" Dans ses tribus paysannes, les rejetons mâles de la troisième génération partaient faire leur droit, ou leur médecine, à Paris. Paul suivrait le mouvement et les injonctions paternelles. Il voudrait avant tout s' inventer une place sous le soleil de la capitale et porter haut le nom de la lignée. Le vieux pays serait trop petit pour lui, trop lent, trop usé ; la longue saignée de la guerre avait raboté les villages, laissant les familles exsangues et résignées, confites dans des deuils innombrables voués à ne pas finir. Paul Lachalme voudrait vivre et briller, tout avoir et jouir des beaux fruits ; il ne finirait pas en notaire de province, garni d' enfants, paterne et bedonnant. "
Figeac 1924. Gabrielle, une femme libre, quitte le Lot pour Paris. Elle laisse André, son fils, aux bons soins d' Hélène et Leon sa soeur et son beau-frère.
André, le garçon sans père grandira auprès de trois cousines aimantes. Chaque été, Gabrielle la parisienne vient passer ses vacances en famille.
Au fil des années et des confidences, André dessinera l'image de Paul Lachalme, ce père inconnu qui ne lui a jamais manqué mais qui restera assurément le grand absent de sa vie d'homme.
Une région aride, des non-dits familiaux, un enfant sans père dans les méandres de plusieurs vies.
Une écriture sèche et directe, en peu de mots Marie-Hélène Lafon campe un personnage, évoque un paysage ou fixe une époque et nous livre au fil de son récit un siècle d' une histoire familiale.
Il existe indéniablement un style Lafon, qui fait qu'en 160 pages la romancière réussit là où, pour certains, il en faudrait plus de cinq cent.
Franc, bref et dense, " Histoire du fils" va, comme toujours, à l'essentiel tout en racontant beaucoup.
L'arbre généalogique qu' elle dessine invite le lecteur à raconter sa propre histoire.
C' est peut-être cela le secret de l'écriture de cette incroyable romancière Marie-Hélène Lafon (voir une de nos autres chroniques sur cette autrice)
Histoire du fils, Marie-Hélène Lafon (Buchet-Chastel – 176 pages – 15 €)