Les romanciers français dansent avec les tsars
Excusez mon titre un peu limite qui ne serait pas forcément du gout des auteurs, mais je n'ai pas pu m'empecher ce petit jeu de mot digne de Ruquier, lorsque je me suis rendu compte qu'on m'avait envoyé dans le lot de tous les romans de la rentrée littéraire, deux romans écrits par des auteurs français et qui traitent tous les deux de grands personnages de l'Histoire de la Russie.
Je ne sais pas vous, mais moi, l'histoire de la Russie, je n'ai pas retenu grand chose lorsque j'ai vu ça à l'école...
Une piqure de rappel était donc plus que nécessaire, et ce, même si ces livres ne sont évidemment pas des manuels d'histoire qui expliqueraient l'histoire de la Russie de façon très appliquée, mais des partis pris audacieux d'écrivain sur ces personnages historiques qui ont traversé la Russie du XXieme siècle. Sauf que dans l'un de ces deux romans, le parti pris nous a ( Michel et moi) plus convaincu que dans l'autre :
1. le Divan de Staline de Jean Daniel Baltassat
Palais de Likami en Géorgie automne 1950,Danilov jeune artiste moscovite de 27ans est « invité »par Staline, a présenter un projet de peinture à la gloire du petit père des peuples .Sa mère adoptive Véra Moukhina,l’artiste officielle du Parti l’a rassuré "IL est exactement comme on le dit :l’homme le plus courtois et le plus merveilleux qu’il puisse se concevoir».Unité de temps, unité de lieu,dans l’immense demeure de la station thermale de Borjomi ,un théâtre d’ombre va se jouer . Guidé par Lidia Semionova la vieille maitresse du tyran, Danilov va s’approcher très près, trop près du pouvoir.
Véritable ballet paranoïaque et délétère, nous assistons à la vie quotidienne et intime du dictateur vieillissant : Staline caresse le masque mortuaire de Lénine, Staline s’endort en écoutant sa maitresse lire à haute voix des poèmes de Pouchkine, Staline s’allonge sur le divan avec en fond sonore l’Othello de Verdi, Staline flirtant ainsi avec l’impossible bourgeoisie. Tel un chœur antique malfaisant, Vlassik, Poskrebychev et Tchoubinsky, garde rapprochée du petit père des peuples, guettent et nous ramènent chaque fois à la terrible réalité : le crépuscule du tyran sera comme toute sa vie, rouge sang.
C’est en découvrant, au cours d’une visite touristique, une copie du divan de Freud dans le palais de Likami, que Jean-Daniel Baltassat a eut l’idée de ce bon roman historique, son écriture très visuelle, opère de lents travelling cinématographiques :l’arrivée de Staline au palais ,une scène de nuit où, tandis qu’ IL regarde des films américains dans le grand salon, sa maitresse prend un bain dans la piscine d’eau soufrée sous les yeux du jeune l’artiste, sont des pages saisissantes.
Baltassat utilise les travaux de l’historien Nicolas Werth sur le goulag de l’ile Nazino pour convoquer l’histoire avec un grand H et nous livrer un final terrifiant et là nous ne sommes plus du tout chez Tchekhov mais chez Stephen King . Et ce roman, sur la première liste des 15 goncourables est assurément un des bons romans de la rentrée!!
Roman lu grâce à l'opération Babelio Masse critique
Merci pour Michel pour sa chronique aux petits oignons!!
2. - Dieu regardait ailleurs de Jean-Félix de La Ville Baugé -
Dans ce livre, que j'ai lu fin juin dans le cadre du Prix du Roman Fnac, on va plus loin dans l'histoire de la Russie, pour se retrouver à Saint-Pétersbourg, décembre 1916.
Quatre hommes décident de tuer Raspoutine. Un député, un prince, un médecin, un grand-duc. Et c'est ce dernier qui sera le héros membre de la famille impériale russe en exiet le narrateur de ce livre.plu exactement e narrateur est un . Il raconte la préparation du crime, les nombreuses visites chez le Tsar pour tromper la méfiance du moine, le bal sur la Néva glacée juste avant le meurtre.
Puis, c’est la révolution qui va le faire Tsar pendant quelques heures, à l’abdication de Nicolas II. Sa fuite dans les armées Blanches aux mains de chefs fous, les chasses à courre de Juifs. Puis l'exil à Paris en pleines Années Folles, les déjeuners avec Cocteau et Balthus, les nuits avec Chanel. Son mariage avec une actrice américaine, la fin du malheur peut-être mais la tuberculose le rattrape. L'Allemagne nazie lui fait les yeux doux pour lui rendre un hypothétique trône.
Bon, tout cela, je vous avoue avoir eu besoin du résumé et du 4ème de couverture pour le comprendre, car à la lecture du roman de La Ville Baugé, tout cela m'a paru bien plus obscur. En effet, l''auteur a un tel souci de ne pas faire un biopic classique et académique que l'on est immédiatement plongé dans la tête de ce duc fantasque.
Ainsi, ce projet est certes louable sur le papier, sauf que comme on ne connait rien au départ de cette partie de l'histoire, il nous manque vraiment les élements permettant de contextualiser le personnage et les faits historiques pour qu'on puisse comprendre ce que l'auteur veut nous raconter. Or, De la ville Baugé semble redouter toute description factuelle et toute explication psychologique, et privilégie des dialogues à outrance, dont certains sont assez percutants, mais comme on ne sait pas vraiment qui les utilise et à quelle occasion, on est vraiment paumé. Dieu regardait ailleurs, et malheureusement au bout de 50 pages, j'ai fait de même!! Dommage!!