Vincent Dedienne au Théâtre de la Croix Rousse : il s'est vraiment passé quelque chose..
Le 30 septembre dernier, je suis allé applaudir Vincent Dedienne, comme je l'avais promis lors de mon article de présentation de la nouvelle saison du Théâtre de la Croix Rousse , un lieu qui est aussi une étape indispensable pour lui au cours de sa tournée de rentrée de 80 dates, sans compter quelques lundi à Paris au théatre de l'atelier.
Car comme il l'a annoncé de façon très émouvante à la fin de son one man show- ou seul en scène, la question sera posée aux spectateurs tout au long de la représentation-, Vincent Dedienne connait bien ce théâtre de la Croix Rousse pour avoir assisté en tant que spectateur à plusieurs pièces, du temps où il était élève à la Comédie de Saint-Étienne, ce qui a forgé son parcours de comédien classique...
Vincent Dedienne au Théâtre de la Croix Rousse, cela néanmoins pourrait paraitre incongru, si l'on considère que le comédien a joué son spectacle quelques années auparavant à l'espace Gerson- pas sûr qu'un autre spectacle ait été joué dans les deux endroits aux antipodes l'un de l'autre, il faudrait se pencher sur les archives- et pourtant finalement quoi de plus naturel que cet artiste qui arrive comme personne d'autre à faire sauter les frontières entre théâtre et café-théâtre se produise dans tous les endroits de France et de navarre, pourvu qu'il ait des planches, un rideau et des spectateurs pour l'applaudir...
Et de toute façon, c'était plutot sa présence à Gerson- mais pas que ; son spectacle ayant été présenté dans un certain nombre de cafés-théâtres au début de sa tournée- qui pouvait surprendre car, S’il se passe quelque chose n'est pas du tout un one man show traditionnel du genre : en effet, il n'y sera notamment jamais question du dernier I Phone, du rapport entre les hommes et les femmes, ou de la dernière voiture, bref aucun thème à la mode et surtout jamais Dedienne ne semble être à la recherche de la vanne à tout prix ou de la chute qui fait poiler.
Bref, Vincent Dedienne ne recherche jamais la facilité - on sent en cela fortement la patte de Francois Rollin qui l'a pris sous son aile- tout en étant constamment drôle, et ce n'est pas le moindre de ses mérites et de ses talents, à l'instar d'un .Laurent Lafitte ou d'un Guillaume Gallienne, excusez du peu..
Disons simplement, pour tenter de contenter tout le monde, que S’il se passe quelque chose est surtout un seul en scène, même si l'appellation peut sonner un peu spectacle un peu intello spécial public de Télérama- ce que je suis du reste pas mal-, dans lequel Vincent nous raconte sous forme d'une autofiction- on sait que Hervé Guibert a beaucoup compté pour lui- sa vie de provincial né de parents inconnus à Macon- une ville dont il nous offre un aspect bien peu excitant- et adopté par des parents aimants, qui viendront d'ailleurs faire des participations assez réjouissantes en vidéo.
Les parents de l'humoriste du comédien ne sont pas les seules personnalités à interferer avec le monologue de Vincent Dedienne, puisque de Marguerite Duras- dont la voix reconnaissable entre tous ouvre le spectacle-à Muriel Robin- pour qui il voue une admiration sans borne depuis qu'il a 8 ans- en passant par la regrettée et un peu oubliée Alice Sapritch, Vincent Dedienne fera intervenir toutes les personnes connues ou anonymes qui ont compté pour lui et qui ont fait ce qu'il était devenu.
Chez les anonymes, sa conseillère Pole Emploi, ou encore son professeur de théâtre, viennent interrompre son spectacle, grace à des incarnations plus vraies que natures jouées par Dedienne lui même.
Si ces " sketches" n'ont sans doute pas -toujours- la même acuité et la même subtilité d'écriture ( le personnage de la vieille actrice atteinte d'Alzheimer, un peu prévisible).que le reste de son spectacle, cela n'est absolument pas une raison pour bouder son plaisir, tant Vincent Dedienne fait montre d'une maitrise totale de son sujet et témoigne à moins de 30 ans d'une maturité d'écriture et de jeu assez phénoménale.
On sent chez Dedienne une vraie humilité, un sens de la mesure et une autodérision qui mettent tout le monde dans la poche, et, ce soir là, le public du Théatre de la Croix Rousse a accepté très vite d'être sous son charme qu'il a d'autant plus grand qu'il ne le met jamais en avant- même quand il se ballade tout nu en début et en fin de spectacle.
Alors résumons nous une bonne fois pour toutes : certes Vincent Dedienne n'est pas un humoriste, et ne fait pas de one man show, mais nous a livré ce soir là comme tous les autres, un spectacle drôle, percutant et personnel totalement emballant et enthousiasmant qui a lancé formidablement la saison 2016-2017 du théâtre de la Croix Rousse.