In another country : Isabelle Huppert reine de Corée
Hong Sang-soo est un des cinéastes corréens les plus connus et les plus estimés par la critique. Jusqu'à présent, à cause de mon peu d'empathie pour le cinéma asiatique dont j'ai déjà parlé, je n'avais jamais tenté les films de ce metteur en scène, qu'on a souvent rapproché d'Eric Rohmer, à cause de son penchant assumé pour le marivaudage léger.
Pour son dernier film en date, en tout cas sorti en France ( un autre est actuellement présenté lors du Festival de Berlin), In another Country, je me suis décidé à enfin aller voir du coté de son cinéma, encouragé sans doute par la familière présence d'Isabelle Huppert dans le film, et grace aussi à sa présentation couronnée de succès en sélection officielle du dernier festival de Cannes.
Le film sort en DVD le 20 février prochain, soit mercredi, et grâce à son éditeur, Diaphana, j'ai pu le visionner en avant première pour ma première immersion dans l'univers de Hong Sang Soo.
En fait, plus qu'à Rhomer ( bien que le film se passe le long d'une cote balnéaire, comme dans certains films du cinéaste français), j'ai pensé au cinéma d'Alain Resnais, et notamment de Smoking no Smoking puisque In another Country met en place un dispositif ludique et inventif autour de plusieurs histoires joués par les mêmes acteurs, mais avec des personnages différents et des dialogues qui se répetent ou non suivant les situations.
Je m'explique car ce n'est pas forcément évident à comprendre sans avoir vu le film :au début du film, une jeune femme et sa mère sont coincées dans une station balnéaire, puis la jeune femme prend un bloc et commence à rédiger plusieurs histoires, qui seront donc celles que l'on va suivre et qui ont un dénominateur commun, un personnage central de femme, française, Anne, jouée évidemment par Isabelle Huppert.
Ces femmes ne sont jamais la même, mais on peut quand même l'appréhender comme les trois déclinaisons d'une même personne confrontée à diverses situations. Chacune a comme point commun d'arriver dans la même chambre d'hôte, de demander un parapluie à la logeuse, et sur ses conseils d'essayer de trouver la principale curiosité du coin, à savoir un petit phare, lighthouse en anglais. Toutes rencontreront un maître-nageur-serveur de barbecue à l'anglais rudimentaire, et toutes goutteront avec plus ou moins de modération au soju, l'alcool de riz coréen ( visiblement ce cinéaste adore les scènes de beuverie).
Bref, le film est assez amusant au niveau de la mise en place de son dispositif, puisqu'il est assez jouissif de retrouver, à quelques variations près, les mêmes situations, avec juste un canevas de départ qui varie peu ou prou. Le film a donc un coté inventif, léger et primesautier ( et le personnage du maitre nageur nous réserve des moments de burlesque assez réjouissant), mais cela en constitue également sa limite; le film n'allait hélas pas beaucoup plus loin que son idée de départ et apparait, au bout du compte, assez vain.
En fait, le film apparait surtout comme un écrin formidable pour le jeu d'Isabelle Huppert qui s'en donne à coeur joie dans ces différents personnages, qu'elle peut moduler comme elle veut ( femme trompée un peu candide ou réalisatrice qui sait ce qu'elle veut), tout en restant fidèle à son jeu et à sa personnalité. Pour qui apprécie l'actrice (et ils sont nombreux), le film reste un vrai plaisir de spectateur.
Isabelle Huppert semble d'ailleurs avoir pris beaucoup de plaisir à jouer dans ce film, comme l'illustre le très beau journal d'un tournage, document audio de 22 minutes du film, dans lequel Isabelle Huppert, raconte jour après jour ses son carnet de bord impressions de tournage et cela est vraiment passionnant.
Dans ce DVD, figure également une interessante présentation du film par Olivier Père(15mn), critique de cinéma émérite qui replace notamment le film dans l'oeuvre du cinéaste.