La déesse des petites victoires, mon 1er choc de la rentrée littéraire!!
Aujourd'hui, je ne l'apprendrais à personne, c'est la rentrée des classes. Et si le jour est important pour ma petite famille (l'une rentre en maternelle, l'autre en CP), je ne vais pas m'éterniser dessus, mais j'en profiterai juste pour vous balancer une généralité fort à propos,et qui, comme toutes les généralites, vaut ce qu'elle vaut : à quelques exceptions près, les littéraires font rarement de grands matheux.
En tout cas, en ce qui me concerne, je ne déroge pas à cette règle : j'ai toujours détesté cette matière, qui me l'a bien rendu, à tel point que j'ai usé jusqu'à la moelle nombre de professeurs particuliers qui essayait, vainement de faire passer ma moyenne en maths de 2 à 5.... au Bac, j'ai eu 8/20, et ce fut pour moi un exploit retentissant. Bref, je voue une telle aversion à cette matière, quitte à être de mauvaise foi que plus je m'éloigne des maths, mieux je me sens.
Ceci étant dit, qui aurait alors pu croire que je pouvais me passionner pour un livre de plus de 500 pages racontant la vie et l'oeuvre de Kurt Gobel (dont je n'avais évidemment jamais entendu parler) ami d'Einstein et auteur du, parait il très célèbre, théorème d'incomplétude à l'âge de 25 ans.
Ce livre, ce n'est autre que le premier roman de Yannick Grannec, La Déesse des petites victoires, que j'ai eu la chance de lire en avant première, non pas grâve au prix Roman Fnac ( dont il était finaliste), mais avec Version Femina, retrace à travers le regard de son épouse la vie fascinante de ce Kurt Gobel.
Le roman est très habilement construit et suit en parralèle deux histoires sur deux époques différentes. Le premier chapitre nous amène en effet dans les années 80, peu après la mort du scientifique et met en scène deux femmes. L’une, Anna, est une documentaliste pour la bibliothèque de Princeton sans ambitions ni motivation à qui l’on a demandé de soutirer à la veuve Gödel qui croupit dans une maison de retraite les derniers travaux de son mari qu’elle n’a jamais voulu transmettre à l’université. L’autre, Adèle, veuve de Kurt Gödel, qui croupit dans une maison de retraite, s’ennuie à mourir, et décide pour une fois de ne pas envoyer paître Anna comme ses prédécesseurs, mais va considérer, qu’en échange d’un peu d’écoute et d’attention de la part de la jeune femme, elle lui fournira ce qu’elle recherche.
Et c'est ainsi que le second chapitre nous raconte, du point de vue d'Adèle, l'histoire de sa rencontre,dans laVienne d'entre les 2 guerres, avec Kurt Gobel, et le roman alterna, jusqu'au bout, tous les chapitres, le point de vue d'Anna, puis celui d'Adèle et de sa relation, complexe et si exceptionnelle avec ce génie des maths. Adèle fut la maitresse - elle montrait ses jambes dans un cabaret de Vienne - puis l’épouse dévouée d’un mathématicien de génie, Kurt Gödel. Ils s’aiment, se marient quittent l’Autriche via l’URSS pour la côte Est des Etats-Unis. En effet, Kurt a rédigé un Théorème d’Incomplétude qui renverse tout le monde – y compris Albert Einstein – son futur confrère de Princeton.
Ne connaissant rien de l'auteur Yannick Grannec avant de lire son tout premier roman, j'aurais pu penser, ne serait son nom qui sonne bien français penser qu'on affaire à une romancière américaine confirmée, tant elle arrive avec un talent que n'aurait pas renier les plus grands auteurs anglo saxon à nous embarquer dans cette aventure où les mathématiques, l’Histoire, les sciences ne sont que peu de choses devant la force de l’amour d’Adèle pour son génie de mathématicien de mari ,et de son amitié naissante avec la jeune Anna.
On est ainsi bien loin des petites incartades nombrilisques d'auteurs dont les personnages ne dépassent pas la porte Champerret : ici, on passe de la bouillonnante Autrice des années 20, où les philosophes, les mathématiciens, les psychanalystes, les artistes, se mêlaient aux filles de cabaret et refont le monde jusqu’au bout de la nuit, en passant par l’Amérique en guerre puis l’université où les Gödel fréquentent des prix Nobels quotidiennement.
L’histoire de ce Kurt Gödel est en tous points fascinante. C’était un homme modeste et discret, atteint d’angoisse et d’hypocondrie ( j'ai au moins un point commun avec un génie des maths :o), qui note dans son carnet le moindre de ses repas ou de ses prises de poids, et ce qui tenait au départ à la simple manie va virer au délire paranoiaque, et évidemment partager sa vie avec un tel homme ne peut être une partie de plaisir. La description de cette vie de couple hors des sentiers battus est vraiment passionnante et singulière
Bien qu'elle soit loin d’être une jolie imbécile, Adèle ne comprendra ne comprendra pas grand chose aux théories qu’élaborent son mari et ses pairs. Les mathématiques et la philosophie lui sont de toute façon étrangères, et son seul but était de faire vivre l’homme qu’elle aime.
La manière dont Yannick Grannec imagine la relation dans ce couple mal assorti est passionnante et bien vue. Bien qu'Adèle semble se plaindre de sa position de femme de, toujours au service de ce grand homme, on voit aussi que la relation est plus ambigue que cela, et qu'elle tire aussi des satisfactions de ce statut particulier.