Réédition de livres oubliés: oui, ca vaut le coup!!
Malgré la grande diversité des romans nouveaux parus cette année encore lors de cette rentrée littéraire, plusieurs maisons d’édition se font un devoir d’exhumer , soit en les publiant, soit en les rééditant , des livres " oubliés", autrement dit des ouvrages tombés dans l'ignorance au fil des années. allant contre le sens du vent et des médias qui ont plutot tendance à mettre exclusivement en avant les nouveautés.
Du coup j'ai eu envie de saluer le travail de ces éditeurs qui luttent contre cette amnésie éditoriale, et qui font en sorte que certaines œuvres tombées dans l’oubli possèdent en fait de véritables résonances aujourd’hui, notamment par leur thématique.
"Dans un mélange d'obscurité, de pluie et de neige, les jours s'écroulaient lugubres, tandis que la ville s'envasait dans les ténèbres de décembre. Thomas Weber fuyait la solitude et la réflexion, et menait une existence condamnable "
Ce sont tout d'abord les éditions Viviane Hamy qu'il faut saluer pour nous avoir fait découvrir un auteur phare de la lecture scandinave Hjalmar Söderber.
Auteur majeur en Suède, c’est grâce à ce roman Egarements que Söderberg connu le succès. Un roman qui peut être considéré comme un classique de la littérature scandinave après avoir été décrié et étiqueté pornographique à sa parution en 1895. En cela, la présentation du roman et de l'auteur, au début du livre est vraiment salutaire puisqu'elle nous permet de mieux situer la période dans laquelle cette oeuvre a pu faire scandale en 1895.
Le livre trace le portrait de Thomas Weber, jeune homme d'à peine vingt ans qui vient d’obtenir sa licence en médecine, prêt à se jeter dans l’aventure d'un Stockhlom de la fin d'un XIX siècle, un Stockholm méconnu au grès des rencontres fortuite et à dépenser l'argent de son riche pere.
Avec ce jeune homme qui va vite se montrer désemparé face à l'amour, l'argent, l'auteur dresse un portrait au scalpel d'une jeunesse désinvolte et désenchantée, finalement pas si éloignée que cela de la notre, mais peu à peu, cette peinture d'une jeune solitude va se muer en roman d’amour et de désir, décrivant la déraison d’une passion pleine de seves.
Entre flanerie mélancolique et poétique et récit d'iniatique un rien cruel, ces jolis "Egarements" mérite à coup sur un zoom sur un classique d'une littérature suédoise qu'on connait- malheureusement- presque uniquement à travers ses polars, et qui offre ainsi un éventail plus varié..
2. Le Poison; Charles Jaskson (ed Belfond Vintage)
"Sam, un autre Whisky..Pour célébrer...remarqua-t-il à mi- voix..Pour célébrer quoi?Une sensation poignante d'ennui, de lassitude s'empara de lui de façon si brutale qu'il en chancela presque. Il eut envie de poser sa tête sur le marbre mouillé du comptoir et de pleurer. " Des larmes! Des larmes vaines, je sais fichtremement bien ce que cela signifie."
7 nominations aux Oscars, 4 récompenses dont l’Oscar du meilleur film en 1946; Grand Prix et Prix d'interprétation à Cannes pour l'acteur principal, Ray Milland,Le Poison est un des films les plus sombres et les plus réussis de l'immense cinéaste américain Billy Wilder.
Ce que j'ignorais lorsque je l'ai vu il y a une vingtaine d'années c'est que ce film était l'adaptation d'un roman paru quatre ans plus tot.
Un roman éponyme d'un illustre inconnu qui rencontra direct un succès foudroyant, plaça son auteur sur orbite, avant l'adaptation au Billy Wilder en personne. Mais un roman assez maudit pour l'auteur qui dut se contenter de ce coup d'éclat et qu'il donna l'impression d'avoir tout mis dans ce livre semi autobiographique, qui raconte comment un écrivain en panne d'inspiration tente de se réconforter auprès de l'alcool et ses démons.
Don Birnam, écrivain à la dérive, alcoolique qui tente vainement une phase de rémission va profiter d'un week end pour tenter d'exorciser ses démons ou de s'y plonger définitivement..
Le temps d'un week-end oscillant entre euphorie et cauchemar, la confession lucide et enfievrée de Don Birnam, écrivain raté dévoré par l'alcoolisme touche au coeur.
"Pour un type comme toi, le premier verre est celui en trop, et le dernier ne suffit jamais."
3. Nuit Mère, Kurt Vonnegut (ed Gallmeister)
«Vous direz ce que vous voudrez sur le doux miracle de la foi inconditionnelle, j'en considère la propension comme terrifiante et terriblement ignoble. »
Auteur iconoclaste et révolté, satiriste virulent des années Vietnam, anti-BUSH déclaré, Kurt VONNEGUT a souvent été considéré comme un simple "écrivain de SF", alors qu'en fait, sa palette d'action était bien plus élargie.
Ce que ce Nuit Mère, écrit en 1961 mais réédité cette année Chez Galmmeister dans la collection Totem l'Amérique grandeur nature- illustre parfaitement, allant ici plutot du coté de la politique fiction ou du roman d'espionnage de guerre pour au final , aboutir à un objet littéraire assez curieux et vraiment passionnant.
Ce court roman se prétend être le récit autobiographique fictif de Howard C. Campbell « américain de naissance, nazi de réputation et apatride par inclination » que ce dernier aurait envoyé à Kurt Vonnegut depuis ses geoles à Jérusalem dans laquelle il attend son procès pour avoir activement pris part à la propagande nazie durant la guerre.
S'engage alors une réflexion sur les apparences et les faux semblants qui plonge le lecteur dans le doute et le questionnement. A l'exception près que si Howard W. Campbell Jr ne conteste nullement ses agissements, il assure avoir été, pendant toute la guerre, un espion au service du gouvernement américain, et avoir transmis via ses émissions des messages codés à destination des alliés.
« Nous sommes ce que nous feignons d’être, aussi devons-nous prendre garde à ce que nous feignons d’être. »
On revisite une partie de l’histoire d’un homme, auteur, et présentateur radio nazi et jusqu'au bout on s'interroge sur la véritable personnalité de cet être qu'on n'arrive pas déterminer si c'est une vraie ordure pret à tous les mensonges pour s'en sortir ou un taupe qui dit vrai est un roman captivant et particulièrement intense...