Critique cinéma/Les olympiades: Ma nuit chez Maud version 2010 de Jacques Audiard
Après Les Frères Sisters, un film qui nous avait partagé et qui est un peu son exact contraire (puisque c'était un film très masculin, très sombre, très aéré, très peu urbain) Jacques Audiard revient au cinéma en grande force et en grande forme avec son nouveau film Les Olympiades.
Ce film que Jacques Audiard a coécrit avec Céline Sciamma et Léa Mysius, permet au réalisateur de se réinventer très joliment en filmant une cartographie du discours amoureux aujourd’hui chez des trentenaires qui ont du mal à s’investir professionnellement et émotionnellement parlant.
En ayant comme référence un de ses films de chevet, Ma Nuit chez Maud de Rohmer, qu’il confie avoir vu au moins quatre fois de suite à l’âge de 15 ans, où un couple parlait pendant une nuit de tous les sujets inimaginables et se quittait sans avoir eu de rapports charnels, Jacques Audiard livre son conte moral bien à lui et ancré dans une modernité bienvenue.
Il ose ainsi une sorte de miroir inversé du film de Rohmer puisqu’ici les personnages des Olympiades commencent par faire l’amour avant éventuellement d’envisager la suite.
S’inspirant plus ou moins librement d’intrigues présentes dans différentes histoires de l’Américain Adrian Tomine, un auteur de roman graphique américain, à l’univers pas loin d’un Daniel Clowes ou Chris Ware, Jacques Audiard nous parle d’individus qui sont à un moment de leurs vies où leurs idéaux s’effondrent
Trois personnages principaux aux trajectoires a priori indépendantes, mais dont les chemins finiront par se croise, sont les pivots de ce film brillant à tous points de vues.
Trois portraits qui alternent au gré d’un montage particulièrement percutant et trois façons d’exprimer la solitude et le besoin d’amour chez des individus en plein doute existentiels et qui ne parviennent pas à vivre et à aimer en conformité avec leurs convictions et leurs valeurs
Les olympiades est une réussite narrative et visuelle avec une sublime noirs et blancs qui donne l’impression que Jacques Audiard fait son Manhattan ou son Nora Darling n’en fait qu’à sa tête, et retrouve à 70 ans passée, l'énergie et l'audace des premiers films .
Jacques Audiard utilise un peu le noir et blanc comme de l’encre, en raccord total avec l’origine graphique du projet, donnant à chaque plan une dimension visuelle et servant très efficacement et avec finesse la narration.
De plus, ce parti pris esthétique permet de donner une couleur différente à un Paris tellement filmé au cinéma ; un Paris assez intemporel et monochrome, où il est difficile de distinguer jour et nuit, conférant au film une poésie urbaine magnifiée la superbe bande-son électronique du décidemment génial Rone.
Le film est enfin totalement porté par le jeu de ses trois acteurs, la confirmée Noémie Merlant, qui a droit à l’arc du film le plus sombre et le plus étonnant sur l’orientation sexuelle et l’humiliation des réseaux sociaux et les révélations Lucie Zhang- qui n’avait jamais joué et Makita Samba, qui emportent totalement dans le souffle de leurs élans fougueux et sensuels.
Camille, Émilie ou Nora, trois personnages qu’on est heureux de suivre pendant près de deux heures et au cours de ses quelques mois dans leurs vies pour une œuvre bien moins mineure et légère qu’en apparence !
Un des très grands films de cette fin d’année, injustement boudé au Palmarès cannois.
Les Olympiades, de Jacques Audiard, en salles le 3 novembre 2021- Distribué par Memento films
Bien moins mineur qu'en apparence #lesolympiades de Jacques Audiard séduit énormément, de la par la grande justesse de ses portraits de trentenaires enfermés dans une ultra moderne solitude et par le soin immense apportée à la la photographie et à la BO de @RoneOfficial pic.twitter.com/4aezFTxu78
— Baz'art (@blog_bazart) October 25, 2021