Tanguy Pastureau : Oui tout à fait, je réalise une revue de presse à la fin du spectacle, comme vous le verrez vendredi à la Bourse du Travail.
C'est une revue de presse que j'adapte chaque soir en fonction de l'actualité du jour.
Car par définition, une revue de presse, ça peut bouger tout le temps.
J'ai une base de départ avec des immuables qui sont là depuis longtemps, comme Macron ou Castex et après je m'amuse chaque soir avec l'actualité toute fraiche..
Par exemple l'affaire Blanquer à Ibiza, cela a forcément fait son apparition depuis quelques jours dans ma revue de presse (sourires).
Cela ne doit pas être facile de ne prendre qu'une dizaine de minutes de votre spectacle lorsque vous faites ce genre de tournée de France inter, car il faut réussir à condenser tout un spectacle en très peu de temps, non?
Tanguy Pastureau :Oui tout à fait, c'est un exercice pas forcément évident à faire.
Mon spectacle n'est pas une succession de sketches, il a un fil conducteur que je déroule du début à la fin.
Du coup, n'en prendre qu'un petit bout pour que les gens comprennent d'emblée ce que je veux dire avec une introduction qui n'est pas forcément l'introduction du spectacle n'est pas si évident que cela à faire...
Il faut dire que c'est encore très récent pour moi ce genre de tournée d'humoriste...
Mais oui, car en fait, vous êtes un tout jeune humoriste de scène. Vous êtes arrivé tardivement sur les planches. Du reste, l'initiative ne vient pas forcément de vous au départ d'après ce que j'ai cru comprendre, n'est ce pas?
Tanguy Pastureau : En effet, c'est mon producteur Christophe Meilland qui m'a poussé sur le tard à y aller.
Christophe, je le connais bien; on s'est rencontrés il y a une dizaine d'années.
Il a été animateur radio dans une autre vie à France Bleu Ile de France. J'y travaillais aussi et on a commencé à bien sympathiser à ce moment-là et m'a convaincu peu à peu que je pouvais être à l'aise sur scène.
Ma première fois sur scène, c'était il y a 3 ans, dans un tout petit club de Pigalle.
Bref, les planches d'un théâtre, j'y suis arrivé très tard et je n'y serais sans doute jamais allé si je n'avais pas été poussé par mon producteur.
Pour moi, j'étais un type de radio avant tout !
Mais du coup, il a fallu vous former à la scène, on imagine que ça n'a pas dû être forcément évident d'apprendre à être à l'aise avec un public, par exemple, non?
Tanguy Pastureau :Oui, bien sûr il y a eu des choses à apprendre. J'ai pris des cours de théâtre avec un professeur, car tout ne se fait pas naturellement évidemment.
Comme je viens de l'univers de la radio, la scène, c'est un langage différent de celui de la radio.
D'ailleurs, à part pour ma revue de presse je n'ai pas de textes sur lequel m'appuyer, il y a ainsi tout un travail de mémoire et de langage corporel à prendre en compte.
Il faut occuper l'espace, aller chercher les gens, regarder à droite et à gauche, tout cela n'a rien d'évident pour moi.
Et ce qui est aussi difficile à accepter, c'est apprendre à faire quelque chose de ce corps au milieu d'un espace assez vide- je n'ai pas vraiment de décor pour me porter...
Il faut dire aussi que je n'ai pas vraiment de metteur en scène non plus, c'est Christophe qui discute avec moi de tel ou tel positionnement et déplacement, mais cela se fait de façon assez naturel, en fait.
Il vous a appris quoi exactement votre prof de théâtre alors?
Tanguy Pastureau :Disons qu'il a surtout appris à me lâcher car je suis d'un naturel assez timide au départ...
Alors, j'ai fait tous les exercices un peu absurdes, le petit chien, mimer un bris d'assiette sur la tête, bref tous ces exercices pour me permettre d'oublier peu à peu la nation de ridicule.
Tout le principe est d'arriver à prendre confiance en dédramatisant la chose et cette peur du ridicule.
Le thème du spectacle, les affres de la célébrité, vous est venu comment?
Tanguy Pastureau : Disons que je croisais pas mal de gens connus dans les émissions auxquelles je participais.
À début cela me faisait un peu rêver de les rencontrer...Sauf qu'assez vite, on voit un peu l'envers de ces personnalités, pas forcément ce qu'elle représente vraiment ...
On s'aperçoit qu'on a affaire à des humains assez normaux finalement avec leurs forces et leurs bassesses. On les entend dire des choses assez banales hors antenne, des trucs de tous les jours ..
Je me suis alors rendu compte qu'on fantasme pas mal sur ces personnalités qui semblent nous être supérieures en tous points mais qui finalement ne le sont pas tant que cela.
Et si l'on prend mon cas personnel, figurez vous qu'il ya quelques années l'Obs a voulu écrire un article sur moi.
J'étais assez fier de cette reconnaissance, sauf qu'une fois que l'article parait je me rends compte qu'ils ont mis comme illustration la photo de quelqu'un d'autre.
Là je m'en suis amusé en disant que je n'étais tellement pas célèbre qu'on pouvait mettre une photo de quelqu'un d'autre sans que personne ne s'en émeuve (rires)
Et c'est cela qui a vraiment été le point de départ de votre spectacle?
Tanguy Pastureau : Oui, c'est cela, cela m'a amusé mais c'est bien ca qui m'a donné envie de dire aux spectateurs que si vous n'êtes pas célèbre ce n'est pas forcément si grave que cela.
Une vie d'anonyme est aussi formidable qu'une vie de célébrité, notamment eu égard à tout un tas d'arguments que je développe dans le spectacle.
Il y a des gens qui ne vivent pas forcément bien la célébrité, qui vivent avec une épée de Damoclès tout au long de leur vie.
Entre la peur de décevoir, la peur de vieillir en public, celle de devoir faire attention à leur apparence à tout moment, tout n'est pas si rose qu'on le prétend.
Je trouvais cela bien de dire que c'est top aussi d'être "quelqu'un du quotidien", selon le terme qu'emploie parfois les hommes politiques pour parler de nous.
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Vous êtes donc une sorte de joyeux moraliste en fait?
Tanguy Pastureau : Oui en quelque sorte. Disons que j'aime bien éclater les baudruches donc la star system est un peu une baudruche énorme, une arnaque à mon sens et c'est bien de le montrer.
Il y a des gens géniaux parmi les célébrités et elles ne sont pas si géniales que cela 24 h sur 24h.
Globalement je suis plus fan d'une œuvre que d'un artiste dans sa globalité...
Au niveau du public qui vient vous voir, vous avez un public très ciblé, très générationnel, ou vous arrivez à toucher un spectre assez large?
Tanguy Pastureau : Oui, oui, mon public est très hétéroclite, il est composé de tous les âges, de tous les profils et j'en suis extrêmement fier.
Je ne voulais surtout pas faire un humour de niche, je suis moi-même entre deux générations, entre deux publics et il m'importait beaucoup de rassembler ces tranches d'âges et depuis que je joue sur scène je m'aperçois que j'arrive bien à le faire...
J'essaie de trouver un langage d'une génération et de n'avoir dans la salle que des gens qui me ressemblent.
Mais c'est quand même un public très France Inter qui vient vous voir, non?
Tanguy Pastureau :Forcément, il y a pas mal d'auditeurs de France Inter dans la salle, d'ailleurs je ne peux m'empêcher de les chambrer un peu en début de spectacle.
J'annonce en début de spectacle que j'arrive à désormais à reconnaitre de suite le public de profs, le lecteur type de France inter à leur façon de s'habiller et je m'amuse à les chercher dans les premiers rangs (sourire).
Je joue avec cette caricature, en sachant que c'est aussi une caricature, France Inter est la radio la plus écoutée de France avec 7 millions d'auditeurs, donc forcément il n’y' a pas que des profs dedans.
Mais sincèrement je n'ai pas que des auditeurs de France Inter dans le public.
J'ai aussi des gens qui m'écoutaient sur RTL il y a longtemps ou bien encore des spectateurs de l'émission Salut Les Terriens chez Ardisson que j'ai fait pendant deux ans.
Est-ce que vous vous sentez plus libre sur scène qu'à la radio ou vous pouvez être soumis à la pression soit de vos dirigeants soit du public et des réseaux sociaux?
Tanguy Pastureau : Vous savez à la radio, je me sens très libre.
Il y a une manière de dire les choses, mais il ne faut pas penser aux réactions.
Alors, j'ai tendance à dire que je ne m'interdis rien, sauf ce qui ne me fait pas rire !
J'ai du mal à faire de l'humour noir sur les faits divers, sur des meurtres, mais ce sont des limites que je me pose moi même pas du tout par rapport à l'extérieur, vous savez ...
Cela vous fait quoi d'être avec Dominique Seaux, le seul chroniqueur de droite de France Inter. Vous ne ressentez pas une pression énorme à l'approche des élections (rires) ?
Tanguy Pastureau : Ah oui, une pression vraiment énorme, j'ai tous les matins des texto de Valérie Pécresse qui me dit " tiens bon, mon petit loulou, dans ce beau repaire de gauchistes." ( rires)...
Plaisanterie mise à part, c'est vrai que beaucoup de gens pensent que je suis de droite car, contrairement à mes petits camarades d'antenne, je ne dis pas forcément que je suis de gauche, donc forcément on est de droite dans l'esprit des gens ...
Aujourd'hui l'électorat est très mouvant, des gens de gauche passent à droite et vice versa, on est plus dans les années 70 où on était très marqué en fonction d'une seule couleur politique.
Mes parents ont toujours voté à gauche ils n'auraient pas imaginé voté ne serait-ce que centriste alors que désormais on a une classe ouvrière qui passe du vote PC au vote RN, donc les lignes ont vraiment bougé.
Mais vous en jouez un peu de ce doute sur vos opinions politiques dans vos chroniques, non?
Tanguy Pastureau : Non, pas vraiment, disons que comme je n'ai pas de tabou, cela m'amuse de balancer autant sur une Christiane Taubira, très admirée par les auditeurs et les chroniqueurs de France Inter qu'une Valérie Pécresse qui l'est légèrement moins (rires).
Il est évident que les humoristes et les artistes sont à 99% encore tous de gauche, donc évidemment quand on affirme pas haut et fort qu'on est de gauche, c'est forcément ambigu..
C’est vrai finalement, en réfléchissant un peu à la question que j'aime bien jouer avec cette ambiguïté et cette liberté la (sourires).