Le grand soir: demain, peut-être?
Bien qu'étant de la même génération, celle qui avait 20 ans lorsque cet OVNI télévisuel est arrivé sur nos petits écrans, je ne fais pas partie de ceux mais (j'en connais) qui sont devenus complètement fans de l'émission Groland, trouvant l'idée de base, et quelques trouvailles bien trouvées, mais en même temps vite lassé par un esthétisme assez laid et qui érige le glauque et le décalé en valeur étalon.
Du coup, je suis passé à coté de l'éclosion au cinéma du tandem Kerven/ Delepine, les instigateurs de Groland. Il faut dire que d'après ce que j'avais pu voir ou lire, leurs films, Aaltra (2004) et Avida (2006), sous leurs oripeaux surréalistico-dadaïstes, et Louise-Michel (2008), prolongaient le même univers télévisuel, en essayant de proner une poésie du glauque et de la misère, d'une façon complétement décalée et assez barrée. J'avais longuement hésité à aller voir leur avant dernier opus, Mammuth, avec un Gérard Depardieu semble t- il éblouissant, mais finalement, pour celui ci aussi, j'avais passé mon tour.
Heureusement ( ou pas), j'ai eu des invitations pour voir leur toute dernière réalisation, le Grand Soir, sorti sur nos écrans le 6 juin dernier, ce qui fait que j'ai enfin pu approcher de près l'univers de ce duo choc du cinéma français.
Car, ce qui est évident à la vision de ce Grand Soir, c'est que les deux réalisateurs possèdent un univers bien à eux, peuplé de trognes et de situations, constamment sur le fil du rasoir ( mi burlesque, mi nihiliste). Tous les plans sont étirés jusqu'au maximum, jusqu'à ce qu'un certain malaise survient.
Dans ce grand soir en question, les deux auteurs tissent une charge à boulets rouge contre la société de consommation, et pour cela, utilise comme décor unique une de ces zones commercialies en lisière d'une grande ville ( ici Bordeaux), ces zones bien sinistres, complétement déshumanisées où seul le portemonnaie fait sa loi.
En prenant comme personnage principaux deux frères, un marginal ( un Benoit Poelvorde excellent dans le rôle du "plus vieux punk à chien d'Europe"), et son frère, qui va le devenir, suite à son licenciement de sa boutique de literie, Delepine et Kerven nous amène du coté des opprimés, des altermondialistes radicaux. Ce genre de personnage étant peu fréquents dans le cinéma français, l'effort est à saluer, et le début promet un film corossif et explosif en diable.
Hélas, le résultat m'a semblé assez peu convaincant, et surtout pas en adéquation avec les louanges qui pleuvent sur le tandem à chacune de leur production.
Le scenario manque d'envergure et d'unité, et le film donne assez vite l'impresssion de n'être finalement qu' une succession de sketches. d'assez inégale qualité.
Le Grand soir a surtout la mauvaise idée de privilégier l'excentricité de la saynète à la continuité du récit, et en néglige d'approfondir les personnages. Certains d'entre eux, comme les parents, René (Areski Belkacem) et Marie-Annick (Brigitte Fontaine), patrons du restaurant La Pataterie qui n'accueille aucun client, sont vraiment trop biggers than life pour qu'on puisse y croire un tant soit peu.
Le tout donne plus un coté BD, une sorte de western nihiliste au message en fait vraiment déprimant (c'est vraiment no future, le leiitmotiv des punks, mais vraiment à tous les niveaux), qui donne plus envie de se pendre que de rire.
Bref, j'imagine que, si les fans de Groland accueilleront ce grand soir à sa juste valeur, les hermétiques dont je fais partie seront bien plus spectiques quant au résultat final.