Coffret Indignados: l'indignation selon Tony Gatlif
Tony Gatlif est un artiste et un être humain rare, de par le cinéma qu'il défend et les engagements qu'il soulève. De Latcho Drom à Liberté, son avant dernier film, son cinéma s'est toujours placé du coté des minorités, des opprimés, du coté des faibles qui sont écrasés par la puissance des nantis.
Et comme on ne le changera évidemment pas à son âge, c'est le sillon qu'il continue de creuser dans ses deux dernières oeuvres, regroupés dans un même coffret, Indignados, qui parait le 24 octobre prochain édité par Arte Vidéo, et que j'ai eu la possibilité de découvrir en avant première grâce à CinéTrafic et son opération "un dvd contre une chronique". Le coffret comprend deux films réalisés par Gatlif, et Indignados et Indignez vous et je vous proposerai de les chroniquer l'un à la suite de l'autre:
1. Indignados
Le premier DVD, intitulé Indignados, est son dernier film de cinéma sorti le 6 mars dernier. Par ce docu fiction, le cinéaste a voulu marcher dans les pas du mouvement des indignés.
Toutes proportions gardées, on a tendance à comparer le mouvement des Indignés à Mai 68: même élan libertaire, anarchiste et revendicatif. C'est animé de ces mêmes intentions et des mêmes valeurs que Tony Gatlif a réalisé Indignados, mû par une indignation contre la façon dont évolue la société, qui stigmatise certaines minorités (les roms notamment, communauté qu'a toujours défendu Gatlif) et pousse les plus forts à assommer les plus faibles.
Le film est donc un cri du coeur, mais comme il le dit lui même, n'est ni un documentaire, ni une fiction. Devant l'urgence de la situation, "on est obligé de faire vite, sinon l’action part. Il faut prendre une caméra et y aller."
Du coup, préssé certainement par l'imminence de la situation, Gatlif n'a pas pris la peine de chercher un fil narratif ni une quelconque histoire digne de ce nom, préférant simplement élaborer une suite de séquences sensorielles à partir d'images puissantes portées par une musique omniprésente et essentielle, la marque de fabrique de ce cinéaste, qui est également compositeur.
Parrallélement, il y a bien un semblant de fiction, puisque on suit très vaguement une immigrée africaine Betty jetée par la mer sur un rivage méditerranéen (de la Grèce à l'Espagne où elle croise le chemin d'une manifestation d'indignados, mais cette histoire ne dépasse jamais l'état de squelette.
Bref, Indignados ne raconte pas grand chose,et c'est vraiment la limite du film : on s'attendait à une fiction qui analyserait la crise, d'énoncer des solutions, ou proposerait des moyens de les mettre en oeuvre, on se retrouve avec un poème urbain complétement décousu, avec narration éclatée, slogans jetés sur l'écran (en l'occurence ici, des citations de Stéphane Hessel), prises de vue réelles mêlées à des scènes de fiction...
On ne parvient pas vraiment à saisir ce que Tony Gatlif cherche à nous expliquer, avec ses images de révoltes, de manifestations, d’immigrés sans papier, et ces images qui reviennent plusieurs fois, celle d'une canette vide qui roule au grès du vent ou ces centaines d’oranges qui dévalent une pente sous la pluie.
Tony Gatlif a filmé des bouts d'histoires sans grande cohérence et multiplié les métaphores jusqu'à tomber dans la lourdeur. Pour un film qui aborde tant de sujets importants sur lesquels on attend énormément d'explication, l'absence quasi totale de dialogues lasse, et surtout laisse donne une impression de voir un exercice de style totalement sans chair ni os. Grosse déception pour ma part..
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