Une seconde vie de Dermot Bolger : poignant
Lorsque j'ai vu, un peu par hasard, que mon comité d'entreprise proposait, pour la toute première année un prix littéraire, je n'aipas réflechi l'ombre d'un instant avant d'accepter et d'accourir à la session de présentation du dit prix. En tout et pour tout, sur les 6000 agents de ma collectivité, nous étions deux à avoir répondu présent, autant dire que nous étions choyés!!!
Ce prix, c'est celui du CEZAM de la région Rhone Loire. Ce prix propose une sélection de 10 romans d'auteurs français ou européens peu connus, édités dans de petites ou moyennes maisons d'édition que l'on doit lire et noter ( sans besoin de les chroniquer) de 1 à 10 ( sans qu'on mette de note ex aequo, c'est là où ca se corse). De ces 10 romans, tous sortis en 2012, j'en avais déjà lu un, c'est le meilleur des jours de Yassaman Montazami.
Tous les autres, on ne peut pas dire que j'en avais beaucoup entendu parler, et c'est donc seulement grâce au 4ème de couverture et aux conseils des organisateurs que j'ai pris ma décision quant au premier roman à lire, et je ne l'ai pas vraiment regretté.
Pour inaugurer ce prix, j'ai choisi, et ce, même si la couverture était peu aiguichante, Une seconde vie de Dermot Bolger, un auteur irlandais.
J'aime beaucoup les romanciers irlandais, de Jennifer Jonhston à Keith Rigdway en passant par Joseph O Connor. Ils ont une capacité à tisser des mélodrames remplis de mystère où l'on sent affleurer les fantomes et les secrets de L'Irlande du passé, avec souvent le poids de la religion en toile de fond.
Parmi ces auteurs, je ne connaissais jusqu'à présent que de nom le romancier poète dramaturge Dermot Bolger , pourtant reconnu immense auteur dans son pays natal. Bolger avait déjà écrit en 1993 une première version de ce roman, une seconde vie, et il a tenu, (il l'explique les raisons dans une préface très émouvante) en rédditer une nouvelle version quelque peu aménagée éditée chez Joëlle Losfeld.
Une seconde vie a pour toile de fond un thème qui m'avait beaucoup marqué dans une autre oeuvre, mais cinématographique celle ci, celle du film de Peter Mullan « Magdalene sisters ». Dans ce roman, on retrouve ainsi, avec la même émotion, l'histoire de ces adolescentes irlandaises brisées et humiliées, dont le malheur se répercuta sur les générations suivantes. Les jeunes irlandaises, qui avaient le malheur de tomber enceinte, étaient envoyées dans des couvents loin des regards des voisins. Les pauvres filles étaient maltraitées et devaient travailler dur malgré leur état.
L'une de ses filles a du se séparer de son enfant à la nassaince, et c'est cet enfant, Sean Blake, dont on va suivre le cheminement intérie et sa quête pour retrouver sa mère . Ce n'est qu'àprès avoir été déclaré cliniquement mort à la suite d'une grave collision ( le tout début du livre) , ce photographe quadragénaire marié et père d'un petit garçon remet en question son existence - présent et passé -, s'éloigne de sa femme et part en quête de ses racines: adopté alors qu'il était nourrisson, il n'a jamais cherché jusque-là à connaître sa véritable mère, et savoir qui elle était lui paraît soudain vital.
Une seconde vie est l'histoire, quasi psychanalytique, de la recherche d'un double passé enfoui: passé d'un homme et passé d'un pays. L'accident à la suite duquel il a connu un instant la mort est pour le héros comme un électrochoc: les souvenirs de l'amour de ses parents adoptifs ne lui suffisent plus, ni la tendresse impuissante de sa femme, à qui il n'a jamais dit qu'il était un enfant adopté, et à laquelle il sait qu'il ne parviendra pas à le dire tant que lui-même n'aura pas appris la vérité sur sa naissance. Cette seconde vie qui lui a été donnée doit avoir un sens : la quête de son identité.
Le livre a donc une matière riche et dense, et si toutes les pistes ne sont pas forcément toutes exploitées comme on aimerait, Dermot Bolger explore les liens de filiation dans son dernier livre avec beaucoup de justesse et d’émotion.
Un roman émouvant, parfois même bouleversant et qui raconte une Irlande dure où le poids d’une société respectable et d’une église intransigeante brisent la vie des jeunes filles devenues filles-mères. Le livre essaie de résoudre la question de savoir en quoi nos origines nous définissent lorsqu’on a été abandonné ?, et les réponses qu'il apporte sont plutot pertinentes.
Et au cours de ses recherches, Sean découvre une Irlande enfouie qu'il ne connaissait pas, une Irlande dans laquelle les superstitions, les préjugés soigneusement entretenus pas l'Église sont restés, jusque dans les années 1960, une source d'oppression. Toute la société irlandaise est touchée : cela se ressent tant dans les recherches qu’effectuent Sean que dans sa propre histoire personnelle qui se construit peu à peu et rattrape les ombres du passé.
Bref, un bien beau livre et encore une belle illustration de la grande santé des romanciers irlandais. Et assurément un des meilleurs livres de cette sélection, et ce, même s'il m'en reste encore 8 à lire!!!