Pour/ Contre : Portrait de la jeune fille en feu : fresque amoureuse intense ou film académique et ennuyeux?
Depuis la sortie mercredi dernier du "Portrait de la jeune en feu" de Céline Sciamma, les critiques cinéma ne dissimulent pas leurs enthousiasmes, usant de superlatifs particulièrement forts. Récompensé d'un prix d'un scénario à Cannes, alors que certains le voyait pointer encore plus haut, le film fait vraiment exalter les avis de nombreux cinéphiles..
Et pourtant l'unanimité n'est pas de mise à Baz'art où l'on s'entredéchire autour du film , un mois après avoir fait de même avec ZAHIA et comme le mois dernier, ce sont les mêmes qui endossent le rôle du gentil et celui du méchant :
1/POUR: UN FILM INTENSE ET PROFOND....
Il suffit parfois d'un plan au début d'un film pour savoir qu' il sera réussi. Une jeune femme nue devant une cheminée, elle fume une pipe, de chaque côté de l' âtre deux grande toile blanche.
Cet instant surréaliste érotique et plastique prépare l' oeil du spectateur, comme son héroïne, nous allons vivre un moment unique.
Nous sommes au XVIII éme siècle, une jeune peintre se rend sur une île bretonne pour faire le portrait d' une femme promise à un riche milanais.
Héloïse sort juste du couvent et son lointain mari voudrait bien savoir à quoi ressemble sa future épouse avant de s' engager.
Mais pourquoi la jeune femme se refuse au portrait? Marianne devra la peindre à son insu.
Une île battue par les flots, une belle demeure isolée sur la falaise, quatre beaux personnages féminin qui tentent de contrôler leur destiné, nous sommes en plein romantisme.
Une belle histoire de sororité et de vie amoureuse brisée mais aussi une étude sur la triste condition féminine de ce siècle.
Une histoire forte, des images composées avec intelligence et des moments suspendus d'une belle intensité, comme cet auto-portrait au miroir, font du film de Céline Sciamma un moment fort de cette rentrée cinématographique.
Sciamma a un univers et une mise en scène bien à elle tout en étant résolument classique, mais c'est loin d'être un défaut au contraire .. on pense à l'érotisme fiévreux de Truffaut, d'Adèle H ou des deux anglaises et le continent, mais aussi à l' engagement gay de James Ivory pour "Maurice", que de sublimes références avec lesquelles Céline Sciamma parvient largement à rivaliser...
Attention, alertes césars- puisque les Oscars n'ont pas voulu de lui- ?- en février.
Michel D
2/CONTRE: PROFOND SURTOUT EST L'ENNUI...
En effet, le plan au début d un film est plutôt réussi, et les deux derniers de la fin sont très beaux...
Mais, entre ces deux pôles, on a quand même tendance à s'ennuyer ferme devant cet exercice de style froid et désincarné que nous sert une Céline Sciamma, plus à l'aise dans le contemporain; on pense surtout à "Tomboy" et à "Naissance des pieuvres" ( Bande de filles nous avait déjà laissé dubitatifs malgré une mise en scène formidable) que dans ce si piégeux genre du "film à costumes".
La réalisatrice semble trop se focaliser sur sa mise en scène particulièrement soignée et composée, et très vite nous sommes pris par un rythme un peu trop langoureux qui semble avant tout opter pour la contemplation au détriment de l'émotion, de l'incarnation et du souffle..
Résultat des courses : beaucoup de clairs-obscurs, d'éclairage à la bougie à la manière des tableaux peintres flamands, mais peu d'embrasement, de folie, d'emportements, tout ce qu'on était en droit d'attendre de cette passion interdite...
Ici Sciamma semble en permanence étouffer toute veilleité d'émotion dans une mise en scène glacée. .
Le film semble surtout assez impuissant à générer l'émotion qu'il devrait susciter. Il reste trop figé dans son coté appliqué et ses aparats de films à costume, là ou d'autres films comme "Bright star" de Jane Campion ou "les Liaisons dangereuses " de Frears parvenait à transcender ce classisime bon teint.
Par ailleurs, si Noémie Merlant est juste et sensible, Adèle Haenel peine à convaincre dans un rôle qui ne semble pas taillée pour elle .
Bref, au cours des (longues) deux heures que dure le film, on ne peut s'empecher de bailler poliment.à plusieurs reprises devant cette histoire d'amour impossible qui nous fait chavirer que dans les deux belles dernières scènes, sans pour autant réussir à nous sortir de cette torpeur dans lequel on était plongé...
Le moment unique que nous promet Michel ne serait -il pas un sentiment d'ennui qu'on a effectivement rarement ressenti au cinéma?
Et comme ce cher Michel le préssent, il est fort possible que les césars récompensent le film mais, vous l'aurez compris, cette idée ne me ravit pas forcément outre mesure..
Philippe H