des comédiens- excellent Patrick Azam en père dépassé mais aimant- , contribue à l'ambiance sous haute tension.
« Ce que nous désirons est sans fin », Présence Pasteur, 12h50
On est projeté tout droit dans un autre temps, dans un moment intime et privilégié. ON aime le vivre aux côtés de personnages formidablement incarnés par des comédiens drôles, émouvants, généreux et aussi habiles au chant, au mime, qu'à la danse. Être bercé par les notes d'un piano mélancolique, tantôt joyeux, tantôt mélancolique.
Chapeau (melon) bas à la compagnie. Et merci pour cet inoubliable voyage dans le temps.
3. “PUNK.E.S ou comment nous ne sommes pas devenues célèbres”,
Big Ben vient de se sonner minuit dans la grande salle de la Scala. Ces douze coups seront les derniers avant longtemps, tel est le vœu de Viv Albertine et Palmolive, enfuies d’une manufacture. Tout cela résulte d’un pari : si Big Ben s’arrête, les deux filles lancent leur groupe de musique, et pas n’importe laquelle : le punk ! La désespérée et délurée Ari Up erre dans les rues de Londres, prête à mourir pour obtenir ne serait-ce qu’une minute pour chanter et créer ses sons. De loin, les deux jeunes filles lui semblent devenir l’illumination, la lumière au bout du tunnel. Il reste à trouver une bassiste mais Tessa Pollit est dans les parages. C’est décidé, elles seront les Slits (les Fentes).
Avec leur nouvelle création, “PUNK.E.S ou comment nous ne sommes pas devenues célèbres”, Justine Heynemann et Rachel Arditi s’inscrivent désormais comme un duo marquant de la scène française. Elles rendent un femmage au premier groupe de punk féminin londonien dans un ensemble de célébration et de nostalgie. .
C’est l’histoire du premier groupe féminin, les Slits dans l’Angleterre des années 70 où se mêlent manifestation pour les droits sociaux, indépendantisme irlandaise et montée du néolibéralisme.
Derrière les barrières métalliques tombent les limites du pré-carré de la salle de la Scala qui se transforme en salle de spectacle, des câbles et des flight cases disséminées jonchent au sol, les comédiennes musiciennes laissent sans voix par leur énergie et leur implication dans l’interprétation, le chant et la chorégraphies. Il faut les citer : l’éclatante Charlotte Avias en Ari Up, la touchante Camille Timmerman qui injecte autant de douceur que de puissance au punk et Salomé Dienis Meulien et Kim Verschueren dont le caractère insoumis provoque une certaine jouissante. Sans oublier Rachel Arditi qui interprète Nora Forster pleine de grâce et un libidineux producteur de musique qui passera son pire quart d’heure. Et bien sûr James Borniche qui incarne Mick Jones, guitariste des Clash ainsi que tous les autres rôles masculins, à un rythme particulièrement soutenu !
On ressort totalement séduite par cette petite bombe, ce bel objet qu’est Punk.e.s emballé dans un magnifique paquet tonifiant signé Justine Heynemann, metteuse en scène de l’émancipation
“PUNK.E.S ou comment nous ne sommes pas devenues célèbres”,
sur la scène de La Scala Avignon « Punk.e.s », à La Scala à 20h55.