La mise à nu des époux Ransome : un roman so british
Voilà un court roman qu'on peut qualifier de totalement "british" ,et dans le fond et dans la forme. L'auteur n'est autre qu'Alan Benett, connu en France pour un roman écrit aprés celui ci mais paru aprés, la Reine des lectrices, qui façonnait, de façon bien entendu totalement fantasmagorique l'image de la reine mère en une grande consommatrice de livres. L'ouvrage avait connu un très grand succès d'estime, mais n'étant pas fana de la royauté, j'avais passé mon tour et m'étais dit que j'attendrais le prochain roman de Sir Benett.
Dans La mise à nu des époux Ransome, qui vient tout juste de sortir en poche, l'auteur abandonne les joyaux de la couronne pour égratigner ce coup ci l'image de la « middle class » anglaise à travers le portrait truculent d'un couple de bourgeois typiquement anglais, les époux Ransome en question.
Ces époux Ransome mènent une vie paisible, orchestrée, sans extravagance, rythmée d'habitudes bourgeoises et discrètes, lorsqu'un soir, rentrant de l'opéra, tout bascule. Ils ont été cambriolés. Totalement ! Il ne reste plus rien, meubles, vêtements, tables basses, casseroles, tringles à rideaux, prises électriques, rouleau de papier toilette, absolument tout a disparu ! Et les voici donc contraint de revoir leur quotidien, allant jusqu'à pousser la porte de l'épicier voisin pour quelques objets de premieres necessité, chose qu'ils n'avaient encore jamais faite, et acte qui les confrontent soudain au monde alentour !
Alors que son époux, avoué de profession, rationalise le désastre et reprend progressivement le cours de sa méticuleuse existence, Mrs Ransome se doit de reconstituer le cadre de leur home sweet home. Elle s’aperçoit que la disparition de leur mobilier lui apparaît en fait comme un soulagement. L’effacement de leur cadre de vie lui ouvre en effet des horizons nouveaux : elle entreprend l’exploration de magasins où elle n’aurait jamais mis les pieds auparavant; sacrilège, elle achète un fauteuil à bascule en rotin qui lui procure la douceur d’un confort inattendu, et d'autres incongruités pour la bourgoise coincée, qu'elle était jusqu'au bout des ongles avant cet évenement.
Alan Bennett (voir photo à droite), grâce à sa maitrise totale et un humour terriblement grinçant, nous livre ici une réflexion toujours savoureuse sur la manière dont la routine régit notre vie. Et, à travers ce constat, il nous dépeint également, et surtout, le quotidien de deux personnes mal assorties dont le mariage semble fonctionner grâce à ce équilibre précaire, prêt à s'effondrer à tout instant.
Saupoudrée de petites remarques innocentes et d'observations parfois plus profondes et existentielles, cette satire est finalement moins lègère qu'elle en l'air, car elle s'octroit la liberté de stigmatiser notre propre hypocrisie face à notre acceptation d'une vie qui ne nous séduit pas mais que nous n'avons pas le courage de modifier.
Un ouvrage trés court qu'on lit en une soirée, mais qui nous fait passer à coup sûr un trés agréable moment de lecture, à conseiller à coup sûr!!!