Les 10 livres que j'ai conseillé à un ami qui n'avait jamais (vraiment) lu...
En ce jour de la semaine où l'on parle énormément de lecture depuis que vendredi lecture existe et en cette semaine où la littérature internationale a pris ses quartiers à Lyon, pourquoi ne pas se lancer dans un petit panorama de la littérature contemporaine , une sorte de bilan des livres récents qui ont le plus compté pour moi, cela vous irait?
Racontons une fois n'est pas coutume la génèse de ce billet du jour : figurez vous qu' il y a maintenant plusieurs mois de cela , j'ai reçu un mail d'un ami de faculté que j''ai hélas un peu perdu de vue , mais qui me suit sur le blog et sur les différents réseaux sociaux où je traine et qui disait peu ou prou ceci :
"Comme tu es un gros gros lecteur, je voudrais te demander, quand tu auras le temps (enfin je doute qu'il ne t'en reste beaucoup), de me faire une sélection de 10 bouquins à lire avec les critères suivants:
- roman sorti après le 1er janvier 1995
- si possible facile à lire (mais pas forcément court)
- roman paru en poche"
Voilà, fin de la requête et surtout, démerde débrouille toi avec cela.
Et bien ni une ni deux, j'ai essayé de répondre consciensieusement à sa demande, même si j'ai eu un mal fou à me limiter à dix livres : je me suis résolu à les chercher ces fameux dix livres et lui expliquer en quelques lignes pourquoi il fallait lire ces 10 romans avant tout, sans ordre de préférence.
Et comme dans ces 10 livres figure un roman dont on a enfin parlé en début de cette semaine , je me suis dit que c'était le moment idéal pour enfin sortir ce billet qui dormait depuis quelques temps déjà dans ma boite aux archives..
1. Shutter Island, Denis Lehane;
Sans doute, un des meilleurs thrillers de ces 20 dernières années : une maestria énorme, un des livres qu'on a envie de relire une seconde fois après la dernière page refermée pour essayer de voir ce qu'on a pas compris,et de trouver un nouvel éclairage à l'aune du rebondissement final que personne ne pouvait deviner.
Je pense que pour apprécier pleinement le film qu' a tiré l'immense Martin Scorsese du livre il ne faut pas avoir lu le roman auparavant, ne serait ce que parce que l'on se souvient forcément du sidérant twist final du bouquin, et du coup, l'effet de surprise ne peut pas autant nous prendre à rebrousse poil.
Son adaptation comme c'est très souvent le cas, bute sur les limites du visuel sur l'imaginaire: en nous plongeant dans le roman, on se faisait une idée de l'ile, de l'asile, et du phare où se passe ces experiences horribles sur le cerveau humain, et irrémédiablement, l'illustration de ces lieux, même créés par ce superbe styliste qu'est Scorsese apparait plus fade que ce qu'on avait en tête.
2- Une vie française; Jean Paul Dubois
Tout est dans le titre : en 350 pages et sous 7 Présidences de la République successives, de De Gaulle (1958) à Chirac (2004), Jean-Paul Dubois raconte la vie d’un citoyen français comme les autres, ni pauvre ni milliardaire, ni complètement malheureux ni véritablement heureux, promené par le destin sur toutes les cases de l’existence, de la révolte adolescente au mariage bourgeois.
Voilà le roman que je considère comme assurément le meilleur roman francais des années 2000. Cet ouvrage, superbement ambitieux, raconte, dans la lignée des grandes saga américaines - 'histoire d'un homme plutôt ordinaire de prime abord, à travers ses aventures personnelles, professionnelles, sexuelles, conjugales, familiales, bref, qui se livre au lecteur.
Et au passage, il nous offre une magnifique toile représentant des années de politique, et, bien sûr, un splendide portrait de la France. Réussir à méler la petite histoire dans la grande est souvent casse gueule, ici l'exercice est admirablement construit.
Qu'on l'aime, ce style empli de vigueur, d'intensité, et de lyrisme . le temps passe, rendant cet homme de plus en plus détaché de ce que le matériel lui donne pourtant à profusion.
La fin, mélancolique à souhait ne fait que renforcer le sentiment de grâce qu'a eu Dubois lors de l'écriture de ce bouquin, prix fémina 2004.
3 La vérité sur l''affaire Harry Québert; Joel Dicker
Grande révélation de l'année 2012, ce jeune auteur suisse d'à peine 30 ans, est vite devenu un phénomène mondial. avec cette La Vérité sur l'affaire Harry Quebert, publié par la maison d'édition indépendante Bernard de Fallois,qui a décroché le Goncourt des lycéens et le Grand Prix du roman de l'Académie Françaises et atteint les ventes stratosphériques: un million d'exemplaires en grand format, et ce roman est d'ailleurs actuellement en cours de discussion pour être adapté sur grand écran par un studio holywoodien.
"La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert" est en effet une réussite totale : le livre contient, surtout dans ces 300 dernières pages tellement de révélations, de rebondissements et de surprises, je n'avais pas connu pareille excitation pour finir un livre depuis Shutter Island de Denis Lehane..
.L'auteur maitrise parfaitement son récit, ce qui est vraiment à saluer vu son jeu âge une intrigue bien tortueuse et somme toute assez surprenante (j'avais vaguement deviné le coupable, mais sans énormément de certitude non plus) et tout ceci contribue à faire de cette affaire Harry Québert un vrai moment de lecture que seuls les grincheux bouderont.
4 High Fidelity; Nick Hornby
On se souvient forcément de l'excellente adaptation ciné de Stephen Frears avec John Cusack et Jack Black.mais plus encore que le film, le livre de Hornby est génial bien nous plonger dans l'univers de Londres du début des années 90 avec ses vinyls, ses pubs et ses concerts un peu pourris…
Il y a de la répartie à toutes les pages, des phrases bien senties et plein de vérités qui vous font inévitablement dire quand vous les lisez, « mais oui, c'est vraiment trop ça en vrai! ».
Un roman so So british ! le style, le cynisme, l'humour, les personnages, tout est jouissif et une fois qu'on a posé ce livre, on n'aura qu'une seule envie, celle de faire des listes pour tout et n'importe quoi!!.
5-La vie privée de M Sim; Jonathan Coe;
Encore un roman anglais, et sans doute celui dans lequel Jonathan Coe , auteur pourtant de la fabuleuse et dense Maison du Sommeil est ici à son meilleur, il sait décrire à merveille, avec une imagination fertile et un humour décapant les travers de notre société contemporaine.
los, a beau être celui de la communication à outrance, dans lequel les technologies les plus modernes qui soient (le GPS, les applications mobiles..) sont là pour faciliter la vie des gens, ce monde dissimule en fait souvent une triste solitude, un souci d'exister virtuellement quand notre vie sociale s'appauvrit à l'extrême Monsieur Sim a encore 70 amis facebooks, qu'il pense comme une de ses seules bouées de sauvetages, mais qui ne vont pas lui être d'un grand recours.
Mais c'est au fil d'un parcours de type road-movie vers l'Ecosse, au gré d'une vague entreprise de commerce d'une brosse à dent révolutionnaire que Sim va petit à petit revisiter son passé et essayer de redresser la barre.
On est totalement épaté par la maestria avec laquelle Coe nous fait voyager à travers le temps pour mettre en parralèle avec la destinée de Sim les points de vue des protagonistes sur des scènes qui se sont déroulées des décennies plus tôt; mais qui auront été déterminantes pour comprendre le présent.
L'intrigue de Jonathan Coe avance de manière intelligente et surtout très singulière, et l'introspection de Max progresse en étant toujours surprenante et rythmée.
6. Les apparences; Gylian Flynn
Là encore une adaptation culte par Fincher et là encore un roman qui me parait un peu au dessus : parrallélement à cette analyse au scalpel des relations conjugales, la romancière américaine nous déroule son intrigue avec un aplomb exemplaire.
L'ensemble est ponctué de coups de théâtre retentissants (et notamment celui, assez incroyable à la fin de la première partie de ce livre, divisé en trois parties totalement divergentes les unes des autres), et une finesse psychologique qui rend crédibles et vraisemblables les actions les plus "borderline" de ce couple quand même un peu singulier et un peu félé; une folie qui apparait surtout dans la dernière partie, mais chut, pour ceux qui n'ont pas encore eu la chance de le découvrir, j'en ai déjà trop dit !!
7 La classe de neige; Emmanuel Carrère
La classe de neige d'Emmanuel Carrère est une fiction, cela change des autres « romans » que j'ai lus de cet auteur qui me fascine et dont j'ai décidé de lire toute l'oeuvre. A la différence d'un Roman Russe, de l'Adversaire ou d'Autres vies que la mienne, l'auteur ne fait pas référence à lui-même. On est donc plongé directement dans le récit uniquement à travers les yeux du personnage principal : un enfant.
Un roman court dont la tension, qui va crescendo tout au fil des pages, vous oppresse dès les premières lignes!
Entre rêves, ou plutôt cauchemars, et réalité, Emmanuel Carrère sème des indices; il nous laisse deviner, sans nous dire; il nous fait comprendre, sans mettre les mots...
Ce roman est le premier d'Emmanuel Carrère, peut-être le seul non tiré d'un fait divers réel, même si cette histoire est peut-être déjà arrivée ou aurait pu. J'ai beaucoup aimé. L'auteur a su installé dès le départ une atmosphère de malaise, où une angoisse poisseuse ne vous lâche pas...On sent qu'un malheur va arriver, d'autant plus que Nicolas lui-même anxieux et perturbé par ses peurs maladives d'enfant le sent, comme si c'était écrit, qu'il l'avait toujours su...
8. Il faut qu'on parle de Kevin; Lionel Shriver
Pour moi, le plus grand livre que j'ai pu lire au cours de l'année 2008 et sans doute les années d'après et d'avant aussi. Même plusieurs années après ma lecture je m'en souviens encore parfaitement du choc que j'ai eu avec cette lecture!!
"Il faut qu'on parle de Kevin" se compose exclusivement de lettres écrites à son mari, une femme qui y retrace la vie avant même sa conception ,pendant et après de son fils responsable d'un carnage dans son école.
Eblouissant de maitrise et de perfection, c'est un livre qui ne peut laisser personne indemne après la lecture. On ressent comme un vrai coup de poing aux tripes devant cette histoire parfaitement menée dont les rouages vous broient petit à petit le coeur.
Face à cette peinture sans concession aucune ,mais également pleine de sensibilité de l'héroïne de sa relation avec son fils, le roman n'oublie pas également d'aborder en toile de fond la société américaine en général, et notamment le port d'armes gratuit et cette violence banalisée qui fait qu'un adolescent peut entrer dans un lycée et y ouvrir le feu, mais tout cela est décrit sans aucun manichéisme et simplisme, ce qui rend ce livre poignant de bout en bout, jusqu'à un final absolument bouleversant.
9 L’amie prodigieuse ; Elena Ferrante
Souvenirs d’enfance, souvenirs tendres, cruels et violents à la fois, comme l’enfance. Histoire d’une amitié forte, d’une rencontre, d’une reconnaissance, histoire d’une rivalité aussi.
Description précise et méthodique d’un quartier pauvre, histoire de femmes dans l’Italie de l’après-guerre, pas n’importe où, à Naples la ville chaos, la ville passionnée, la ville amour, la ville haine. Roman d’apprentissage, deux petites filles, vives, intelligentes et gourmandes de vie se battent pour devenir grandes et libres. Bon sang ! Devenir une femme dans une société machiste et patriarcale c’est se soumettre ou partir, se réfugier dans les études ou épouser le fils de l’épicier.
On a déjà tellement dit et écrit sur le succès planétaire de la trilogie d’Elena Ferrante, la mystérieuse écrivaine fuyant les médias.
Et bien oui, toutes les formidables critiques, tous les dithyrambes sont mérités. L’histoire de Raffaella et d’Elena c’est l’histoire de l’Italie mais c’est aussi notre histoire. Naturaliste, poétique et extraordinairement bien écrit, Elena Ferrante tire le fil de son récit et le lecteur, conquis dès les premières pages, met ses pas dans les pas des deux petites héroïnes, leurs rires, leurs combats, leurs doutes et leurs chagrins deviennent les nôtres. « L’amie prodigieuse » est un roman parfait.
10. - Cinq matins de trop; Keneth Cook
Dernier choix et pas forcément le plus attendu pour ce court roman écrit vers 1960, ( mais traduit seulement en 2007 donc on est bien dans la commande de départ)devenu un classique en Australie.
Roman court mais intense et fulgurant, qui nous plonge, le temps d'un cauchemar éveillé, en plein Outback, dans le « Coeur mort » de l'Australie. le titre original « Wake in fright » (S'éveiller dans l'effroi) en dit long et s'accorde mal avec le cliché du blond surfeur bronzé sable chaud des plages de Sydney. Vous voilà prévenus.
C'est évidemment subjectif, mais je pense qu'on frôle le chef-d'oeuvre. Ce livre m'a fait une forte impression, assez indescriptible, presqu'un choc. C'est grandiose, magistral, brûlant, violent, et terrible de voir à quelle promiscuité morale mènent l'ignorance et l'ennui dans un environnement hostile.
Sans avoir l'air d'y toucher, ce court récit possède la brutalité d'un coup de poing inattendu dans la solitude de la nuit, là où seule la lune pourrait compatir si elle n'était si froide et distante..Un récit-choc qui laisse le lecteur complètement pantois avec , en prime , une sérieuse gueule de bois.
Bref, vous l'aurez compris ces 10 livres que j'ai conseillé à un ami qui n'avait jamais (vraiment) lu constituent une Liste forcément subjective, et d''autres titres auraient largement pu y figurer parmi lesquels :
"Les visages"deJonathan Kellerman;"L'homme qui voulait vivre sa vie" de Douglas Kennedy,- Les cerfs volants de Kaboul; Khaled Hasseini;-Le potentiel érotique de ma femme, David Foenkinos;- Kiffe Kiffe demain; Faiza Guene;- Avant d'aller dormir, Sam Watson;et rester vivant JP Blondel ;-Cadres Noirs; Pierre Lemaitre ou bien encore ;Intérieur Nuit de Marissa Peisl
Et vous alors, quels romans parmi ceux ci figurent parmi vos incontournables de lecture ? et lesquels auriez vous aimé rajouter si un de vos amis avait fait la même requete qu'à moi??
Et si j'avais voulu orienter mes conseils dans une liste plus "classique" en m'éloignant un peu de la commande de départ, voilà peut - être à quoi ma liste aurait pu ressembler :