The place beyond the pines: le cinéma ricain à son meilleur
Depuis le début de cette année 2013, une bonne partie de la presse se pose la question de savoir si le cinéma français est actuellement en crise, à cause de plusieurs facteurs, du Maravagate (du nom de ce producteur qui a hurlé au scandale des acteurs français trop payés ) aux divers échecs artistiques et commerciaux de divers projets ambitieux sur le papier, les exemples de ces fiascos étant trop nombreux pour les citer.
Si je ne répondrais- du moins pas aujourd'hui- à cette pourtant passionnante question, je suis obligé de reconnaitre que dans la petite vingtaine de films que j'ai pu voir en salles cette année, les films étrangers, et notamment américains sont bien au dessus de la mélée; les films hexagonaux ( le Bacri Jaoui excepté) faisant à coté bien pâle figure.
Et parmi ces films américains, qui, par rapport à ceux que j'ai pu voir en 2012, sont également d'un niveau nettement supérieurs, figure en bonne position ce Place Beyond The pines, le second film à ce jour de Derek Cianfrance, qui avait déjà réalisé un de mes coups de coeur de 2011 (une année plus faible également pour le cinéma US dont j'attendais donc le retour en force depuis au moins 3 ans), le superbe et intimiste Blue Valentine.
Dans ce Blue Valentine ( dont j'ai dit tout le bien ici meme) , un des plus beaux film sur le couple de ces dix dernières années, Derek Cianfrance s’intéressait à une seule thématique, celle du couple, donc, mais à travers le temps qui passe et qui entraine l’érosion de l’amour. Mais au dela du couple, les sujets de la famille, les responsabilités et l'auto destruction étaient traités avec brio tout au long du film, ce qui laissait voir un vrai talent du cinéaste à aborder de brasser d''autres sujets et d'autres thématiques avec la même acuité et la même émotion.
Et c'est ce qu'il s'échine à faire dès sa seconde oeuvre où l'on retrouve les mêmes problématiques ( celle du couple, de la transmission, de son incapacité à se maitriser), mais dans une forme et à travers un projet bien plus ample et ambitieux. Et outre les thèmes déjà évoqués, ce Place Beyond the Pines en embrase d'autres, ceux qui sont chers au grand cinéma américain : la filiation, l'affrontement entre le bien et le mal, la culpabilité, la rédemption, le pardon…
Et d'ailleurs ces thèmes font évidemment penser à ceux de mon cinéaste préféré, dont j'attends avec une impatience folle le nouveau film, je veux bien entendu parler de James Gray. Il y a une proximité d'approche dans la façon de suggérer la fatalité ou de situer son action dans une communauté oppressant, ainsi que dans la mise en scène, à la fois lyrique et intimiste dans un même jet.
Intimiste, et même pourrait on dire presque naturaliste. Il faut dire que le metteur en scène a tout filmé sur place, en décors naturels. Un souci de réalisme scrupuleux sans doute lié à son passé de documentariste. Et il faut avouer que c'est très réussi, d'autant qu'on retrouve aussi ce naturel et cette sincérité auss bien dans les dialogues que dans les personnages.
Et comme on l'a déjà dit ici et là, ( je peux donc déflorer ce qui était pour moi une surprise au moment de sa vision), le film est découpé en trois parties distinctes, avec dans chacune d'elles, un personnage principal différent. Et cette construction s'avère être superbement maitrisée, tant la dernière partie, qu'on pourrait penser au départ un peu plus convenue que les deux autres, éclaire en fait particulièrement bien l'idée de prédestination, de répétition et de déterminisme développée tout le long de cette belle oeuvre.
Sans doute aurait on aimé sur la fin encore plus d'émotions, de boucle qui serait bouclée de façon très mélo à l'américaine, mais Cianfrance a préféré rester sur une ode à la liberté plus modeste dans sa forme, et cela convient finalement tout aussi bien à l'esprit de cette oeuvre.
Une oeuvre qui doit également beaucoup à la facon dont Cianfrance dirige ses comédiens : si le rôle de son comédien fétiche Ryan Gosling pourrait dans un premier temps faire penser à son personnage de Drive, sa composition est ici à mon sens plus nuancée et , plus mélancolique que dans le film de Wejn. Et Bradley Cooper confirme, après Happiness Therapy, son statut de véritable acteur et non pas de bellatre un peu drole.
Le film dégage donc une vraie profondeur et une vraie mélancolie absolument remarquable qui font, font de ce Place Beyond the pines un des films incontournables de ce début d'année.
Cela dit, tout le monde ne partage pas forcément mon avis : en effet, j'ai vu le film avec ma compagne qui est loin d'avoir ressenti le même enthousiasme que moi, hélas, comme elle n'a pas écrit dessus sur son blog, je ne pourrais faire le pour et le contre cher à Télérama et on va donc rester que sur cet avis plein d'éloges de ma part!!!
Car, de mon coté, ayant ardemment défendu ce film avant de le voir, avec pas mal de concours organisé autour du film, j'ai été plus que soulagé de voir qu'il n'y avait pas de déception à l'arrivée!!