Revue de nouveautés en poches début 2021 spécial roman noir et SF
Deux excellentesdystopies de référence et trois romans noirs bien différents au programme de notre sélection poches spécial #vendredilecture de cette fin février.
Embarquement immédiat !
1/ LA CITÉ DES CHACALS – Parker Bilal ( Folio)
"Vous savez comment s’appelle cet endroit ? La Cité des chacals.
- D’où vient ce nom ?
- Traditionnellement, le chacal habitait dans les cimetières, et ce lieu est une sorte de cimetière. »
Le détective privé soudanais Makana arpente Le Caire à la fin d’année 2005 .
Il est en effet chargé d' enquêter sur l'identité d'un réfugié dans le Nil, dont on retrouve la tête et dont on sait peu de chose à part, que comme lui, il est Soudanais du Sud.
Cette tête sans corps va beaucoup le travailler.
Mais Makana a du pain sur la planche car il doit aussi enquêter sur la disparition d'un étudiant de 20 ans que le père de celui ci , grand restaurateur lui a demandé de retrouvver
Dans un Le Caire en plein frimas de l'Égypte et en pleine effervescence, notre très attachant détective privé soudanais va mener une double enquête policière avec comme toujours un peu d'humour et beaucoup d'empathie.
Ce portrait sans fard de la société égyptienne, qui montre les ravages de la corruption du gouvernement égyptien sur fond de passé colonial n'empêche pas l'auteur de soigner aussi bien l’action que le rythme de son roman, avec une intrigue prenante et développée avec grande maîtrise.
Plongez dans l'intimité des chacals du Caire, mais ne vous laissez pas dévorer ! .
2/L’oiseau moqueur de Walter Tevis. ( Gallmeister)
"Les gens se parlaient alors, peut-être à distance, de façon étrange, avec des voix rendues ténues et artificielles par l'électronique, mais ils se parlaient. Des prix des produits alimentaires, des élections présidentielles, du comportement sexuel de leurs enfants, de leur peur de la météo et de leur peur de la mort. Et ils lisaient, ils écoutaient les voix des vivants et des morts leur parler dans un silence plein d'éloquence, connectés à cette rumeur du discours humain qui devait s'enfler dans leur esprit pour dire : Je suis humain. Je parle. J'écoute. Je lis."
L’oiseau moqueur de Walter Tevis est une réédition d'un roman publié pour la première fois en 1980, ici proposée par les incontournables Gallmeister dans une nouvelle traduction qui met profondément en valeur ce livre un peu trop oublié (à ne pas confondre avec Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur d'Harper Lee) .
Le roman démarre des centaines d’années après notre civilisation. La littérature et les films ont disparu, et avec eux, l’espoir, l’évasion, l’humanité.
Les humains n’ont plus qu’un seul but : se détendre, à grands coups de tranquillisants.
Seuls les robots assurent un minimum de travail. Dans cette ambiance de fin d’humanité, Paul Bentley va trouver un enregistrement qui va lui permettre d’apprendre à lire ...
L’oiseau moqueur atteint largement sa cible, et reste profondément visionnaire, même 40 ans après sa parution.
C'est assez fascinant de voir un monde sans livres et où personne ne sait lire et fascinant également de suivre l'histoire de Paul Bentley qui va refaire tout cet apprentissage, en découvrant peu à peu l'histoire de l'humanité qui avait été oubliée.
Une dystopie particulièrement efficace qui fait l'éloge de la lecture comme moyen essentiel à l'élaboration d'un esprit critique, forcément, cela nous touche profondément.
Un roman presque aussi puissant et visionnaire qu’un 1984 d’Orwell.
3/ L'archipel des larmes , Camilla Grebbe ( Le Livre de Poche)
"Elle est là, au milieu de la foule, insouciante, sans savoir que la guerre va éclater, qu' elle va rencontrer un homme, qu' elle aura un enfant, et qu' elle croisera la route d' un tueur qui lui ôtera la vie dans le quartier de Klara au cours d' un hiver froid, une dizaine d' années plus tard."
4/ La mort de Mrs Westaway Ruth Ware( Pocket)
" Si quelqu'un mérite un petit coup de pouce du destin, c'est bien toi, ma bichette. Prends l'argent qu'ils te donnent et pars sans demander ton reste, c'est ce que je te conseille. Prends l'oseille et tire toi!"
Ruth Ware, qui avait marqué les esprits avec "Promenez vous dans les bois", est une romancière britannique à distinguer de ses nombreuses comparses.
Il faut dire qu'elle commence à bien imposer son univers avec des suspens psychologiques racés et qui trouvent largement son public.
L'auteure joue avec pas mal de brio des codes de la société et de ceux de la famille dans cette histoire qui se déroule en 2013 mais plonge ses racines dans la société d'après guerre et dans la componction des familles anglaises cherchant à conserver leurs priviléges.
Son roman se situe dans la droite ligne actualisée des grands romans anglo-saxons du genre.
On pense aux soeurs Brontë pour les secrets et les félures familiales, à Daphné du Maurier pour la confusion des personnages, mais aussi à la série Dowtown Abbey pour la mixité sociale pas si acceptée que cela et les relations ambigües entre maîtres et serviteurs.
"Aucune enfant nulle part n'a jamais disparu d'un appartement du cinquième étage d'une tour en disant la veille à son papa qu'elle allait partir avec des furtifs ! Aucune. Il n'existe pas un fait divers, pas même un roman ou une fiction, pas un film, pas un livre pour enfants qui aient cette trame débile ! Tu es un génie à ta façon, peut-être, un génie créatif. Mais personne ne te suivra jamais dans ce délire."
Imaginez un monde futuriste dans lequel la surveillance de la population est active et où les groupes ultra libéraux occupent toute l'activité économique.