Les yeux fermés; Edurne Portela : quand mémoire intime et collective se mélangent
Sur la placette, une vingtaine d'hommes en uniforme. Lola les trouve fiers, détendus, tranquilles. On voit qu'il n'y a plus d'hommes jeunes au village. Peu à peu arrivent ses voisins, tenant les enfants dans leurs bras ou par la main. Un militaire bardé de médailles fait un discours que Lola ne comprend pas, qui parle de la fin de la guerre et de la nécessité de retrouver ceux qui ne veulent pas la paix. Parce qu'il faut les redresser, dit-il. Il demande aux gens de se mettre en rang devant une table improvisée au centre de la place afin d'indiquer où se trouvent leurs proches absents du village, en particulier les hommes. Assis à la table, Lola reconnaît Federico, le fils de Térésa, l'un des jeunes gens qu'ils ont emmenés au front la nuit où ils sont venus les tirer de chez eux.
Lola rejoint la file des proches et le voit noter dans un grand cahier ce que les gens lui disent. Son tour venu, elle le félicite d'avoir appris à écrire aussi bien, la guerre a au moins servi à ça. Il acquiesse sans la regarder dans les yeux et, sans la regarder dans les yeux, lui demande où est Miguel. Elle répond qu'il est parti au tout début et n'a plus donné de nouvelles, que c'est une canaille et qu'il a dû s'en aller avec une autre en profitant de ces temps troublés. Concentré sur sa lente calligraphie, Federico mentionne la malchance de certaines femmes du village avec leurs hommes.