Festival OFF 2021 : on rend notre jugement sur "Flagrant déni"
Avis aux festivaliers qui se lèvent tôt : au Théâtre des Corps Saints se joue en ce moment, Flagrant déni, une formidable pièce adaptée de six nouvelles de Guy de Maupassant, mise en scène par Catherine Benhamou.
Imaginez, mesdames et messieurs. Un décor nu, avec simplement, une chaise, trônant au milieu de la scène. Imaginez un juge de paix dans un tribunal de campagne nommé Saval (Alain Payen) qui va, une heure durant, recevoir une foule de justiciables : du paysan au notable en passant par le petit bourgeois.
Imaginez-les défiler à la barre avec leur histoire - souvent abracadabrantesque -, leur version des faits, leurs accusations, leurs allégations...
Le juge de paix va les écouter religieusement, arbitrer les litiges autant que faire se peut, tenter de séparer le bon grain de l'ivraie.
Ruptures de contrats (parfois un peu spéciaux), tentative de meurtre pour une question d'emplacement de pêche... Le Juge Saval va tout voir, tout entendre, pendant ses années d'exercice.
Dans ce seul-en-scène brillant, Alain Payen incarne toute une étonnante galerie de personnages sans jamais tomber dans la caricature.
Des accents aux manières de parler, en passant par les postures, tout concourt à nous faire visualiser chacun d'entre eux, à nous représenter les situations qu'ils nous racontent et qui expliquent leur présence dans cette salle de justice de Seine-Inférieure - future Seine-Maritime.
On se plaît, par ailleurs, à voir évoluer le personnage du juge : on le découvre au tout début de sa carrière et on le quitte à l'aube de sa retraite. On se surprend à s'attacher à ce jeune homme que l'on a connu plein de morgue, et qui va, peu à peu, nous apparaître plus humain.
Le passage où il réalise que, tout pris qu'il était par son travail, il n'a jamais connu l'amour, est particulièrement émouvant.
Impossible de s'ennuyer tant l'ensemble est rythmé, fluide - difficile d'imaginer que cette pièce a été adaptée de six différentes nouvelles, Tribunaux rustiques, Lettre trouvée sur un noyé, Le Cas de Madame Luneau, Une vente et Le Trou et Regret. Impossible de ne pas sourire - ou rire, eh oui - en entendant le récit parfois invraisemblable de ces personnages plus vrais que nature à qui il arrive l'extraordinaire.
La langue de Maupassant (superbe, et-il nécessaire de le préciser ?) est parfaitement servie par la diction impeccable d'Alain Payen.
La séance étant bientôt levée, nous vous encourageons à profiter de cette dernière semaine de festival pour vous rendre au Théâtre des Corps Saints - eh oui, même vous, oui, vous, vous qui n'êtes pas habitué à vous lever tôt. On vous assure que cela vaut le coup de mettre le réveil un peu en avance !
Flagrant déni, tous les jours au Théâtre des Corps Saints à 10h30 au 76, Place des Corps Saints, 84 000 Avignon