Rentrée Littéraire 2019/ Nafar, Mathilde Chapuis : l'épopée des migrants vue sous un angle humaniste
"L'attente devenait insupportable, ton impatience a pris le dessus. Tu as inspiré profondément, tu t'apretais déjà à plonger dans l'eau du fleuve et tu es sorti du tuyau.Tu ne sais plus si tu es parti il y a 20 minutes ou bien si tu marches déjà depuis 2 ou trois heures. Espaces et temps sont des données absentes."
Nafar, c'est un mot arabe pour décrire celui qui quitte sa patrie, il est désormais utilisé de façon un peu péjorative pour parler du migrant.
Et c'est ce mot qui est utilisé pour qualifier le personnage principal du premier roman de Mathilde Chapuis, qui se place dans la tête d'un exilé syrien qui s’apprête à traverser le fleuve du Meriç, le fleuve-frontière qui sépare l'Orient de l'Europe, qui l’amène de la Turquie à la Grèce.
On ne connaitra jamais son nom de cet homme forcé de quitter cette Syrie en guerre et sa tragique et périlleuse épopée est racontée par une témoin mystérieuse dont on connaîtra les liens avec l'auteur que plus tard dans le récit, construit sous la forme d'un puzzle.
Le texte est à la seconde personne du singulier, on s’apercevra plus tard dans le récit qu'il s'agit de la compagne de cet exilé, qui tisse le fil délicat d'une traversée périlleuse, mélangeant souvenirs de leurs histoires et parcours présent, et on voit à quel point cette jeune femme se sent impuissante face au désarroi de l'élu de son cœur.
L'approche humaniste et singulière de l'auteure permet d'aborder cette épineuse question de l'exil en posant un regard différent de celui des médias, un regard plein de pudeur et de sensibilité.
Un beau texte, pudique et délicat, salutaire et ambitieux...
"Mais il me faut tes joues, tes joues lisses des joues barbus tes joues pour poser mes mains tes joues pour poser mes lèvres".
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Mathilde Chapuis, Nafar, Liana Lévi, 150 pages, 15 € ( le 22 août 2019)