Littérature brésilienne : Supermarché , jolie ode à l'amitié et à la débrouille de José Falero
Pedro aime la littérature. Pedro rêve dans cette favela de Porto Alegre qui l'a vu naître. Pedro ne veut pas faire parti d'un gang.
Alors Pedro travaille comme rayonniste au supermarché du coin en lisant Marx et en étudiant la marketing le soir.
Alors Pedro a une idée. La beuh, la weed, la Marie-Juana est légale dans nombre de pays et rend les gens cool, pourquoi ne pas mettre ses connaissance en économie et en force de vente au service sa force de vie et de la vente du cannabis.
Un petit commerce quotidien et banal avec son pote Marques employé comme lui dans la supérette.
Une petite entreprise très loin des funestes trafics du grand banditisme. Attention Pedro, petit poisson, cela ne sera pas facile de nager au milieu des requins.
Mais le jeune homme peut être très convaincant et sa culture et son charisme auront tôt fait de séduire les chefs des gangs et de futurs employés.
Une plongée plutôt tendre et douce dans les terribles et dangereuses favelas d'une grande ville brésilienne où règne le crime organisé.
Né dans une favelas, employé dans un supermarché, José Falero sait de quoi il parle, son amour de la littérature lui a sauvé la vie.
« Supermarché » est une jolie ode à l'amitié et à la débrouille traversée par des éclairs de violence mais c'est aussi et surtout une très belle manière littéraire de décrire une certaine triste condition humaine brésilienne.
« Ça fait combien de temps que vous êtes là, vous ? Depuis tout petit je vous vois plantés là, en train de regarder tout ce qui se passe. Combien de mecs vous avez vus se faire buter à cause du trafic de là où vous êtes, hein ? Et, à chaque fois, il s'est passé quoi ensuite ? Rien. Rien. Je me trompe ? Rien. Le mec meurt et, vingt-quatre heures plus tard, ça fait un jour qu'il est mort ; juste ça, c'est pas vrai ? Dans toutes les ruelles d'ici, pleines de misère, de haine et de souffrance, la vie a pas des masses de valeur : celui qui tue, ça le gêne pas trop de tuer ; celui qui meurt ça le gêne pas trop de mourir. Et ma vie à moi, elle a quelle valeur, ma vie ? Aucune. Pour le moment, aucune. Pour le moment. Pour le moment, écoutez moi bien, mourir serait même pas une mauvaise affaire pour moi, parce que, en fin de compte, je m'accroche juste à la vie depuis toujours, j'en profite pas. Mourir, c'est une mauvaise affaire que quand on a une vie top. Mais pour pouvoir l'avoir un jour, cette vie top, y a pas : je vais devoir passer au-dessus des lois et risquer cette vie de con que j'ai aujourd'hui »
Supermarché ; José Falero, edition Métaillié, septembre 2022