Le divan de Staline ( critique) : Tsar sous hypnose...
Mercredi dernier, est sorti - dans une petite combinaison de salles-dues surement au sujet et au faible succès rencontré par ses deux premiers films de réalisatrice- le troisième long métrage de l'immense Fanny Ardant "Le divan de Staline " , que j'ai pu voir en salles dans la foulée.
Ce film est en fait une adaptation du roman de Jean-Daniel Baltassat, qu'on avait aprement défendu lors de sa parution au Seuil en septembre 2013.
Palais de Likami en Géorgie automne 1950,Danilov jeune artiste moscovite de 27ans est « invité »par Staline, a présenter un projet de peinture à la gloire du petit père des peuples : un Staline vieillissant cherche à se reposer dans une résidence secrète en compagnie de sa maîtresse Lidia, jouée par Emmanuelle Seignier, alors qu'un jeune peintre vient lui présenter ses projets pour un monument à sa gloire.
Unité de temps, unité de lieu,dans l’immense demeure de la station thermale de Borjomi , une sorte de théâtre d’ombre va alors se jouer. Guidé par Lidia Semionova, la maitresse - un peu lasse- jouée par une étonnante Emmanuelle Seigner- du tyran, Danilov va s’approcher très près, trop près, du pouvoir.
Le film- comme le livre- revient sur la relation qu'a entretenue Staline avec un jeune artiste, incarné par l'acteur montant de la nouvelle génération Paul Hamy.
Sous la forme d'un conte philosophique, psychanalytique- comme le titre l'indique clairement- et métaphysique, Fanny Ardant essaie de sonder avec une ambition vraiment louable une exploration du rapport entre le pouvoir et l'artiste.
Une des passionnantes questions soulevées par le film est de savoir comment fait-on pour un artiste qui fricote avec le pouvoir pour ne pas perdre son âme?
Pour répondre à cette question et à d'autres que soustend son film, Fanny Ardant ne cherche jamais le réalisme ( c'est pourquoi tous les comédiens parlent français et jamais russe) et développe un univers presque onirique, presque sous hypnose (d'où le titre un peu fumeux de mon article en référence à l'émission pas terrible d'Arthur) dans lequel Gérard Depardieu, monument du cinéma français devenu citoyen russe, apparait comme un ogre.
Un ogre oui, mais un ogre (presque) repu assez effrayant, sans cesse sur le fil, en proie à ses propres démons, mais toutefois prêt à bondir sur sa proie, courtisans ou non, à n'importe quelle occasion.
Assez passionnant par les diverses thématiques abordées (l'enfance, les rêves, les peurs, le temps qui passe, l'amour, le désir, le pouvoir, l'art, l'ambition...), Le Divan de Staline n'est malheureusement pas, au final, la réussite qu'il aurait pu être sur le papier.
En effet, le film apparaît par trop figé et trop démonstratif pour convaincre totalement, et le spectateur est malheureusement souvent partagé entre envoutement et ennui réel, la faute notamment, à des dialogues trop plaqués et littéraires.
Mais on rendra grâce à la si intelligente et intéressante Fanny Ardant d'être parvenue in fine à insuffler une dimension de conte cruel et aux trois comédiens principaux de jouer leur partition avec un talent incontestable.
Cinéma - « Le Divan de Staline » de Fanny Ardant