De Cécile Coulon à Philippe Besson: 5 (très) bons romans...de saison..
Mettons un peu derrière nous les romans policiers, quelques jours après le raz de marée quais du polar ,(et même si on n'a pas totalement fini d'en parler) pour revenir à la littérature blanche au moins un temps..
Et mettons en avant avec 5 romans français qu'on a lu récemment et qu'on conseille, pour différentes raisons et souvent parce que leurs auteurs, plus ou moins reconnus dans le monde littéraire français s'y sont particulièrement impliqués personnellement et artistiquement
Voici pour finir cette première semaine de printemps pour la zone parisienne 5 conseils de romans français idéal pour les vacances de printemps à 2017 :
1. Tout ce dont on révait, Francois Roux ( Albin Michel)
"Comment avait elle pu engendrer un enfant si cool, si confiante en soi et en l'avenir? Justine était démunie devant l'extrême décontraction des gens, devant celle d'Adèle en particulier, qui la renvoyait à sa nervosité et son inquiétude, à son manque total de désinvolture justement. Elle détestait se le dire mais elle y voyait le même détachement narcissique que chez son oncle Alex, l'intelligence en plus. "
Avec son précédent roman, Le Bonheur National Brut; François Roux nous entrainait dans une fresque politique et sociale, et plongeait ses héros dans les tourments du début de la vie d’adulte et les retrouve au moment de leur bilan de mi- vie.
Moins d'ampleur et d'ambition avec son dernier roman qui reste cantonné à la sphère intime, mais cependant toujours en lien avec la société puisqu'il aborde le thème de la perte d'un poste et de l'impact psychologique que peut avoir sur un couple le chômage.
Si l'auteur n'atteint pas toujours la précision pcyholique et la fluidité narrative de son précédent roman-le premier tiers apparait même parfois maladroit- cette vision d’un couple qui s’unit plus par raison que par amour réussit à émouvoir et à viser juste surtout dans sa dernière partie, particulièrement juste et touchante...
Pas le meilleur roman de cette sélection mais une belle réflexion sur l'éternel thème de la relation conjugale et les affres qu'elle entraine..
2. L’administrateur provisoire; Alexandre Seurat ( La Brune au Rouergue)
« Raoul H. a le droit avec lui et la loi avec lui, et il ne fait que son travail, avec rigueur et diligence, ne cherche que le bien de ses administrés, qui lui compliquent pourtant la tâche. Il remplit le rapport, le glisse dans l’enveloppe, lèche l’enveloppe lentement, la ferme proprement, minutieusement, l’adresse au Commissariat général aux questions juives, la timbre, puis se lève, sonne Margoton pour qu’elle la poste. »
Peu après la mort de son frère, un jeune homme hanté par la Shoah, le narrateur apprend que son arrière-grand-père a été un collaborateur actif pendant la seconde guerre mondiale. Une famille bourgeoise aux liens distendus, un secret qui n’en n’est pas vraiment un, des aïeux à l’antisémitisme fossilisé dans le cortex, l’enquête sera historique et familiale.
C’est avec beaucoup de courage qu’Alexandre Seurat se tourne vers le passé et questionne l’Histoire pour mettre des noms sur le « travail » de Raoul H. administrateur provisoire chargé, sous Vichy, de recenser les entreprises détenues par des personnes d’origine juive , de les placer sous le contrôle du Commissariat, puis d’assurer leur vente forcée.
D’une écriture blanche et sobre, Alexandre Seurat dresse le portrait d’un monstre ordinaire, froid, rigide et sûr de son bon droit et d’une famille française devenue “amnésique”. Il décrit un enfer peuplé de petits fonctionnaires zélés qui ne font qu’appliquer la loi. Un livre émouvant, intime et universel.
3. Arrête avec les mensonges, Philippe Besson (Julliard)
"Pendant quelques semaines, je me demanderai s'il ne m'a pas choisi uniquement parce que j'étais disponible, parce que j'étais le véhicule idéal pour combler ses désirs réprimés, et parce qu'il n'en avait pas repéré d'autres comme moi. Je me répéterai : au fond pour lui, je ne suis que le garçon avec qui il baise , rien de plus, réduit à un corps, un sexe, une fonction.."
Voilà une belle et poignante chronique d'une époque révolue d'une petite ville de Province dans les années 80, dans laquelle tous ceux qui ont vécu cette époque se reconnaitront, tant les détails de cette période, notamment vestimentaires, sont légions.
Cette histoire d'un amour homosexuel consommé mais mal terminé à 17 ans, qui ressurgira de belle façon 30 ans après assez proche de l'autofiction, mais Besson sait s'arrêter avant l'impudeur et le pathos.
Ce beau roman sensible et vibrant d'émotion, nous prouve qu'il faut à nouveau compter avec Philippe Besson, auteur certes inégal ( certaines livraisons dispensables flirtaient avec l'emphase et la mievrerie, des éceuils que ce livre là contourne toujours) mais qui peut parfois nous livrer comme avec ce " arrête avec tes mensonges" de très belles pages pleine de douleur rentrée et d'émotion contenue prête à exploser à tout moment .
4.Les gens heureux n'ont pas d'histoire ;Eloise Lièvre (JCLattes)
"Je suis une petite fille tout ce qu'il ya de petite fille. Très loin Très loin sous l'écorce."
Les gens heureux n'ont pas d'histoire à ce que l'on dit, et pourtant Eloïse Lièvre fait un livre de la sienne, mais à mi-parcours.
En partant de photos qui marquentes toutes un passage important dans son existence, cette quadragénaire se souvient : petite fille, naissance d'une soeur, photo de classe, premiers amours et aussi plus généralement, election d'un président de gauche, attentat dans le RER, chute du mur de Berlin. ...
Puis mariage et enfants, pas de grand psychodrame, une vie toute simple en apparence, mais du coup forcément universel dans laquelle tous les lecteurs surtout ceux nés dans les années 70 s'y retrouveront avec un plaisir non feint.
Un roman sensible et doux qui plaira surtout à ceux qui aiment l'analyse du quotidien et de l'intime dissequé parfois cliniquement..
5. Trois saisons d'orage" - Cécile Coulon - Viviane Hamy -
“ Aux Fontaines, on croyait toujours que le danger venait de l’extérieur, qu’on avait le temps de l’appréhender, personne ne se posait la question des tremblements intérieurs, des mouvements sous la surface, le soir, quand les cloches se taisaient. “
"Les Fontaines. Une pierre taillée au milieu d’un pays qui s’en fiche. Un morceau de monde qui dérive, porté par les vents et les orages. Une île au mi!jeu d’une terre abrupte. Je connais les histoires de ce village, mais une seule, une seule, les rassemble toutes. Elle doit être entendue”.
Les Fontaines c'est le nom d'un petit village endroit à part, sauvage oublié, enserré dans trois falaises qui portent le nom un peu terrifiant des Trois gueules.
On y suit une famille sur plusieurs générations aux destinées a priori plutôt banales et qui s'avereront finalement assez incroyables .
Une fresque rurale qui se lit un peu comme un conte ancestral, et une lecture qui bluffe par la construction de son récit et le style impeccable de son auteur, son sens de la formule qui fait mouche et également par sa fascination immense pour la nature et pour la terre, dans lequel des habitants y puisent leur force et leurs racines (on pense parfois au très beau Mal de Pierres de Malina Angus sauf qu'on suit ici plusieurs destinées).
Un roman qu'on a envie de lire rapidement, tout simplement parce qu'on veut connaitre ce qui va se passer pour ces personnages, pris par la violence de leurs sentiments souvent refoulés mais qu'on peut prendre aussi le temps de savourer tant la plume de l'auteur est précieuse.
Un Hymne à la nature et à la passion qu'on lit avec frénésie et émotions, pour un auteur qu'on connaissait mal mais qui confirme ici tout le bien qu'elle inspire dans le milieu littéraire..