Rentrée littéraire 2024- Le mal joli, Emma Becker
Que cette joie de manger et de boire des vins que nous trouvons délicieux parce que nous les buvons ensemble, c'est peut-être ça, la vie. La matière devenue folle et qui, un instant lasse de ne faire que retarder l'inéluctable moment d'équilibre thermodynamique qu'est la mort, aurait envie de jouir, de se démultiplier dans cette jouissance simple.
"Le désir est le plus bel objet littéraire qui soit” avait affirmé Emma Becker lorsqu'elle éclaboussait de son talent la rentrée littéraire de l'année 2019 avec La Maison qui racontait ses deux années parmi lesquelles elle avait travaillé dans une maison close en Allemagne et qui explorait de fort belle manière la complexité des désirs et du rapport hommes femmes,.
Elle laboure sur les mêmes terres et prouve son affirmation une nouvelle fois avec son nouveau roman, le mal joli dans laquelle elle continue de raconter les affres du désir avec une sincérité et une fièvre évidentes.
Au commencement du "mal joli" , Emma Becker, qui vit avec son mari et ses deux fils en dans un village du Sud, rencontre dans une soirée l’écrivain Antonin de Quincy d’Avricourt , que le milieu littéraire parisien n’a pas tardé à identifier comme le romancier Nicolas d’Estienne d’Orves, Les deux amants s’échangent des SMS enfiévrés se revoient à l’occasion d’un séjour parisien de l’autrice et très vite ce qui devait arriver arriva ils …couchent ensemble.
Mais ce qui ne devrait être qu’une histoire sans lendemain entre deux écrivains que tout semble opposer sur le papier, pourrait bien se transformer en une véritable histoire d’amour…
Comme dans La maison et ses autres romans, Emma Becker écrit à la première personne. Elle livre jusqu’à la brûlure les détails les plus triviaux, avec une liberté L’écriture est simple, fluide avec des pointes d’humour,
On pourrait se lasser de ces histoires d'adultère dans un milieu germano prontin qu'on a en défiance, et se dire qu'on est parfois pas loin d'un roman à la Harlequin, mais force est de constater qu'Emma Becker sait mieux que quiconque explorer des émotions intenses, la quête de liberté personnelle, et la capacité à transcender l’intime pour en faire un sujet de réflexion littéraire.
Avec "Le mal joli" , Emma Becker nous offre une réflexion profonde sur l'intimité, le désir et l'obsession et elle parvient comme rarement à écrire l’indescriptible, tout en restant fidèle à la vérité des sensations,
Plus que jamais, Emma Becker s'affiche comme une portraitiste aiguisée des pulsions du désir et du sexe qui compte parmi les écrivaines et les écrivains français contemporains.
«Le mal joli», d'Emma Becker, Albin Michel, 411 p., 21,90 €. Albin Michel