"La guerre est déclarée" :le drame qui rend heureux...
Je ne suis visiblement pas le seul a éprouver ce sentiment : assez souvent, lorsqu'un film arrive précédé d'une rumeur trés flatteuse et qu'on est persuadé qu'on va l'adorer, il est rarement à la hauteur des espérances et on ressent donc une petite pointe de déception.
J'avais peur que ce cas de figure se présente à la vision de La Guerre est déclarée tant, depuis sa présentation en mai dernier sur la croisette à la semaine de la critique, ce film est sur toutes les lèvres et a fait un buzz assez sensationnel, surtout pour un film avec un si petit budget, avec aucune star, et surtout avec un tel sujet.
Le sujet, parlons en justement : moi qui ai tendance à privilégier les histoires les plus tristes possibles, j'ai toujours un peu de mal avec la critique institutionnalisée qui répugne devant les drames en tout genre, en sortant les tradtionnels adjectifs les plus infamants à leur yeux : "pathos", "mélo", "larmoyant"...En général, lorsqu'un drame évite, selon leurs critères strictement établis, ces éceuils, on se retrouve avec un film à la Dardenne ou à la Desplechin, c'est à dire complétement froid, théorique et qui surtout prend bien soin d'éviter toute émotion possible. J'avais donc un peu peur que ce film n'aborde pas frontalement le sujet et nous laisse extérieur au drame que traverse les protagonistes, et qu'on ressorte de la salle les yeux secs.
Et bien, n'en déplaise aux quelques facheux que j'ai pu lire sur la blogosphère (je me disais bien que ce film faisait trop l'unanimité pour être honnete), La guerre est déclarée est une vraie petite merveille d'intelligence, de subtilité, et avant tout d'émotion (c'est rare que j'écrive en si gros, mais comme cela, aucun doute possible sur mon jugement)
Le film parle certes d'individus qui ne viennent pas forcément de notre milieu (et qui parle sans doute de façon un peu trop littéraire, surtout au début, c'est vraiment le seul petit bémol du film), mais impossible de ne pas se reconnaitre en eux, notamment dans la première partie, avant la maladie de leur enfant. Tous les jeunes parents ont en effet connu tous ces sentiments mélés : l'impression de sentir tyrannisé par les pleurs de son bébé, les inquiétudes avant chaque séance chez le pédiatre, et la peur de lui poser une question incongrue, et également l'envie de continuer à vivre malgré les contraintes liées à l'arrivée d'un être totalement dépendant de nous.
Et cette envie de vivre malgré et envers tout sera forcément décuplée par l'annonce de la maladie d'Adam, et ce, même si le découragement et les inquiétudes peuvent parfois légitimement poindre. Nous avons tous quelque chose de Roméo et de Juliette, et nous nous cessons, tout au long du film, de nous féliciter intérieurement de ne pas connaitre le même coup du sort qu'eux, car il n'est pas sûr que nous réagirons avec le même optimisme à tout épreuve ( personnellement, je suis même quasi certain du contraire, mais tant qu'on est pas dans la situation, on va me laisser le bénéfice du doute...)
On se reconnait donc évidemment dans ce couple, mais heureusement, la caméra de Danzelli arrive à apporter la fantaisie nécessaire pour qu'on ait jamais l'impression d'assister à un documentaire trop naturaliste. C'est pour cela que le jeu des acteurs est un peu décalé ( ce qui peut gêner certains spectateurs), et que la réalisatrice arrive à intégrer du léger dans des scènes émotionnellement chargées ( la pédiatre qui se trompe de téléphone au moment de la révélation de la maladie)
Bref, le traitement de l'histoire est magnifique: aucun méchant n'a droit de cité (même les médecins apparaissent profondément humains, notamment le Professeur Sainte Rose, magnfiquement campé par le trop rare Frédéric Pierrot), à part cette saleté de crabe qui s'abat sur l'être le plus innocent qui soit: un enfant. Et d'ailleurs, même si, comme je viens de le souligner plus haut, le pathos n'imprime jamais la pellicule de Donzelli (ouf, on est donc tous rassuré, n'est ce pas, monsieur les critiques?), il est impossible de retenir ses larmes lors de cette scène où avant de passer un scanner Adam est cramponné à son lit/ barreau, en regardant sa mère d'un air totalement perdu...Et évidemment, ayant les glandes lacrymales un peu trop fragiles, ce n'est évidemment pas le seul moment du film qui m'ait fait pleurnicher..
Et outre le scénario, la réalisation, dont j'avais un peu peur du coté filmé sur le vif avec un appareil photo m'a parue trés belle, avec une image assez impeccable, et des scènes de toute beauté ( notamment la scène qui se passe dans le garage de l'hôpital avant l'opération de la dernière chance). On savait dès le début du film, et même avant pour tous ceux qui ont entendu ou lu les propos de la réalisatrice, que l'enfant allait s'en sortir totalement, mais on ne peut s'empecher de se cramponner sur notre siège en espérant ardemment la guérison d'Adam .
A l'heure où pas mal de film me laisse assez indifférent au sort des personnages qui les peuplent, ce film profondément habité et boulerversant est une excellente nouvelle pour le cinéma français, et le cinéma tout court.
2011 - [bande-annonce] La Guerre est déclarée de Valérie Donzelli