Baz'art  : Des films, des livres...
5 mars 2018

La fête est finie : Rencontre avec Marie Garel Weiss, réalisatrice du film

 Pour commencer la semaine, quoi de mieux qu'une longue interview avec une cinéaste afin de discuter ensemble d'un de nos meilleurs premiers films français de ce début d'année?

En effet,  la réalisatrice Marie Garel Weiss, rencontrée début février sur Lyon avec ses deux formidables comédiennes, Clémence Boisnard et Zita Hanrot,  nous raconte le tournage de son film  "La Fête est finie"  (voir critique de ce long métrage qu'on a adoré ) sorti en salles depuis mercredi dernier.

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     INTERVIEW MARIE GAREL WEISS, REALISATRICE DU FILM  "LA FETE EST FINIE"

  Baz'art : Bonjour Marie et merci de prendre le temps pour cet interview. Vous avez été pendant longtemps scénariste avant de réaliser ce premier long-métrage. Quel a été en fait le déclic qui vous a amenée à enfin prendre la caméra?

Marie Garel-Weiss :  A vrai dire, cela fait très longtemps que j'avais en moi ce désir, plus ou moins conscient, de passer à la réalisation d'un long métrage .

J'aimais bien mon métier de scénariste et je n'avais pas forcément une envie irrépréssible de passer de l'autre côté, mais comme  je travaillais régulièrement avec des réalisateurs, je me disais qu'il me manquait quelque chose de ce côté là pour être pleinement accomplie.

Vous savez, quand on est scénariste, on a tendance à se plaindre un peu de la pression des metteurs en scène, ces gens là sont quand meme capables de  vous appeller en pleine nuit pour un détail de leurs films, il faut dire que c'est un peu leurs bébé, des  projets qu'ils ont en eux depuis des années ( sourires)... 

Bref, j'avais vraiment envie de faire un premier film, mais le sujet n'était pas clairement défini et en réfléchissant  je me suis dit que celui de la fête est finie, qui a des résonnances personnelles évidentes,  s'est alors imposé à moi.

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Baz'art : Justement , comment qualifieriez-vous en premier lieu le sujet de "la fête est finie " à ceux qui ne l’ont pas vu : est- ce un film sur la dépendance à la drogue ou avant tout un film  qui parle d'amitié fusionnelle entre deux jeune filles ?

 Marie Garel-Weiss : Pour moi, "la fête est finie",  c’est une histoire d’amitié, presque d’amour, bien avant d’être un film sur la drogue.

 Dans cette adversité, et dans cet endroit particulier que constitue un centre de désintoxication,  j'ai voulu montrer comment deux filles, qui sont tellement différentes et qui ne se seront surement pas rencontrées ailleurs, vont lier une amitié assez hors du commun.

Baz'art  : Certes, mais pour autant, cette histoire de dépendance est quand même essentielle dans votre récit. Comment avez vous réussi à faire une oeuvre qui peut être autant fédératrice sur un sujet assez clivant?

Marie Garel-Weiss : Bien sûr, même pour ceux qui n'ont pas directement -ou indirectement- atteint, ce problème de dépendance peut toucher tout le monde car c’est un problème de mal être, de carence de lien affectif, de difficulté à trouver sa place, à ressentir, à créer du lien.

Et au risque de me répeter :  plus que le thème de la dépendance, ce qui a guidé la construction de notre scénario  c'est  ce lien presque géméllaire,  symptomatique d'un gros manque affectif, qui mène la danse.

La dépendance affective, ca  peut toucher tout le monde, d'autant plus quand on est jeune et entier. Je pense qu'on est déjà préposés, dans notre enfance, à des symptômes de la future addiction.

 D'aussi loin que je me souvienne, bien avant les problèmes concrets d'addiction, j'avais besoin de ce genre de  dépendance comme  toute réponse à un mal-être.

La relation  entre Sihem et Céleste – qui ressemble pas mal à celle que  j'ai vécue dans un centre similaire à celui du film  – elle pourrait être toxique, elle l'est d'ailleurs à certains moments, mais elle est finalement transcendée par un vrai amour, un vrai lien,  qui reste quelque chose que chacun d'entre nous a besoin pour tenir debout quand les épreuves sont devant soi..

 La résilience ce n'est pas forcément sortir de la drogue, c'est s'en sortir tout court.

Ce qui primait pour nous ,  c'était vraiment qu'on arrive à transmettre cette espèce de force, cette énergie qui irriguent les deux personnages, et non pas de faire le suivi étape par épate de leurs parcours de réinsertion...

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 Baz'art :  Vous venez de le dire, vous assumez totalement le fait que vous avez vécu de près l’histoire que raconte votre film. Comment dès lors  réussir à prendre le recul nécessaire pour en tirer une fiction ?  

Marie Garel-Weiss : Quand on part d’une histoire personnelle,  c’est  forcément assez difficile  de prendre la bonne distance et de ne pas se faire manger par son histoire intime.

Travailler avec un co-scénariste m’a été pleinement  bénéfique pour finaliser "la Fête est finie", car  le scénariste  Salvatore Lista , qui est arrivé environ 6 mois après l'écriture de la première version du script,  m’a vraiment  aidée à faire le tri.

Avec lui, j'ai pu réaliser un travail d’introspection nécessaire pour garder que les éléments nécessaires à la construction d’un récit, et de centrer l’histoire autour de cette amitié fusionnelle entre Sihem et Céleste.

  Il m’a servi un peu d' "accoucheur »(sourires),  en me demandant de suite ce qui semblait le  plus important à mes yeux de conserver dans mon histoire et j’ai trouvé cela assez agréable d’être dans cette position un peu  inverse à celle que j’avais habituellement quand j’étais simple scénariste, et de toute façon, cette démarche était  indispensable à la bonne construction du récit.

 Baz'art : Votre film suit un angle assez inédit par rapport à d’autres films sur la drogue et la dépendance, puisqu'il prend le parti de comparer la dépendance affective à la dépendance aux substances, c’était un sujet qui ressortait dès le début de l’écriture ?

 Marie Garel-Weiss  Oui, bien sûr, l’angle que j’ai vraiment choisi avec Salvatore pour garder le cap , c’est de chercher à savoir si la dépendance émotionnelle pouvait  remplacer la dépendance à la drogue.

A mi- film , le thérapeute du centre explique aux deux amies que leur lien d’amitié va les perdre, et toute la suite du film sera donc de savoir si les évènements vont donner raison ou tort à ce professionnel un peu trop sûr de son fait.

Le spectateur a envie que les  événements contredisent les propos  du thérapeute, même si parfois, les faits lui donnent apparemment raison….

 Ce qui guide vraiment le film, je crois,  c'est cette énergie qu'ont mes deux héroïnes,  ce désir de s'en sortir, avec ce rêve un peu fou mais crédible celui  d'être ensemble, d'avoir leur vie à elles.

 Baz'artVotre film épate aussi par le réalisme de certaines situations et notamment celles qui émanent des groupes de paroles, des scènes qu’on a pourtant vus dans d’autres œuvres mais pas souvent filmées avec une telle spontanéité… Comment avez-vous travaillé ce point là précisément ?

 Marie Garel-Weiss  : Pour arriver à capter la vie qui circule dans les groupes de paroles,  j’ai beaucoup travaillé en amont avec la directrice de casting pour le choix des comédiens  dans ces groupes, et on a trouvé des  acteurs assez  incroyables.

 Dans le centre, on a fait beaucoup d’impros, de répétitions, puis j’ai réécrit à partir de ces nouveaux personnages qui avaient émergé, et l’ensemble a formé un vrai groupe auquel on croit.  

Quant aux réunions de la seconde partie du film, on a pris des acteurs mais pas seulement on a aussi «  réquisitionné des  amis,  ou des  membres de l’équipe que nous avions réquisitionnés, et on leur a laissé le choix d’écouter ou de participer  ou de ne pas le faire.

A vrai dire, personne ne savait vraiment qui allait dire quoi. Certains avaient un texte, d’autres levaient la main spontanément.  Et  même moi, j’avoue avoir été surprise par ce ce que certains ont bien pu raconter (sourires)...

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 Baz'art  : La grande réussite de votre film tient aussi  au casting.. pouvez vous nous dire quelques mots sur ces deux extraordinaires actrices?

Marie Garel-Weiss  Oui moi aussi, j’adore la complémentarité de mes actrices (sourire). En fait, comme leurs personnages, ces deux comédiennes sont proches et très opposées  à la fois..

 Concernant Zita (Hanrot),  je l’avais évidemment repéré comme beaucoup dans  Fatima de Philippe Faucon et malgré la beauté et la douceur qu'elle dégage, j’avais indentifié ce côté  fier, un peu altier,  et fragile en même temps,  que je recherchais pour Sihem, car en fait,  elle ressemblait pas mal à cette fille que j’ai connu dans le centre et avec qui j’ai vécu cette histoire d’amitié.  

Elle traine avec elle ces bagages, le conservatoire national, donc elle possède en fait un parcours assez proche du personnage.

 En contrepoids, pour le personnage de Céleste, je voulais justement une actrice «  brut de décoffrage » qui s’opposait au côté plus académique de Zita… on a donc fait une sorte de casting sauvage de 70 filles. et c'est  Clémence  repérée dans une boîte de nuit par l’assistante de la directrice de casting qui a été choisie.

 En fait, elle  avait déjà joué au ciné un petit rôle dans L’Age atomique d’Helena Klotz, elle voulait être comédienne mais n’avait pas suivi de cursus classique. Clémence m’a séduite par son humour, c’est la seule qui a fait une proposition comique aux premiers essais.

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Baz'art : Mais une fois que vous les avez choisi individuellement , il faut encore réussir à atteindre ce degrès  de complicité entre elles : pouvez nous dire  qui vous avez choisi en premier et comment avez-vous fait pour trouver une telle osmose entre les deux ?

Marie Garel-Weiss  Comme j’avais déjà choisi Zita, qui s'est très vite imposée à moi,  je lui ai fait faire  quelques essais avec des actrices que j’avais sélectionné pour jouer Céleste, et  ceux qu’elle a fait avec Clémence ont été, de loin, les plus marquant, cela a de suite  a été comme  une évidence.

 Ce qui est assez magique dans leur relation, c’est que, très vite, elles  sont prises au jeu de l’amitié que raconte le film et elles ont en quelque sorte reproduite dans la vraie vie le schéma que racontait le film.

Elles ont un système de jeu à l'opposé :  Zita est très réfléchie;  elle a besoin de comprendre, et du coup, elle aurait tendance à s'abandonner au fur et à mesure quand elle a vraiment emmagasiné des infos, tandis que Clémence est plus instinctive et aurait tendance à tout  donner dès la première prise.

Mais bien sûr, le fait que Clémence  et Zita  soient aussi différentes, que leurs énergies se cognent et se cherchent,  cela fonctionnait  parfaitement avec le récit.

C’était important que ça fonctionnait bien entre elles, car avant deux individualités, c’était bien en premier lieu un binôme que je recherchais.

 Baz'art : Permettez nous d'insister quand même sur Clémence,  qui est une révélation totale, pour son vrai premier rôle… Est ce que le tournage de ce film a été facile pour elle ?

Marie Garel-Weiss :   Ah oui,  Clémence est un sacré tempérament, et en même temps elle porte une charge émotionnelle qu’elle a beaucoup insufflée dans le film.

Faire ce film était pour elle une expérience limite, comme celle de son personnage : elle pensait que le tournage ne lui procurait que du bonheur, mais bien vite, elle s'est retrouvée  remuée par des émotions, elle trouvait ça difficile, et s’en voulait de trouver cela si compliqué à gérer. 

Clémence  a mené  une lutte incessante  avec elle-même, ca n'a pas toujours été forcément évident durant le tournage  mais je pense que ce combat on le ressent bien dans le film.

Ce qui est sûr, c'est qu'elle a énormément donné d’elle-même au personnage de Céleste pour le bien du film, et je suis très fier de ce qu'elle m'a donné, et très fiere aussi qu'elle ait été récompensée, au Festival de Sarlat pour sa performance …un prix qu'elle a partagé d'ailleurs avec Zita,  ce qui montre bien que le destin de l'une ne va pas sans l'autre....

 Baz'art : En tout cas, tous les spectateurs de la fête est finie devront également ressentir la même chose devant vos deux exceptionnelles comédiennes et peuvent le vérifier de suite dans les salles..

Merci, chère Marie, et longue vie à cette fête qui on l'espère ne fait que commencer !

 

 


 

 

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