Un chic type quand même, ce Patriiiiiiiiick!!!
Ah, Patrick Bruel, il est évidemment de bon ton de le décrier depuis son éclatant succès dans les années 80, lorsqu'il est devenu l'idole des jeunes filles en fleur.
Son insolent succès, son coté un peu grande gueule, son incursion pas toujours très réussie au cinéma, tout était bon pour lui sauter dessus et dénigrer tout ce qu'il faisait.
Pour ma part, j'avoue, un peu envers et contre tout, toujours aimé le type et l'artiste, dont les tubes ont accompagné bon nombre de mes années d'adolescence et même d'entrée à la vie adulte. Artiste complet, alternant musique et cinéma, j'ai toujours eu beaucoup d'affinités avec sa musique, avec notamment des textes peut-être parfois un peu naif, mais dans lequel je me retrouvais souvent.
Si, avec les années, il a pris en crédibilité de comédien ce qu'il a un peu perdu en légitimité musicale, et que ses dernières positions politiques m'ont un peu décontenancées, j'ai eu envie d'en savoir plus sur l'homme, qui a tellement fait la couverture des revues peoples, mais dont l'ambivalence et les contradictions m'ont toujours un peu fasciné.
C'est pour cela que j'avais très envie de me plonger dans le dernier ouvrage en date consacré à Bruel, qui n'est pas vraiment une autobiographie, mais une conversation avec le journaliste du Nouvel Observateur Claude Askolovitch.
J'ai lu l'ouvrage il y a plusieurs semaines, et j'en ai gardé un souvenir agréable, grâce notamment à la plume de l'auteur, Claude Askolovitch, qui se met joliment en scène (en évoquant plusieurs fois le décès de sa femme dans des passages pudiques et fort émouvants), et qui nous explique les coulisses de ces longs entretiens avec l'idole des jeunes filles en fleur dans les années 90.
On apprend notamment dans le livre que cette période là, Bruel ne l'a pas aussi bien vécu qu'on pourrait l'imaginer. Ainsi, il explique qu'à un moment où des sketchs « plus méchants que drôles » envahissaient les écrans, il avait « du mal à être caricaturé aussi grossièrement, à passer pour un débile ou un analphabète . J'ai pris un jour mon téléphone et j'ai appelé certains rédacteurs en chef ou des patrons de télé que je connaissais et je leur ai dit : "Vous êtes en train de me tuer. Vous en avez conscience ?" »
Dans ce livre, le journaliste l'interroge aussi sur sa carrière et lui demande s'il a des regrets : « Je fais tellement de choses que je n'ai pas le temps pour les regrets. Mais parfois, j'ai le sentiment d'avoir pas accompli tout ce que je pouvais faire. Un acteur doit tourner plus de films, jouer plus de pièces, un chanteur sort plus d'albums. Moi, le fait de faire les deux, même si c'est un rêve, me pénalise quelque part… Au cinéma, je n'ai pas fait le dixième de ce que je pouvais accomplir. Et il y a tellement de metteurs en scène avec qui j'aurais voulu ou je voudrais travailler... »
Le livre se lit vraiment avec grand plaisir, du moins si on a de l'affection pour l'artiste et l'homme qui évoque tous les sujets de manière intime et sans tabou.
Le sujet politique est également abordé : Si Patrick Bruel a toujours été de gauche, il considère qu'actuellement..« être de gauche, c'est très compliqué. Ou juste triste. Ça ne veut pas dire grand chose. La gauche de ces dernières années m'a souvent un peu déçu et peu intéressé. Mais savait-elle elle-même ce qui l'intéressait ?», s'interroge-t-il ? Et de déplorer : « À part être anti-sarkozyste, quelle a été son cheval de bataille ?
L'atout de ce livre, par rapport à une biographie classique est vraiment la mise en abyme opéré par le journaliste du Nouvel Observateur qui est bien mieux qu'un simple passeur de plat en poussant parfois Bruel dans ses retranchements, et surtout en nous expliquant que le ton de la conversation changera, en fonction de l'humeur de l'artiste, et notamment en fonction de l'avancée de l'album sur lequel travaillait Bruel au moment de l'écriture du livre.
Un album qui sort d'ailleurs à la fin du mois de novembre, et dont ces conversations est une parfaite entrée en matière avant d'écouter, et de savoir si Patriiiiiick a réussi ou non à aborder le cap (musical) de la cinquantaine avec réussite.