Quelques livres pour l'été à petits prix : des romans en veux-tu en voilà, au format poche, à glisser dans son sac de plage ! Et rassurez vous, comme toujours, il y en a pour tous les goûts :
1. Pour Isabel, Antonia Tabucchi ( Folio)
" Les mandalas doivent être interprétés, dit il d'un air savant, sans quoi il serait trop facile de chercher le centre, regardez bien au centre, ,il ya une lune que je vous ai dessinée, interpétez là à votre gré, j'espère que la sensibilité vous guidera.."
Tabucchi, écrivain italien phare, souvent adapté au cinéma- notamment par Alain Corneau et son éblouissant Nocturne Indien- ne cesse de livrer des perles même après sa mort.
Illustration avec Pour Isabel, ce roman écrit sous forme de mandala écrit en 1996 exhumé après sa mort en 2012 et que Folio a ressorti pour ce début d'été 2017: un plaisir de redécouvrir sa voix singulière, et pleine de mystère qui ne peut se bouder
Pour Isabel est visiblement d'après l'éditeur un livre délibérément posthume puisque Tabucchi a . expressement voulu qu’on le publie après sa mort.
En neuf chapitres, qui sont autant de cercles, de plus en plus resserrés, le narrateur – un certain Waclaw Slowacki, venu de Sirius –
tourne autour d’Isabel, figure de femme, énigmatique, aimée et disparue pendant la dictature de Salazar.
Un livre d'une poésie infinie et d'une élégance rares, porté d'entrée à la fois exigeante qu'accessible à l'oeuvre d'un auteur phare du 20ème siècle.
2.La triomphante Teresa Cremisi ( Folio)
« Je suis née à Alexandrie, de l’autre côté de la Méditerranée. Je n’écris pas aujourd’hui pour exprimer une quelconque nostalgie. Les lieux sont pour moi les seuls déclencheurs d’une tempête violente, mais la nostalgie n’est pas un sentiment que j’aime cultiver. Je suis un esprit pragmatique, terre à terre. »
Elle fut éditrice à Milan, a travaillé pour la RAI, L’Espresso et la Stampa. Débauchée par Antoine Gallimard elle devient la personne de l’ombre la plus importante du tout Paris littéraire. Goncourt, Prix Médicis, Harry Potter, les éditions Gallimard disent merci Teresa. Chez Flammarion elle signe Angot, Rufin, Reza, Millet, Houellebecq… Merci Teresa. Officier de la Légion d’honneur, officier des Arts et des Lettres. Mais tout cela c’est dans la fiche Wikipédia de Teresa Cremisi.
Dans « la Triomphante » il y a tout le reste. L’histoire d’une jeune fille née à Alexandrie dans une famille bourgeoise et aimante qui finit adorable dame sur la côte Amalfitaine.
Entre temps il sera question d’exil, de politique, d’amour des langues et des mots, de Lawrence d’Arabie et de Giacomo. Nous voyagerons d’Orient en Occident, nous voguerons en Méditerranée, berceau de toute notre civilisation, en compagnie de Teresa Cremisi, une femme moderne dont le lecteur tombe immédiatement amoureux. Merci Teresa.
3 Comme un enfant perdu, Renaud Séchan/ Lionel Duroy ( Pocket)
Renaud, aidé par Lionel Duroy qui n'en est pas à son coup d'essai pour aider les stars à acoucher de leurs mémoires ( on se souvient de sa récente collaboration avec l'ogre Depardieu), décrit dans le menu détail tout de sa vie, et Une descente aux enfers que
L'artiste raconte dans la dernière partie de son livre comme un enfant perdu tous ses vieux démons, combien il fut ravagé par les dégats de l'alcool, passant toutes ses heures à la terrasse d'un café à siroter ses pastis, comme un zombie que rien ne puisse faire bouger, avant que Grands Corps Malade ne le fasse sortir de sa torpeur, comme on l'avait déjà entendu ici et là mais comme le confirme Renaud dans son livre.
Car si cette autobiographie ne nous apprend finalement pas grand chose, si l'on connait déjà comme moi pas mal la vie de l'homme et la carrière de l'artiste, on aime le coté libérateur, carthasistique que semble avoir été ce livre pour lui, et aussi le fait que Renaud réussit à arréter ces confessions intimes avant que n'arrivent la barrière de l'impudeur et le voyeurisme.
Et pourtant Renaud, l'enfant perdu, comme il se qualifiait lui même dans une de ses premières chansons en 1969, ne lésine pas sur les confidences, notamment sur les relations compliquées avec son père, écrivain qui n'a jamais écrit la grande oeuvre qu'il souhaitait
Une relation père fils marquée sous le sceau de la culpabilité, une culpabilité que ressentira encore plus fort à la mort de son père en 2006, lorsque la mère de Renaud "lira plusieurs passages du journal de notre père dans lesquels il répète combien ma réussite l'écrase, l'humilie, le paralyse".
On peut du coup aisément comprendre au gré de ces relations compliquées une partie des états d'âme de notre génial artiste..
Et Renaud nous racontera également dans ce livre comment en 1997, lors d'un voyage sur les traces de Che Guevara à Cuba, il va en revenir totalement paranoiaque , suite à des comportements étranges de personnes chargés de le protéger, il faut dire aussi que notre Renaud était déjà fortement échaudé par une expérience similaire à Moscou en 1985, et ces deux épisodes acheveront de le plonger pendant longtemps dans la totale paranoïa.
Car notre Renaud adoré ne cherche jamais à s'épargner, contrairement à d'autres stars qui profitent d'écrire leur mémoire pour dire combien elles sont géniales, et au bout du compte, on a un grand plaisir de lecture devant ce livre finalement rassurant certainement livré tout d'abord à l’encontre de ses fans qui l'ont toujours soutenu.
Bref un ouvrage qui produit un peu le même effet que son premier single "Toujours debout".
4 Savoir perdre; David Trueba (J'ai Lu)
"Elle est triste, mais au moins cette tristesse est à elle, elle l'a fabriquée avec ses attentes, personne ne l'a provoquée, elle n'est victime de personne. Elle se sent bien dans cette souffrance, qui ne la gène pas. Elle se détend. En attendant. Elle ne sait pas quoi."
Qu'il est difficile d'être heureux et de n'être pas seul. Ce roman choral, un peu long mais aux chapitres courts, nous plonge dans les désarrois de quatre personnes d'une même famille, le grand père, le père, la petite fille et le footballeur célèbre dont elle est amoureuse. Alors que sa femme est mourante le vieux Léandro ne peut plus se passer des services d'une prostituée pour laquelle il sacrifiera ses économies et même sa maison. Son fils, Lorenzo, chomeur, tue son ancien ami qui l'a floué et ne réussit pas son histoire d'amour.
Sylvia et Ariel ne peuvent vivre leur histoire d'amour en plein jour et elle est vouée à l'échec. Ce livre laisse une large part à la description du monde du football, monde dur et glamoureux en surface. Les personnages sont fragiles et se débattent contre la déroute de leurs rêves.
Le livre terminé on se prend à espérer que cette mauvaise passe ne sera que passagère et que, comme dit le dicton, après la pluie viendra le beau temps.
5. Le lagon noir, Arnaldur Indridason, Points.
Svava se mit à sourire : « vous êtes tellement sérieux, dit-elle. Un si jeune homme. Je me demande pourquoi… ? Qu’est-ce qui vous pousse à faire ça ? » Erlandur garda le silence. Pourquoi le faisait-il ? Pourquoi ne pouvait-il oublier cette histoire ? Pourquoi devait-il rouvrir d’anciennes blessures et s’emplir le cœur de douleur et de deuil ? « C’est à cause de votre regard triste ? » poursuivit-elle. « Quelqu’un vous a déjà dit que vous avez de beaux yeux ? »
Reykjavick 1980, le jeune inspecteur Erlendur Sveinson fait équipe avec Marion Briem, commissaire à la criminelle. Un cadavre est découvert dans un lagon, un homme d’une trentaine d’années qui travaillait à la base américaine voisine. Enquête plutôt compliquée car la grande muette n’aime pas que les islandais se mêlent de ses affaires.
Parallèlement à cette affaire, Erlendur déjà passionné par les disparitions inexpliquées, s’intéresse au cas d’une jeune fille qui, il y a vingt-cinq ans, s’est volatilisée entre la maison familiale et son lycée. Erlandur prend toutes ces affaires avec cœur et empathie, mais le jeune trentenaire a déjà bien du souci, fraichement divorcé, il s’arrête parfois près de l’école maternelle et regarde sa fille jouer derrière la grille.
Sacré Arnaldur ! Grâce à Erlendur, ce formidable personnage, le romancier n’en finit pas de raconter au monde son pays qu’il aime tant. De romans en romans, il se penche sur l’histoire sociale et géopolitique de l’Islande et son regard est intelligent et passionné. Dans « Le lagon noir » Indridason raconte la difficile cohabitation des bases américaines sur le sol islandais.
Présence lourde, en pleine guerre froide, l’Islande et le Groenland sont des endroits stratégiques fondamentaux, le géant Soviétique est si près. Entre Simenon et John Le Carre, le romancier, en fin gourmet, n’oublie pas de nous décrire quelques plats typiquement islandais dont je vous laisse la surprise.
A ce propos, quoi de mieux que de citer Nietzsche : « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort » et vu ce que mange les islandais, la sélection naturelle en a fait de sacrés gaillards, non?