Comme on l’a expliqué en détail dans une de nos dernières chroniques musicales, on adore "Se passer les visages",le dernier disque de Tom Poisson. 

Il nous a tellement plu qu’on a eu envie de passer un petit moment au téléphone avec son auteur compositeur, histoire qu'il nous en dise un peu plus sur ce projet et bien sûr sur la façon dont il vit son confinement actuel..

Un Tom Poisson très détendu et heureux de partager son travail, même en cette période particulièrement difficile :

 

Tom Poisson

Baz'art : Salut Tom. Ma première question sera forcément circonstancielle : alors, ce confinement, comment tu le vis, tu le passes chez toi ? 

Tom Poisson :  Oui tout à fait, j’ai la chance d’avoir trouvé refuge dans une baraque en pleine campagne, pas loin de Pézenas, dans l’Hérault.

Tu peux d'ailleurs la voir dans certains de mes clips, que ce soit un morceau de mon nouvel album, "déjà loin" ou "les cerfs-volants", un titre issu de mon précédent album .

Je suis donc confiné dans ce coin qui est vachement sympa, en famille. 

Bref, tu le vois, je suis à fond dans mon rôle de père et ça prend pas mal de temps.

Baz'art : Tu arrives à profiter de la période pour faire de nouvelles compos ou pas vraiment ?

Tom Poisson  : Disons qu'au niveau plus artistique, je venais juste de sortir mon album deux jours avant le confinement.

Ce qui fait que là, je ne suis pas vraiment dans une dynamique de création, je bricole un petit peu mais rien de bien tangible …

Là on est plus dans l’optique des reports de spectacle car entre la défense de l’album que j’avais prévu de défendre avec Paul Roman, dans la lignée du spectacle qu’on fait ensemble depuis deux ans, et la scène avec ma troupe des Fouteurs de Joie, il y avait pas mal de dates calées qu’on a forcément du reporter ou annuler …

 On n’a quand même aucune visibilité sur la reprise normale de la scène culturelle, on navigue pas mal à vue quand même, donc on essaie de gérer cela avec le peu d’informations que l’on a, mais ce n’est pas toujours très évident.

 

Baz'art : Ton album, "Se passer des visages" est sorti le 13 mars, juste avant le confinement,  pas le meilleur moment pour lui offrir une belle visibilité. Et en même temps, les chansons qui sont sur ce disque, elles étaient déjà pratiquement toutes présentes dans ton  spectacle « 2+1 » (2 hommes et 1 micro) que tu joues depuis 2018, non ? Dans l’absolu, ce disque, surtout dans le contexte de la crise du disque, n’était pas si indispensable que cela, non ?

Tom Poisson © Nicolas BlanchardTom Poisson : Ah si quand même,; sinon je ne l’aurais pas enregistré (rires).

Disons que la sortie fait partie d’une dynamique globale.  Cet album, c’est  quand même le point culminant de trois ans de travail, et c’est sûr que les circonstances font qu’il est très  difficile de le faire résonner.

Cette dynamique a effectivement commencé en 2018, avec même, avant la scène, une première session de studio qui a ensuite enclenché une dynamique de scène.

On a été sélectionnés Talents Adami à Avignon Off, et c’est un peu le point de départ de l’aventure et effectivement  il n’a y à mes yeux pas beaucoup de  sens de publier un album s’il n’y a pas une dynamique de scène derrière.  

Mon vrai désir,  au départ, c’est de chercher à sensibiliser les gens aux chansons avant de les publier. 

Ça nous a permis d’enregistrer l’album en trois ou quatre sessions espacé,es les unes des autres, ce qui a permis également de préciser les climats de certains morceaux et de faire évoluer certains morceaux qui ne ressemblent plus vraiment à la première version de studio de 2018

Les dix chansons sur ce disque dont la grande majorité étaient  déjà chantées sur scène à Avignon, forment vraiment un aboutissement d’un parcours assez long  certes, mais qu’il était quand même important de voir se concrétiser sous ce format.

Après,  je sais bien que je ne vais pas vendre des millions de ce disque, ce n’était déjà pas le cas avant la crise sanitaire, ça sera encore moins le cas ensuite,  mais ce n’est pas pour cela que je l’ai fait évidemment...

Baz'art :Ton spectacle 2+1, qui est le point de départ de cette aventure discographique, c'était quand même une expérience particulière, tu confirmes  ?

Tom Poisson : Oui, tout à fait, ce fut quelque chose d’assez inédit pour moi qui a même contribué à découvrir des choses assez nouvelles artistiquement parlant.

Ce spectacle est quelque chose d’hyper acoustique.  Nous sommes deux sur scène, Paul Roman, et moi et nous avons un micro statique pour nous deux.  C’est un micro très fragile, qui donne un peu l’impression de chanter à l’oreille de quelqu’un car on entend tout ce qui se passe sur scène de façon très précise, la moindre nuance, le moindre souffle, la moindre respiration. C’est un peu de la dentelle, il y a une dimension délicate dans tout cela.

 Cette sonorité très intimiste, très sobre a certainement fait renaitre en moi l’interprète que j’avais un peu oublié, le plaisir de l’interprétation a rejailli à ce niveau-là.

C’est pour cela que j’ai tendance à dire que cet album est sans doute le premier que je fais où se rejoignent vraiment l’homme que je suis, l’auteur, le compositeur et l’interprète.

Tom Poisson © Ayumi Moore Aoki

 Baz'art : Mais cette impression que toutes les étoiles sont alignées pour la sortie de ce nouveau disque, tu devais bien l'avoir déjà au moment de la sortie de tes albums précédents, j’imagine que c'est une question de recul pour voir les choses ainsi, n'est ce pas?

Tom Poisson :  Bien sûr, au moment de la sortie de mes disques précédents, je ne disais pas que l’auteur, le compositeur et l’interprète n’étaient pas sur la même longueur d’ondes, tu penses bien (rires).

Mais tu sais, j’ai tendance à dire que je suis quelqu’un de lent, quelqu'un qui aime prendre le temps pour bien faire les choses les affiner et les analyser.

J’ai sorti mon premier disque en 2004, donc voilà plus de 15 ans.

Et c’est vrai que cette identité de chanteur, que j’avais négligée a priori, a fini par éclore très progressivement jusqu'à arriver à cet album là.

Tu sais, au départ je n’avais pas du tout le désir d’être un chanteur, je me voyais plus comme un artisan qui bricolait des trucs  dans mon coin, en l’occurrence des chansons sans trop les travailler

Et il me manquait sans doute la sincérité de l’interprète, où l’homme que je suis et le chanteur sont une seule et même personne.

Sincèrement,  ce n'est pas une posture que de prétendre que j'ai mis un certain temps à trouver le chanteur qui était en moi.. 

J’ai vraiment le sentiment, quand j’y pense  de l’avoir enfin trouvé avec ce spectacle et ce disque.

Tom Poisson © Ayumi Moore Aoki

 Baz'art : La sincérité de l’auteur compositeur, elle est aussi prégnante avec ces textes sans doute plus graves qu’à l’accoutumée, comme  la chanson éponyme de l'album, "se passer des visages" dans lequel tu abordes la thématique des migrants, non ?

Oui mais tu sais, cela s’est fait de manière très spontanée, pas calculé du tout. Ce sont d’abord les mélodies qui ont été le catalyseur de l’écriture,  au départ, je triture un peu à l’aveugle, sans trop savoir ce que va donner au final  .

Mais à la base si tu veux tout savoir il y a ma cigar box guitar.

Figure toi , que je me suis acheté, voilà quelques temps, un instrument assez étonnant,  une guitare fabriquée dans une boîte de cigares- comme son nom l'indique-  C'est un instrument à très peu de cordes qu’on utilise pas mal pour les artistes  en blues notamment.

 De la manipulation de cet instrument, se sont imposées à moi un certain nombre de  chansons, comme " Se passer des visages", qui sont arrivées comme par petites touches, de manière assez impressionniste intuitive un peu comme un peintre… 

Tout le monde  ou presque a parlé du drame des migrants…Ce qui change, c’est la façon de les aborder,  ni plus ni moins.

Le fait d’écrire une chanson pour moi, c'est un.processus intuitif, ce n’est pas quelque chose qui se façon trop rationnelle, voire raisonnable.

 Baz'art : Et de ce fait, ton écriture parvient parfaitement à prendre à rebours certaines choses attendues . Je pense aussi à "Trois bleus de plus" où tu te mets à la place d'une femme battue ...

Tom Poisson :  Tu sais, comme je viens de te le dire, tous les sujets ont déjà été traités des milliers de fois;  l’important n’est pas le sujet mais l’angle de vue…

Je sais qu’actuellement les violences conjugales sont en plein dans l’actualité mais on ne peut vraiment pas me taxer d’opportunisme d’ailleurs si je m’étais dit au départ il faut que je fasse une chanson sur les violences conjugales je serais parti en courant (rires)

Pour " trois bleus de plus", j’ai d’abord pensé à une femme qui quitte son mari  pour une raison mystérieuse puis par petites touches la question de la violence de son homme est arrivée, mais sur un sujet très sociétal comme cela il fallait vraiment procéder par finesse .

Au vu des  retours que j'ai pu avoir sur le titre, j’ai l’impression que le fait que je sois un mec qui me met à la place d’une fille, ça interpelle pas mal, en effet…

Baz'art : Un autre titre que j'aime beaucoup, c'est "14 ans plus tard" où c’est la fille qui est partie chercher des cigarettes et qui n’est jamais  revenue. Là encore, tu prends un peu le contrepieds de ce qui est habituel, notamment celui du personnage de l'italien de Reggiani qui est parti chercher des cigarettes au Massasuchets, non? (rires) 

 Tom Poisson :  Ah ah, non j'avais  pas pensé à Reggiani.

Tu sais, c'est un peu un cliché cette histoire de type qui s'en va et part acheter ses clopes pour ne jamais revenir et effectivement c'était marrant de jouer avec..

"14 ans plus tard" , c’est un morceau qu’on a chanté  souvent sur scène et à cette occasion, on faisait une petite présentation un peu théâtralisée pour l’introduire

On  jouait  justement sur cet aspect des choses, sur  le nombre de paquets de cigarettes que la fille a acheté pendant ses 14 ans d’absence, et forcément ça marchait bien.

Sur un sujet pareil qui parle d’une rupture soudaine et sans explications, il faut en effet essayer de choper l’angle qui l’entraine du coté de la dérision ou du détachement sinon on vire dans un truc pathos pas très intéressant.

 Baz'art : Les deux arrangeurs de ton album. Alexandre Léauthaud et Fred Pallem, sont des personnes que tu connais très bien non. Plus globalement, tu ne t’es entouré que d’amis proches  pour collaborer sur ce disque, non ? 

Tom Poisson :  Oui tout à fait,  car je pars d’un principe simple mais incontestable : la vie est courte, autant la partager au maximum qu’avec des gens qu’on aime bien (rires).

Donc, pour répondre à ta question,  oui, je n’ai «  collaboré » , même si le terme n’est pas tout à fait exact , qu’avec des gens pour qui j’ai une profonde amitié, à savoir Alexandre Léauthaud et Fred Pallem pour les arrangements, mais aussi Paul Roman ou Alexandre Kinn qui m’a proposé le seul texte que je n’ai pas écrit, celui. que je chante en duo avec Clio.

Alexandre  Léauthaud,  c’est un de mes complices au sein de Fouteurs de Joie, donc on se connait très bien c’est notamment un excellent musicien - un accordéoniste du tonnerre-   mais aussi un super ingénieur du son passionné et jusqu’au-boutiste.

Quant à Fred Pallem, il  a pris à son compte les morceaux un peu plus orchestrés, moins acoustiques.

 Il m’a toujours poussé vers plus de sincérité et plus de travail. Que ce soient Alexandre ou Fred, il y a, de leur côté,  une saine émulation et une implication à 100 % qui m’empêchent de tourner en rond, ce que je pourrais avoir à faire si je les avais pas à mes côtés..

 Baz'art : Tu fais mention du duo avec Clio, "La chanson", un très joli morceau qui clôture le disque…Comment s’est faite justement cette "collaboration", même si tu n’aimes pas trop le terme, avec cette sublime artiste qu'on a rencontré récemment  ?

Tom Poisson :  Très simplement. En fait on a Paul (Roman) comme ami commun, il ’accompagne également Clio sur scène donc il a pu facilement faire l'intermédiaire ( rires).

Clio est une artiste que j’aime énormément, surtout avec son second album que j’ai trouvé vraiment formidable. Je trouve que les arrangements un peu électro, un peu vintage et toujours très chanson qui ont été faits sur son deuxième album rendent vraiment justice à sa plume et à la chanteuse qu’elle est.

 J’aime  les gens en retenue, tu sais, et j’aime beaucoup  sa pudeur, sa délicatesse. Quand je l’ai contacté par l'intemédiaire de Paul, pour lui proposer le morceau, elle a accepté très gentiment, et nous nous sommes vus la semaine suivante pour l’enregistrer.

Cette chanson, elle n’était pas prévue au départ pour être un duo à deux voix, elle a vraiment trouvé son identité.

Et pour boucler la boucle, Paul Roman est venu poser une guitare plus calme, plus adaptée à notre version finale car la chanson ne ressemblait pas vraiment à cela au départ. 

 Et c’est vrai qu’il est chouette ce morceau, on a pris  pas mal  de plaisir à faire des petits clins d’œil à ces chansons que tout le monde connaît et  que chacun pourra reconnaitre ou identifier sans vraiment qu’on ait forcément besoin de les nommer.

 

 Baz'art : Et comme le titre cloture très joliment le disque, on clôture aussi notre interview là dessus.. Merci Tom pour toutes ces réponses et bonne chance pour tes concerts à venir dès que la situation le permet !!

 

  Tom Poisson, Se passer des visagesPour découvrir l'univers de Tom Poisson, allez jeter un oeil sur : 

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Pour écouter le disque Se passer des visages.