ENTRETIEN AVEC JOSÉ BOVÉ pour le film une affaire de principe
Les Rencontres Cinématographiques du Sud est une succession de scènes où acteurs, réalisateurs, producteurs, distributeurs viennent livrer en toute simplicité aux professionnels et au grand public leur actualité cinématographique. Parmi eux, le réalisateur Antoine Raimbault, et José Bové sont venus nous présenter UNE AFFAIRE DE PRINCIPE qui sort au cinéma le 1er mai.
Après la première partie de cette interview avec le réalisateur, voici notre seconde partie consacrée à un échange avec l'ancien député européen, désormais héros de cinéma.
Quel a été votre apport au scénario ?
Ce qui était important au début, c'était que la façon dont le film allait raconter les événements soit cohérente par rapport au Parlement. Et qu'il n'y ait pas d’erreurs qui auraient décalé le film par rapport à la réalité, à ce qui s'était passé et au fonctionnement des institutions.
Il fallait que le scénario soit irréprochable sur le fond. Même s’il a fallu faire par moments des raccourcis et des coupes, parce que le film est basé sur une histoire qui s’est déroulée sur plusieurs années. En revanche, je ne suis pas du tout intervenu sur la façon après de fictionnaliser cette histoire. Ça c’était de la responsabilité d’Antoine.
En tant qu'homme politique et citoyen, quel souvenir vous gardez de cette histoire ?
Je pense que la première chose - mais qui est liée à mon caractère et ma façon de m'engager - c'est mon intuition de départ. Il n’était pas possible pour moi que John Dalli, commissaire européen, ait trempé dans cette affaire et qu'il ait commis un délit d'initié. Mais je n'ai rien à ce moment-là pour l’étayer. C'est juste une intime conviction. Pourtant Dalli est quelqu'un que j'ai combattu sur la question des OGM et d’autres sujets sur lesquels nous étions en désaccord. Mais je le connais. J’ai discuté avec lui. Je crois savoir qui il est. Donc, lorsque tombe cette affaire et qu'il est expulsé en une demi-heure, je me dis, là, il y a un truc qui cloche, il y a un truc qui n'est pas normal.
C'est vraiment le moment initial. Et l’autre moment qui me donne envie de continuer c'est lorsque les deux salariés de Swidish Match, lassés d'être sous pression, reconnaissent qu'effectivement, ils ont menti à la demande de l'OLAF (Office européen de lutte antifraude).
Et là tout change. On se retrouve dans quelque chose qui a été construit pour légitimer l’éviction de Dalli. Ces deux moments sont importants, parce qu’à ce moment précis, on n'est simplement pas dans un rapport aux institutions, on est dans l'humain.
Il y a cette scène dans le film importante : vous êtes à la cantine en train de chercher des alliés pour défendre Dalli.
La scène évoque la question institutionnelle. Il faut faire des alliances pour pouvoir gagner. Faire des groupes qui puissent réunir des gens de gauche, des gens du centre et même parfois des gens de droite. Bon ok, pas toujours, mais ça peut arriver. Je dirais que c'est assez traditionnel dans le fonctionnement du Parlement européen qui est élu à la proportionnelle intégrale.
C’est-à-dire que personne ne peut être majoritaire. Donc il faut sans cesse construire des majorités, thème par thème. C'est l'art permanent du compromis.
C'est pour cela que, souvent, beaucoup de partis et politiciens français ne comprennent rien aux institutions européennes. C'est toujours rigolo de les entendre dire « Nous, quand on sera au Parlement, on va faire ci, on va faire ça ». Mais ils ne vont rien faire du tout. Ils vont construire, s'ils ont compris les mécanismes, des coalitions avec d'autres pour essayer de faire bouger des lignes.
Il y a dans le scénario une ironie sous-jacente qui passe souvent par ‘vos’ répliques…
J’ai toujours un recul par rapport aux événements. Je ne suis pas dans le manichéisme. Contrairement aux images qui ont parfois pu être relayées de moi, j’ai toujours un regard critique sur moi-même. C'est une façon aussi de pouvoir s'inscrire sur la durée.
Si j'engage un combat, c'est pour aller au bout et que cela puisse aboutir sur quelque chose. Mais comme le dit Fabrice à Clémence à un moment dans le film : parfois, ça marche en une semaine, en trois mois, en un an. Ou jamais. Je sais que pour aller au bout, il faut être plus large que tout seul. Parce que, tout seul, on n'y arrive pas.
Avez-vous eu l’occasion avant le tournage de rencontrer Bouli Lanners ?
Je crois qu'Antoine lui a fait voir pas mal de films et de montages d’images d’actualité. Puis Bouli est venu avec Antoine passer un week-end entier à la maison. Ça a tout de suite fonctionné, parce que c'est un comédien qui a beaucoup de profondeur, qui sent de suite les choses, comment elles fonctionnent. Nous nous sommes découvert beaucoup d'affinités sur la vie quotidienne et sur les engagements. Nous avons échangé sur les marques de tronçonneuses (!) et blagué sur nos origines.
Il est belgol-uxembourgeois je suis franco-luxembourgeois. Nous nous sommes même découvert des origines communes. Il se pourrait que nous soyons cousins !
Pour rappel
José Bové est un des fondateurs de la Confédération paysanne (syndicat qui s’oppose à l’agriculture productiviste et l’industrie agroalimentaire) et est devenu populaire en 1999, en France et dans le monde, pour avoir démonté le restaurant McDonald’s de Millau à la suite de sanctions américaines contre la France pour avoir refusé du bœuf aux hormones. Il fut candidat « divers gauche » à l’élection présidentielle de 2007 et fut élu député européen en 2009 puis en 2014. Il quitte le Parlement européen en 2019.