Revue DVD 1ère quinzaine de septembre : L'opéra, Aurore, Le feu sacré, Je danserai si je veux, L'empereur
La rentrée culturelle est aussi dense en sorties DVD/ Blu Ray que sur les autres supports, la preuve avec quantités de bons fillms qui sortent cette semaine ou la prochaine , souvent chez des éditeurs indépendants- exxcepté le dernier évidemment- et qu'on a eu envie de mettre en avant ce soir :
1. L'opéra - DVD/ BR chez Blaqout , le 13 septembre
Paradoxalement, Jean-Stéphane Bron, qui avait notamment réalisé le documentaire "Cleveland contre Wall Street » (2010) sur le procès engagé par des propriétaires dépossédés de Cleveland contre les banques de Wall Street n’avait jamais mis les pieds à l’Opéra de Paris avant d'aller le filmer de l'intérieur.
Mettant ses pas dans ceux du maitre en la matière, Frederik Wiseman, qui avait lui même consacré au ballet de l’Opéra de Paris un documentaire de deux heures trente, « La Danse » en 2009, Bron nous montre comment cette grosse institution fonctionne de l'intérieur avec un travail en immersion totale, et a notamment filmé des centaines d'heures de rush pour ne garder que les plus parlantes .Du coup pour ne pas trop faire de doublon avec le travail de Weiseman, a orienté son documentaire plus vers l’opéra et la musique, et notamment aussi du côté de Bastille.
Le film s'évertue à montrer le travail, ce moment où s’expriment la difficulté et parfois les conflit et s’arrête là où le spectacle commençait.
L'insitution "’Opéra" peut avoir quelque chose d’impressionnant. et le spectateur sera ravi de connaître les coulisses de Bastille et de Garnier. Certaines scènes sont soit drôles ( le casting de taureaux), soit touchantes ( avec un jeune chanteur russe très charismatique) et souvent évidemment visuellement splendides.
Dommage simplement que le film ne va pas beaucoup plus loin que son sujet de départ et reste finalement pas mal à la surface des choses.
Du coup, le film s'achève sans qu'on ne sache finalement pas grand chose de plus que ce qu'on pouvait déjà deviner de l'exterieur...
L'opéra garde encore pas mal de mystère, et par exemple les tumultes liés au départ de Benjamin Millepied sont tout juste abordées.
En fait, le film de Bron donne surtout l'impression d'être à la gloire de son directeur Stéphane Lissner, visiblement réticent au départ par ce projet, mais qui est particulièrement bien traité par la caméra de Bron.
Bref un film toujours interessant et intelligent, mais qui manque un peu de souffle ( de lyrisme?) pour émouvoir totalement ...
2. Aurore- Diaphana ( le 5 septembre)
Aurore constitue une belle bouffée d'air frais dans la comédie française dite générationnelle qui, souvent, en voulant embraser des thèmes bien dans l'air du temps, le fait souvent avec lourdeur et superficialité, juste pour privilégier une efficacité comique, au demeurant assez relative.
Pas de cela ici dans Aurore qui choisit de prendre comme personnage central une femme de 50 ans en pleine ménopause , ce qui est, dès le départ, plutôt une belle audace, dans le jeunisme sociétal ambiant.
Parler de la difficulté de cette période pour les femmes qui ont épuisé leur stock d’ovocytes avec humour - les fameuses bouffées de chaleur, sont bien montrées mais souvent en les dédramatisant- et tendresse constitue en effet une des grandes qualités de ce film qui offre une réflexion assez captivante sur la difficulté à assumer son âge chez les femmes, contrairement à l'homme dont le vieillissement est souvent mieux accepté par la société .
Plus abouti et plus émouvant que Zouzou, son premier long-métrage ( qui était plaisant mais un peu vain), Blandine Lenoir porte ici un regard plein de bienveillance et de justesse sur les femmes de plusieurs générations - les portraits des deux filles d'Aurore sont bien dessinés- et sur la solidarité qui les unit, malgré les galères et ces moments l' où l’on s’interroge sur le sens de la vie, et la façon de la rendre plus douce.
Sans jamais verser dans le plaidoyer féministe- les hommes ne sont pas tous des types infects comme c'est parfois le cas dans les portraits de femme- Blandine Lenoir parvient à démontrer que ce genre de la "comédie douce-amère" est toujours difficile à réaliser, mais c'est un vrai plaisir quand il est réussi, avec une tonalité d'ensemble donnant au film une fraîcheur et vitalité, avec ici et là quelques pointes de mélancolies bienvenues.
Les dialogues sont aussi parfaitement ciselés et on sent qu'Agnès Jaoui a pris du plaisir à les dire et, au détour de quelques cinglantes réparties, il semblerait même qu'elle y ait greffé sa patte ici et là.
La complice habituelle de Jean Pierre Bacri est évidemment idéale dans le rôle, elle qui parvient à donner formidablement vie à un personnage auquel on croit fortement.
Le reste du casting est parfait aussi, notamment Thibault de Montalabert, surfant sur la vague du succès 10 Pour cent compose un personnage charismatique et humble, loin du Mathias de la série, et évidemment aussi l'épatante Pascale Arbillot, formidable en copine fofolle et généreuse, prete par exemple juste sur un coup de tête, à bousiller un couple d'inconnus juste parce que le mec est plus vieux que la fille .
Avec ce film funambule qui arrive à trouver un bel équilibre entre legerté et gravité, Blandine Lenoir réussit allégrement son pari avec cette jolie comédie française, assurément une des plus réussies du premier semestre 2017 que sa sortie DVD permettra de découvrir pour ceux qui l'auraient raté en salles .
3. Le feu sacré- sortie en DVD le 5 septembre ( Editions Montparnasse)
Une sorte D'OVNI, un objet hybride, à mi chemin entre la fiction et le doucmentaire qui est l'oeuvre de du cinéaste Arthur Joffé dont le dernier film remonte à 2004 avec Ne quittez pas !
Considéré comme un enfant prodige du cinéma français – au temps où l’on prononçait son nom dans le même souffle que ceux de Beineix et Carax, le réalisateur de « Harem » (1984) relate dix ans de combat à mettre en œuvre ses projets dans un joli documentaire décalé et souriant.
La difficulté à produire ses rêves de cinéaste le poussa à se réinventer en "cinéaste amateur", doté d’une "liberté retrouvée".
4. "Je danserai si je veux" - Blaqout ( 13 septembre )
Le film se déroule à Tel-Aviv, véritable carrefour de civilisations et de religions, symbole de jeunesse, d'ouverture, de fête et de liberté. Leila (Mouna Hawa) et Salma (Sana Jammelieh) vivent plus la nuit que le jour, passant le plus clair de leur temps à faire la fête, à boire et à fumer des joints avec leurs amis.
La première est une jeune femme à la beauté électrisante, au regard sombre et à la chevelure rebelle. Son franc-parler et sa répartie sont irrésistibles, elle n'est pas du genre à se laisser faire. Et son métier lui va comme un gant : elle est avocate.
Salma, quant à elle, travaille dans un restaurant qu'elle quitte rapidement lorsque son patron la somme de parler uniquement hébreu et non arabe sur son lieu de travail, tout en vivant sa passion pour la musique. Quand elle ne mixe pas dans des bars, elle le fait chez elle avec ses platines. Au grand dam de sa future collocataire...
Lorsque Noor (Shaden Kanboura) débarque un beau matin, avec un voile aussi encombrant que ses trois énormes valises, les deux jeunes femmes se demandent si l'harmonie parfaite qui règne au sein de la collocation ne risque pas de voler en éclats. Et pourtant, ces trois jeunes femmes très différentes vont vite se lier d'amitié. Pour le meilleur et pour le pire…
Ces trois portraits de femmes éprises de liberté, qui s'émancipent chacune à leur manière nous émeuvent profondément : Salma de parents qui multiplient les dîners pour la marier jusqu'au jour où ils apprennent son homosexualité, Noor d'un fiancé très pratiquant et très conservateur, qui veut la forcer à s'éloigner de "l'impureté" ambiante qui règne dans la collocation - on retient la scène où elle se débarasse de ses vêtements un à un, sur la plage, belle image de son émancipation - et Leila, prête à renoncer à l'amour d'un homme pour un amour encore plus grand, celui de la liberté. On s'attache très vite à ce trio dont on a du mal à s'éloigner, le film terminé.
Sur une bande originale électronique du tonnerre signée M.G. Saad, "Je danserai si je veux" est une pépite qui nous donne envie d'être nous aussi sur ce balcon, au côté de Salma, Leila et Noor, à crier à la ville et à ses lumières, notre soif de liberté.
Un conseil... Ne passez pas à côté d'un aussi beau film !
5. L'empereur- Disney Nature- 6 septembre
Douze ans après La Marche de l’Empereur, Luc Jacquet est retourné en Antarctique filmer ces animaux extraordinaires lors de l’expédition « Wild-Touch Antarctica » organisé par son ONG Wild Touch. Cette aventure a été menée par une équipe de cinéma de 11 personnes se rendant en Antarctique pour livrer un témoignage sensible sur un monde fragilisé par le changement climatique.
Sur une immensité de nappe blanche aisément reconnaissable, l'empereur chute, glisse, tombe, heurte un amas gelé, mais se relève toujours. Il transmet aussi la vie de manière habile après une danse coordonnée fortement élégante. Mais de natalité, il n'en n'est presque pas question – quelques minutes suffisent pour montrer l'extrême chance des nouveaux-nés.
Luc Jacquet, qui poursuit son périple chimérique sur les glaces de l’Antarctique après La marche de l'empereur – qui eut une ascendance planétaire pour glaner l'Oscar du meilleur film documentaire en 2006 – crée une romance haletante, où il suit le personnage éponyme, vieux de 40 ans – l'espérance de vie normale pour cette espèce est de 20 ans, pour un ordre de grandeur – qui essaye, tant bien que mal, de pérenniser sa descendance – nombreux sont les empereurs manchots qui perdent leurs petits – ainsi que sa renommée et son savoir-faire, même si le deuxième souhait ne sera pas appliqué, faute de temps.
En revanche, la magie de l'éternel – enfin presque – cycle de la vie opère, et nous offre une séquence finale intimiste.
En effet, les « futurs empereurs », qui passent à l'âge adulte par la perte de leurs pelages enfantins, démunis de leurs parents et de tous repères géographiques, patientent, hésitent, tergiversent pendant plus de 3 jours, avant de plonger et de s’engouffrer dans un territoire inconnu, pourtant indispensable à leurs survis : l'eau. La caméra, qui dans le premier volet – même si les deux chapitres sont dissociés narrativement – rester à hauteur d'hommes, plonge aussi. Un saut rempli de mystères donc.
Si certains plans – dont celui choisi pour le générique de fin – ressemblent plus à l'intérieur d'une bouteille de Perrier qu'au fin fond de l'océan, l'immersion aquatique est globalement réussie, grâce à l’expérience de l'immarcescible et baroudeur directeur de la photographie, Jérôme Bouvier.
Ainsi, l'adaptation et l'improvisation sont des piliers du documentaire animalier. Ceci est tant, on pourra légitimement être surpris, ou bien plutôt stupéfait, et regretté l’absence de scènes de chasse, marqueur temporel dans l'existence de cette espèce.
La réussite de ce récit initiatique universelle tient dans l'apport essentiel, capital, du propos écologique et politique. Ces formidables manchots, luttant contre le climat antagonique, les rapaces mortifères (pétrels des neiges) et le blizzard, ne savent pas qu'ils possèdent un avenir somme toute précaire. La dernière scène représente cela admirablement.
Quelques-uns de ces sortes de « survivants de chaque instant » se repose – enfin – sur un imposant, mais intuitivement fragile et isolé, bloc de glace, métaphore du temps qui passe et de la disparition, presque machiavélique, de la calotte glacière.
Malgré des procédés de mise en scène totalement académiques et assez mal maîtrisés – utilisation des analepses et des ellipses trop récurrente – L'Empereur, dépouillé de dialogues, contrairement au premier opus – uniquement accompagné par la voix calme et reposante de Lambert Wilson, totalement adéquat – fascine par son épuration stylistique et son spectacle grandiose. Un grand hommage à un territoire qui s'effrite, à un horizon fragile. Dommage simplement que l'édition proposée soit sans aucun supplément bonus.