Drive: une carrosserie superbe, mais....
A 10 minutes à pied de chez moi, se trouve le cinéma le Saint Denis, un cinéma de quartier. Un vrai de vrai, avec fauteuils en velours, court métrage avant le film et entracte avec vendeuse de popcorn qui se déplace à travers les rangées. Bref, un modèle de cinéma à l'ancienne, géré par une association de bénvévoles exclusivement et surtout un des rares de la ville qui n'ait pas (encore?) été mangé par les multiplexes.
Hélas, l'ingrat que je suis lui fait souvent des infidélités, lui préférant des Multiplexes qui ont le gros avantage de passer les films tout de suite aprés leur sortie. Alors que le Saint Denis les diffuse souvent près de deux mois aprés, et donc seulement deux mois avant leur sortie DVD et VOD, ce qui limite la portée, souvent lorsqu'il s'agit de films dont la vision ne souffre pas trop d'un passage sur petit écran.
Pour d'autres films en revanche, que j'ai raté lors de leur sortie dans les multiplexes, et que je vois au programme du Saint Denis, j'essaie de prendre mes dispositions pour ne pas rater la dernière opportunité de le visionner sur grand écran, et d'en prendre ainsi plein les mirettes.
C'est ce que je me suis dit lundi soir lorsque j'ai vu que mon cinéma de quartier projetait Drive, sorti déja depuis deux mois, mais précédé d'un tel engouement quasi général pour la beauté de sa mise en scène que ca m'embetait de rater cette occasion. Et visiblement, je n'ai pas été le seul à penser cela car la salle était totalement pleine, et composée de vrais cinéphiles purs et dures, rien qu'à voir les commentaires trés référencés glanés à la sortie du film.
Le public semblait en effet totalement conquis par le film de Nicolas Windind Rehn, et j'ai partagé leur avis, mais de façon un peu moins enthousiaste qu'eux.
En effet, je suis obligé de reconnaitre qu'au niveau de la mise en scène, Drive a totalement mérité son prix de la Mise en Scène au dernier festival de Cannes. Le cinéaste, un danois, reconnu notamment pour sa trilogie Pusher et qui tournait là son premier film américain, affiche ici une maitrise absolue et totalement subjugante de sa caméra. Tous les plans sont au cordeau, sans une once de gras ou de superflu, et on pense évidemment au cinéma de Michael Mann pour sa stylisation parfaite de la nuit urbaine.
Le film, en fait, aurait pu être tourné dans les années 80 car, de la musique ( bande son aux synthés électro et à la voix aérienne qui participe au coté hyptonisant de la mise en scène) au personnage principal, figure représentative du cinéma de Don Siegel ou William Friedkin, on est bien là dans le hommage revendiqué au cinéma d'il y a 30 ans.
Mais pour moi (et c'est pour cela que je n'ai pas applaudi à tout rompre avec mes voisins spectateurs), c'est aussi là la limite du film qui ne dépasse jamais totalement l'exercice de style, et qui surtout manque quand même de profondeur au niveau du scénario. Le driver en question reste totalement un archétype, un personnage comme on en voit que dans les films, et jamais un être de chair et de sang pour lequel on peut éprouver une vraie empathie. Ryan Golsing, encensé pour sa prestation est certes impressionnant de douleur muette et de virilité affichée, mais personnellement je le preferais dans Blue Valentine, dans un rôle bien plus humain et touchant.
Et le personnage joué par Carey Mulligan a bien peu de chair à défendre : on ne sait pas exactement ce qu'elle ressent, ni ce qu'elle désire réellement, elle reste en l'état de (joli) pantin. Et que dire encore de ces mafiosos un peu croquignolesques qu'on croirait sortis d'un film des frères Coen?
Bref, l'absence - pourtant- assumée- de psychologie m'a un peu géné, et ce qui est d'autant plus dommage que les scènes d'émoi amoureux au début avec ralentis et troubles sur les visages en gros plans, sans le moindre mot échangé sont vraiment d'une beauté visuelle renversante.
Encore une fois, je trouve que Drive est l'exemple même du film où la forme prime sur le fond. Chez James Gray, Alejandro Gonzales Inarritu ou Fatih Akin , pour ne citer que ces 3 là, la virtuosité de la réalisation s'accompagne également d'un scénario éblouissant de fluidité et de complexité.
Ici, et même si le noeud de l'histoire est assez original et romanesque (le "driver" va se trouver enfermé dans une sale histoire car il a voulu aider le mari de l'élue de son coeur), toute l'intrigue parrallèle m'a semblé trop faible, et surtout les personnages trop peu incarnés.
Dommage car encore une fois, au risque de radoter, je le redis : l'emballage était vraiment splendide et j'aurais aimé que le cadeau à l'intérieur soit du même niveau.