Baz'art  : Des films, des livres...
20 octobre 2012

Coffret Indignados: l'indignation selon Tony Gatlif

indignados-gatlifTony Gatlif est un artiste et un être humain rare, de par le cinéma qu'il défend et les engagements qu'il soulève. De Latcho Drom à Liberté, son avant dernier film, son cinéma s'est toujours placé du coté des minorités, des opprimés, du coté des faibles qui sont écrasés par la puissance des nantis.

Et comme on ne le changera évidemment pas à son âge, c'est le sillon qu'il continue de creuser dans ses deux dernières oeuvres, regroupés dans un même coffret, Indignados, qui parait le 24 octobre prochain édité par Arte Vidéo, et que j'ai eu la possibilité de découvrir en avant première grâce à CinéTrafic et son opération "un dvd contre une chronique". Le coffret comprend deux films réalisés par Gatlif, et Indignados et Indignez vous et je vous proposerai de les chroniquer l'un à la suite de l'autre:

1. Indignados

Le premier DVD, intitulé Indignados, est son dernier film de cinéma sorti le 6 mars dernier. Par ce docu fiction, le cinéaste a voulu marcher dans les pas du mouvement des indignés.

Toutes proportions gardées, on a tendance à comparer le mouvement des Indignés à Mai 68: même élan libertaire, anarchiste et revendicatif. C'est animé de ces mêmes intentions et des mêmes valeurs que Tony Gatlif a réalisé Indignados, mû par une indignation contre la façon dont évolue la société, qui stigmatise certaines minorités (les roms notamment, communauté qu'a toujours défendu Gatlif) et pousse les plus forts à assommer les plus faibles.

Le film est donc un cri du coeur,  mais comme il le dit lui même, n'est ni un documentaire, ni une fiction. Devant l'urgence de la situation, "on est obligé de faire vite, sinon l’action part. Il faut prendre une caméra et y aller."

Du coup, préssé certainement par l'imminence de la situation, Gatlif n'a pas pris la peine de chercher un fil narratif ni une quelconque histoire digne de ce nom, préférant simplement élaborer une suite de séquences sensorielles à partir d'images puissantes portées par une musique omniprésente et essentielle, la marque de fabrique de ce cinéaste, qui est également compositeur.

Parrallélement, il y a bien un semblant de fiction, puisque on suit très vaguement  une immigrée africaine Betty jetée par la mer sur un rivage méditerranéen (de la Grèce à l'Espagne où elle croise le chemin d'une manifestation d'indignados, mais cette histoire ne dépasse jamais l'état de squelette.

Bref, Indignados ne raconte pas grand chose,et c'est vraiment la limite du film : on s'attendait à une fiction qui analyserait la crise, d'énoncer des solutions, ou proposerait des moyens de les mettre en oeuvre, on se retrouve avec un poème urbain complétement décousu, avec  narration éclatée, slogans jetés sur l'écran (en l'occurence ici, des citations de Stéphane Hessel), prises de vue réelles mêlées à des scènes de fiction...

On ne parvient pas vraiment à saisir ce que Tony Gatlif cherche à nous expliquer, avec ses images de révoltes, de manifestations, d’immigrés sans papier,  et ces images qui reviennent plusieurs fois, celle d'une canette vide qui roule au grès du vent ou ces centaines d’oranges qui dévalent une pente sous la pluie.

Tony Gatlif a filmé des bouts d'histoires sans grande cohérence et multiplié les métaphores jusqu'à tomber dans la lourdeur. Pour un film qui aborde tant de sujets importants sur lesquels on attend énormément d'explication, l'absence quasi totale de dialogues lasse, et surtout laisse donne une impression de voir un exercice de style totalement sans chair ni os. Grosse déception pour ma part..

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hessel2. Indignez vous!!!

Ici, le  fameux livre de Stephane Hessel n'est pas que le point de départ du film, mais carrémement sa substansique moelle.  Tony Gatlif a  en effet voulu mettre en images le manifeste de Stéphane Hessel en transformant son texte en acteur principal de ce documentaire où ne figurent ni discours ni interviews. 
 
En fait, il y a un lien évident entre les 2 films, et lorsque comme moi, on voit les 2 à la suite, on a un peu l'impression de voir le même film, dans la continuité l'un de l'autre. Toujours la même volonté de mélanger le discours d'Hessel avec le spectacle de jeunes indignés qui soeint manifestent, soit poursuivent en écho la voix du maitre.
Encore une fois, Gatliff veut traiter tous les sujets qui le bouleversent et le hérissent (crise financière et misère, marchandisation de la société et maltraitance de la nature, repli sécuritaire et peur de l’autre), sujets absolument primordiaux, mais sa façon de les aborder reste toujours aussi confuse et improductive.
 
Cela dit, si on compare ce documentaire à Indignados, la comparaison joue nettement en sa faveur,
Le début du film est notamment assez saisissant :  A l’image, en noir et blanc, apparaît le beau visage de Stéphane Hessel. A la fois digne et gracieux. Il parle d’une voix posée, en détachant toutes les syllabes, et déclare en préambule : « 93 ans, c’est un peu la toute dernière étape. La fin n’est plus bien loin. J’ai la chance de pouvoir en profiter pour rappeler ce qui a servi de socle à mon engagement politique. »
Puis ce grand homme égrène son propos de façon assez distanciée,  comme s'il connaissait tous les mots de son ouvrage absolument par coeur.
  Ce parti pris nous permet de vraiment entendre le contenu et la puissance du texte, mais le discours se fait de suite moins claire dès que Gatliff nous emmène ailleurs, sur des routes presque aussi floues que celles de son Indignados.
Dans l'ensemble, cette seconde oeuvre, plus maitrisée et plus modeste formellement que la première s'avère donc être plus agréable à regarder. Cela dit, l'avoir vu juste après la précédente m'a paru être un peu trop, tant j'avais tendance à rester sur la mauvaise impression laissée par Indignados. Bref, si vous êtes un fana de Tony Gatliff et que vous admirez ses combats, ne faites pas comme moi, laissez passer quelques jours avant de voir les deux à la suite!!! 

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Commentaires
F
@renette: si tu l'aimes beaucoup évite celui la<br /> <br /> @potzina : ah effectivement consacrer 4 heures à voir ces 2 films était pas loin d'etre une belle corvée, je me croyais un peu devant les TIG... et dire que j'avais envie de plein de bons films avec ciné trafic et je me suis retrouvé avec celui la et un autre (heureusement bien supérieur) je me souvenais que tu avais fait gagner des places, mais si tu avais vu le film avant pas sur que tu ais voulu organiser le concours miss :o)
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P
Raah, c'est dommage ! Je pensais que les 2 films seraient meilleurs que ça. J'avais fait gagner des places pour Indignados mais je n'avais pas eu l'occasion de le voir et maintenant que j'ai lu ta critique, je me dis que ça n'est pas plus mal ;) D'autant plus que le docu Indignez-vous est passé sur ARTE il y a peu et que j'ai décroché, je ne l'ai pas regardé jusqu'à la fin. <br /> <br /> Bravo à toi de tout avoir regardé en entier !
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R
Toujours des articles intéressants, un gros coup de coeur pour Tony Gatlif que j'aime beaucoup. Bon week-end
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