#Vendredilecture : On a lu Trois excellents polars à la sauce européenne!!
Dans la foulée de notre interview parue ce matin de cette excellente romancière suédoise qu'est Sara Lovestam, on a eu envie de prolonger la thématique des auteurs de polar européens avec trois auteurs venus d'Europe.
Trois auteurs qui seront peut etre présents lors de la prochaine édition de Quais du Polar début avril dont la conférence de presse aura lieu à la fin du mois de février et dont le dernier roman nous a enthousiasmé :
1. Les chemins de la haine ;Eva Dolan ( Liéna Levi)
« Zigic remarqua quelques hommes en costume parmi les habitués, des anglais sans doute, qui s’arrêtaient un instant boire un verre et se faire tailler une pipe avant de rentrer à la maison. Mais dans le brouhaha des conversations dominait un mélange de polonais, de lituanien et de letton, et les autochtones semblaient savoir qu’ici, ils n’étaient pas vraiment chez eux. »
Un corps calciné dans l’abri de jardin d’un pavillon d’une triste banlieue, peut-être le cadavre d’un travailleur clandestin, esclave moderne, travailleur pauvre qui ne peuvent pas se payer un logement. Insécurité, chômage, peur de l’autre, fracture sociale, la récession économique n’en finit pas dans cette ville ouvrière de l’Est du pays.
Marchands de travail, marchands de sommeil, marchands de survie, bétail humain, nationalisme rampant, Zigic et Ferreira les deux policiers chargés de l’affaire le savent, l’Angleterre promise n’existe pas et les chemins de la haine mènent au pire de la condition humaine.
Autopsie du travail au noir, de ses dérives, et de l’exploitation des travailleurs précaires venus de l’Est de l’Europe, « Les chemins de la haine » est une enquête minutieuse et chirurgicale.
Qu’au commissariat de Peterborough soit ouvert une section des crimes de haine est un marqueur, cette région du Nord-Est de Londres a pris de plein fouet toutes les crises successives depuis que le terme crise économique existe. Ecriture froide, style implacable, le premier roman d’Eva Dolan redonne au polar social ses lettres de noblesse.
2. Les adieux de Brodie; Gordon Ferris ( Seuil Editions)
L'Écossais Gordon Ferris- est un auteur dont on avait chanté les louanges il y a deux ans avec les Justiciers de Glasgow puis il y a un tout juste un an avec la filière écossaise. Après avoir dévoré ce troisième volet des enquêtes de Douglas Brodie, on s'est donc jetés sur la la quatrième.-et comme le titre l'indique dernière aventure pour Douglas Brodie ,journaliste d'investigation, et ex flic de Glasgow, de retour dans sa ville après la seconde guerre mondiale.
Toute la saga se déroule à Glasgow entre 1946 et 1947, et la critique britannique sous le charme, le compare même "avec Ian Rankin" ..ou Conan Doyle eVal Mc Dermid, les plus célèbres auteurs de polars écossais.
Gordon Ferris qui a notamment travaillé pour le ministère de la Défense britannique n’a pas son pareil pour décrire l’ambiance particulièrement mystérieuse et opaque de ce Glasgow d'après-guerre.
Les adieux de Brodie. sonnent comme un chant du cygne et l' on ne sera pas détrompé par ce titre crépusculaire puisque le roman commence par l’enterrement du héros, mais un enterrement qui ne ressemble peut etre pas tout à fait à ce qu'il est réellement.
Après avoir démantelé une filière d’exfiltration de criminels nazis dans le précédent volet,Douglas, accusé d’avoir commis l’enlèvement et l’assassinat d'un riche banquier sulfureux Fraser Gibson, va de voir se faire passer pour mort pour faire éclater la vérité et partir à la chasse aux malfrats, et à une histoire qui ressemble étrangement à une bien sybilline affaire d’État.
Poussé par son inassouvable et inextinguible soif de vérité, Brodie fait une fois de plus appel à sa méthode personnelle et pas toujours très morale, dans ce décor d'un Glasgow bombardé qui peine à se relever des ruines, où les quartiers pauvres recèlent une misère noire, et où le banditisme propsère.
Encore une fois, Ferris excelle dans la reconstitution d’époque et dans la maitrise narrative conduite à un rythme effréné, et une fois achevé ces adieux de Brodie, on a hate de savoir quel nouveau héros va bientôt sortir le romancier écossais de son chapeau.
3. Jeux de Miroir, ED Chiorovici (Pocket)
« Lorsque j’avais décidé de devenir écrivain, à la fin du lycée, je m’étais peu à peu forgé une conception du monde lugubre et empreinte de scepticisme, avec l’aide précieuse de MM. Cormac McCarthy, Philip Roth et Don DeLillo. Pour moi, un véritable romancier ne pouvait être qu’un triste sire solitaire, même s’il recevait de gros à-valoir et passait ses vacances dans des hôtels de luxe en Europe »
1987, rentrée universitaire de Princeton. Richard a de la chance : son nouveau colocataire est une colocataire belle, intelligente et l’élève d’un grand professeur de psychologies cognitive. Richard tombe immédiatement amoureux de Laura et se rend vite indispensable auprès du grand homme.
L’hiver de cette année-là, le professeur Wieder est assassiné et le meurtre jamais élucidé. Janvier 2014, Peter Katz, éditeur New-yorkais en vue, reçoit un manuscrit de Richard, et si ce roman inachevé contenait la clé de l’énigme.
Un jeune romancier velléitaire, une étudiante surdouée, un grand professeur génial ou imposteur : Jules et Jim à Princeton ! Trop simple. Une affaire classée ressurgit grâce à un roman, quelle belle idée qu’un crime vieux d’une trentaine d’année soit résolue par un policier atteint d’un début d’Alzeimer.
Amnésie, faux-semblant, manipulation et mise en abime, pour son premier roman en anglais, Eugen Ovidiu Chirovici écrit à l’américain, fluide et efficace.« Jeux de Miroir » est un jeu de mémoire prenant et plus profond qu’il n’y parait. Trois personnages vont nous faire le récit d’une histoire dont ils ont été le témoin, le lecteur devra lui-même découvrir la vérité. Comme le disait Françoise Sagan, « On ne sait jamais ce que le passé nous réserve »