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18 mai 2013

Le rap français en deux ouvrages

rap france Et si j'abandonnais un peu la chanson française  pour parler un peu de rap? Le rap, j'en ai pas mal écouté lors de ses tous débuts, dans les années 90, avec les premiers albums de Mc Solaar ou IAM que je me passais en boucle, adorant les textes et le flow de ces artistes.

Ensuite, j'ai complétement laissé tomber ce genre musical, que j'ai trouvé trop redondant, trop caricatural, et quand même assez faché avec la mélodie et la subtilité.

Tout cela, je le savais, ne sont que des généralités et des raccourcis, et c'est que j'ai appris grâce à la lecture de deux ouvrages sur la question que j'ai récemment découvert.

Enfin, je dirais  plutot un seul ouvrage, car l'autre n'évite aucun écuehistoire rapil et  plonge tout autant dans le raccourci et les généralités que j'ai pu le faire :

 

 

1. Karim Hammou, Une histoire du rap en France


Evidemment, on a souvent convoqué la sociologie au sujet du rap comme une sorte de point de vue évident : avec le rap, il serait bien sûr affaire du « problème social » posé par les « jeunes hommes hétérosexuels non blancs des classes populaires », et moins de questions esthétiques, professionnelles, administratives, économiques…
Il était donc logique que la sociologie s'interesse au sujet, et encore plus uqe cela soit Karim Hammou qui s'y colle.
En effet, sociologue affilié au Centre Norbert Elias de Marseille et créateur du blog Sur un son rap, Karim Hammou est passionné par ce sujet.
C'est donc tout naturellement qu'il travailla sur l'objet de passion à l’occasion de son mémoire de Master 1 en socialogie , qui se transformera ensuite en thèse. Il y a quelques mois, fort de cette décennie de réflexions et de rencontres sur le terrain, Karim Hammou a publié Une histoire du rap en France aux éditions La Découverte.
 En étudiant les rapports entre artistes, médias et industrie du disque sans jamais établir de généralités hâtives, Une histoire du rap en France fournit une cartographie passionnante et détaillée des rapports de pouvoir qui ont façonné l’évolution hexagonale d’un mouvement emblématique, toujours en expansion.

En s'intéressant aux artistes, mais aussi aux amateurs, en circulant des MJC des quartiers populaires aux bancs de l'Assemblée nationale, en observant les plateaux de télévision et les radio s locales, Karim Hammou montre comment s'est imposée en France une nouvelle spécialité artistique, fondée sur une forme d'interprétation originale, ni parlée ni chantée : rappée. Émaillé de nombreux entretiens réalisés auprès de rappeurs, de DJ, d'animateurs, de professionnels de l'industrie du disque... ce livre décrit comment l'émergence et l'inscription durable du rap en France ont été possibles.

Le sociologue s'est  intéressé à la question de la naissance d’un genre musical nouveau : comment le rap est-il né en France ? Comment s’est-il implanté et comment en est-il venu à occuper cette place dans la société française ? Son travail  revient sur ce qu’il s’est passé depuis le tout début des années 80, quand des amateurs de musique en France ont découvert le premier tube hip-hop américain :Rappers’s delight, de Sugar Hill Gang. Si ne vous souvenez plus du nom de ce morceau, rafraichissez vous la mémoire, on a tous entendu cela :

 

Le rap et la culture hip-hop font partie de la société française depuis que certaines personnes, ici, se les sont appropriés. Ils n’étaient qu’une poignée d’initiés dans les années 1980, il y a désormais plusieurs millions d’amateurs des formes artistiques liées au hip-hop. En ce qui concerne le rap, si certains stéréotypes à son égard ont la vie dure,  le livre nous démontre  que la diversité de la scène rap française est de plus en plus évidente pour un nombre croissant de personnes. Il y a toujours des formes de caricatures et de mépris dans certaines productions médiatiques, mais on peut aussi relever des regards plus complexes sur l’ensemble de la scène rap.

Parmi une centaine de disques durant la décennie 1980, Karim Hammou analyse le tube de l’année 1982 « Chacun fait… (c’qui lui plaît) », du groupe Chagrin d’Amour, et la face B du 45-tours Choubidou signé Annie Cordy,« Et je smurfe ».

En effet, l'ouvrage de Karim Hammou s’appuie sur les résultats de dix ans d’observation et de recherches. Le fait que les artistes considérés identifient ce qu’ils font comme du rap et le relient au rap américain est retenu comme seul critère de délimitation du domaine envisagé, ce qui amène le sociologue à élargir ses perspectives. Aux côtés de JoeyStarr, d’Akhenaton et de Disiz la Peste,  stars reconnus du milieu,  j'ai eu la surprise de rencontrer des artistes beaucoup plus estampillés chanson française,  comme  Annie Cordy ou même Phil Barney , que j'écoutais énormément quand j'étais ado, mais que je n'avais pas du tout  assimilé à un artiste hip hop :o)!!!

Les premiers amoureux de ce genre musical ont dû composer avec les mots et les concepts de personnes qui se définissaient comme étrangères au rap, ce qui a progressivement amené ce dernier à devenir le genre emblématique des banlieues françaises et des « Français d’origine immigrée »

Si l’histoire du rap en France proposée aujourd’hui par le sociologue Karim Hammou est si précieuse, c’est parce que le rap, en tant qu’objet de discours, reste lui-même une matière extrêmement explosive. L’auteur qualifie d’« illégitimité paradoxale » (p. 239) cette situation du rap en France : quoique bien implanté dans nos habitudes culturelles, celui-ci demeure en effet stigmatisé.

Loin de se placer dans la continuité de ces discours, Karim Hammou montre comment la société française a produit un objet nommé rap, tout en le maintenant dans une position de marginalité et d’exotisme. De telle sorte que, lorsque nous parlons de rap, nous feignons de parler d’un phénomène attaché aux marges de notre société, alors que nous parlons d’un objet qui la concerne tout entière.

Bref, un ouvrage ardu ( cela faisait longtemps que je n'avais pas lu d'ouvrages de sociologie, faut retrouver des réflexes), mais vraiment  complet et passionnant pour qui, comme moi, s'interesse à l'histoire de la musique...

 2.   L'Effroyable Imposture du rap, Mathias CARDET


Alors là, on est beaucoup moins dans l'approche sociologique ( bien que l'’auteur prendra tout de même le risque  de pointer l’instrumentalisation politique du rap lors de son essor en France : transformer une crise sociale en une crise ethnique, mais son approche manque de matière et de conviction) que dans le pamphlet et le portrait  à charge du rap, pas seulement français, mais international .   Mathias Cardet, pseudonyme cachant l’identité d’un ancien membre du gang Black Dragon, l’affirme et nous montre les ficelles qui ont porté le rap, de la Zulu Nation au rap de Booba en passant par Jay-Z, Tupac ou NTM.

À 38 ans,  MathiL’effroyable-imposture-du-Rapas Cardet est un «drogué de rap», l'un de ceux qui a participé à sa popularisation dans les cités au  ilieu des années 1980. Mais rapidement, il ressent une gêne, l'impression de s'être «fait avoir quelque part». À ses yeux, la musique de NTM, Kery James, ou encore Tupac est une énorme tartufferie. Le mal d'une société déjà en souffrance. 

L’effroyable imposture du rap » revient sur les origines, la naissance, l’enfance, et aujourd’hui la maturité d’un « art » qui est devenu incontournable dans la vie de dizaines de millions de jeunes en France et dans le monde…

Cet essai critique s’efforce de retracer ce long processus de domination à travers les quarante dernières années et d’exposer ses terribles conséquences sur le tissu populaire : appauvrissement du langage, donc de la pensée, machisme, glorification de la culture ghetto de type US (culte des armes, de la prison, de la consommation de stupéfiants, de la violence verbale), « automythification » d’une jeunesse immigrée conduisant à une victimisation perpétuelle, et à la division des quartiers populaires : les immigrés d’un côté, les « desouche » de l’autre, et les femmes au milieu.

Pour Cardet, on aboutit  à un  dévoiement du rap authentique, en le caricaturant au maximum, uniquement dans l’intérêt de l’industrie du divertissement.

Le propos est plutot pertinent, et ne mérite pas la volée de bois vert qu'il a connu dans le milieu du rap et de la presse généraliste ( mais le fait que  le peu fréquentable Alain Soral est le  fondateur de la maison d’édition publiant ce livre n'y est pas pour rien). 

Mais le livre ne convainc jamais vraiment : la faute  à une  vraie  absence de références de l’auteur pour approfondir certaines affirmations (exemple: « La CIA a assassiné Martin Luther King ») , le manque de structure générale du récit  ( on passe d'un chapitre à l'histoire des USA à un autre sur le clach Booba La Fouine sans vrai fil conducteur) et un manque de nuance général ( bon, c'est un pamplhet certes, j'ai un peu de mal avec ce genre)....

Bref, s'il vous faut lire un seul ouvrage sur le rap, le premier est largement nécessaire et suffisant!!! 

Commentaires
M
Tes billets sont toujours intéressants mon Pilou, mais il est vrai que je n'ai pas toujours le loisir de les lire avec attention. Je suppose qu'avec Cannes tu vas t'amuser comme un petit fou ces prochains jours !
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B
moi aussi j'aime beaucoup ce morceau de Ntm et je trouve qu'il résumait bien l'idée de mon billet sur l'évolution du " peura"...
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B
ca t'a surpris que mon billet soit interessant? ah ben merci :o)..... ah je comprends pourquoi on vient sur mon blog alors si Colette est absente... remerci :o)... allez j'arrete la ma mauvaise foi... et ca je te concède aisément que certains rappeurs français sont bien moins fréquentables que Soral... des idées tout aussi discutables, et moins d'intelligence à mon sens... cela fait partie des idées recues que j'ai et que le premier bouquin ne m'a pas complétement enlevées non plus :o)
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M
Ah oui je comprends mon Pilou. Moi aussi je suis seul ce week-end, Colette est à Tarbes. Oui ton billet était intéressant, moi même cela m'a surpris. Je n'aime pas beaucoup le rap mais j'aime bien le morceau de NTM que tu proposes. Il y a des rappeurs qui sont largement aussi désagréables et homophobes que Soral à mon avis.
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B
ah mais si évidemment on peut.et on doit déconner......je suis juste flatté que vous suiviez mon blog, cher maitre sur un thème qui ne me paraissait pas forcément te parler....<br /> <br /> la bibou étant partie faire de la luge en suisse pour 3 jours, je suis heureux d'avoir un peu de compagnie....
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