Comme un homme : un thriller français de bonne tenue
Nouvelle chronique de sortie DVD, et nouvelle chronique d'un film qui n'a pas eu le succès qu'il méritait en salles et dont la récente sortie DVD ( le 20 février dernier, édité par Diaphana) pourrait lui permettre de récupérer pas mal de spectateurs avides de bon cinéma francais. Car ce Comme un homme, réalisé par Safy Nebbou et sorti en salles en plein été (le 15 août) est un film de bonne tenue, aux qualités évidentes.
Il faut dire que Safy Nebbou est un réalisateur peu connu, mais qui a pourtant signé des films toujours intéressants à mes yeux , notamment ses deux précédents , qui étaient tous les deux magnifiques duels psychologiques interprétés par de très grands acteurs en excellente forme : Sandrine Bonnaire et Catherine Frot dans « l'Empreinte », Gérard Depardieu et Benoît Poelvoorde dans « L'autre Dumas", deux films clairement sous estimés et pourtant excellents.
Comme un homme est sans doute un peu inférieur à ces deux films là, mais encore une fois, le film repose sur un duel psychologique, ici un père et son fils, dont la grande particularité et qu'ils sont également père et fils à la ville puisqu'il s'agit de Charles Berling et de son fils Emile. Sauf que ce duel intervient plutot dans la seconde partie du film, puisqu'au départ le père est un personnage secondaire de l'intrigue, et que l'on suit plutot les affres de son fils, confronté aux affres d'une situation qui va très vite le dépasser.
Le film commence de façon intense et assez angoissante : en pleine nuit, deux adolescents kidnappent une femme, la ligotent, parcourent quelques kilomètres en voiture, quittent la ville et s’en vont l’enfermer dans un cabanon au milieu d’un bois, après avoir emprunté une rivière à bord d’une petite barque.
Le film commence donc très fort avec une ambiance noire et glauque, dont les marais poitevins forment un décor absolument impressionnant, à la lisière du fantastique. Au niveau visuel pur, le film est un véritable petit bijou, grâce au superbe travail du directeur photo (Pierre Cottereau).
Puis les deux jeunes hommes, du haut de leurs seize printemps, regagnent leurs foyers respectifs : Greg, le meneur, est l’un des deux fils d’un concessionnaire auto ; Louis (Emile Berling) est le fils du proviseur du lycée (Charles Berling). Qui est cette femme ? Nous apprendrons qu’il s’agît de la prof d’anglais de Greg, jeune femme qu’il a quelques jours plus tôt agressée. Geste qui le laisse sous la menace d’un renvoi. Les heures défilent jusqu’à cet instant (le surlendemain) où ils décident de la libérer.
Le réalisateur nouse mbarque ainsi ailleurs et nous plonge cette fois en plein thriller, dans une histoire d’enlèvement d’une prof par deux ados. Et en parlant de plongée, ce sont littéralement des vagues d’angoisse qui déferlent durant la première demi-heure. L’installation du climat est haletante, le tempo est soutenu et on est pris de sueurs froides assez agréables pour la simple raison qu'il n'y a pas d'outrance et que la subtilité est de mise.
Par la suite, Comme un homme va changer de cap et virer au portrait psychologique d'un adolescent embarqué dans une salle affaire et qui est mal de répères . Louis, ce gamin entrainé malgré lui dans la croisade de son meilleur copain, qui vit seul avec son père depuis la disparition de sa mère dans un accident de voiture.
Tel elle est la volonté du cinéaste qui nous le décrit dans l'interessant making off de 30 minutes qui accompagne le film : au fil de l’écriture, s’est dessinée une histoire autour de deux solitudes, celle d’un père et d’un fils qui pleurent en silence, la mère disparue. Il s'agit d'un conte moderne qui flirte parfois avec le fantastique. Sonder l’énigme des êtres, sans les confiner dans leurs ténèbres ni les sauver tout à fait, s’abstenir en tout cas de les juger.
Durant tout le film, on ressent fortement l’ambiance écrasante du lieu car il y a très peu de couleur, la musique est grave et les lieux notamment la forêt sont très sombres..
Il faut donc voir dans ce récit, adapté de « L’âge bête » de Boileau-Narcejac, comme un parcours initiatique qui mènera l’âme perdue vers la renaissance ; cette étape où le garçon fera le deuil de sa mère et deviendra un homme, apte à prendre ses responsabilités et s’assumer enfin comme tel. Cependant, le metteur en scène n'arrive pas totalement à rendre totalement crédibme ce parcours iniatique, qui du coup, est moins réussi que le polar d'athmosphère du début. En effet, le cinéaste reste sans doute un peu trop dans la retenue, sans doute par peur de trébucher, de trop verser dans le démonstratif.
Du coup, nous ne partageons pas totalement l’émotion de ce rapprochement entre un père et son fils, qui s’aiment mais vivent chacun de leurs côtés, séparés par un mur invisible. De plus, Emile Berling, le fils de Charles, pour son premier premier rôle manque à mes yeux d'un peu trop d'experience et d'envergure pour un tel role. Face à lui son père Charles Berling incarne avec son brio habituel un personnage dual tiraillé entre son isolement de veuf rongé par la culpabilité et sa tour d’ivoire de préfet de l’établissement dans lequel son fils a cours.
En résumé, un polar français non exempt de défauts, mais qui reste quand même d'excellente facture et qui mérite absolument une seconde chance!!!