Baz'art  : Des films, des livres...
12 octobre 2017

Interview d'Harlan Coben pour Baz'art et pour son roman "Double Piège"!

Le maître de nos nuits blanches répond aux questions de Baz'art 

(suite à notre  chronique du livre  parue vendredi dernier)

 

itwharlan

 Baz'art : Dans "Double piège", votre personnage principal, Maya,  est une femme, ce qui est assez rare dans votre œuvre : pourquoi avoir eu envie d’opter pour un parti pris féminin et pourquoi en avoir fait un personnage particulièrement aguerri, à savoir une ex-militaire, chevronnée et armée, assez éloignée de vos héros plus «  hommes ordinaires » de vos autres romans ?

Harlan Coben : Vous avez raison, peu de mes personnages principaux sont des femmes ; sur mes trente romans, il y en a que trois ou quatre qui sont écrit du point de vue féminin (NDLR : après vérification avec les autres journalistes, présents, Maya est la 5ème héroïne des romans de Coben).

Et de tous mes personnages féminins, j’aurais tendance à éprouver une tendresse particulière pour celle-ci.  Maya est tout en fêlures, à la fois forte, pas spécialement maternelle, ni douce,  donc loin des clichés des personnages féminins de romans traditionnels, mais  en même temps terriblement vulnérable.

En fait j’ai grandi avec des femmes fortes dans ma famille, j’ai notamment dans mon entourage des femmes qui ont été les premières à manifester pour le droit des femmes, donc il était important pour moi que Maya le soit, du coup, c’est un personnage avec lequel je suis entré en empathie avec encore plus de facilités que pour mes autres personnages.

Et d’ailleurs, je dois vous dire que dès le lendemain de la parution du livre aux USA, j’ai eu un coup de fil du manager de Julia Roberts qui m’a dit que l’actrice voulait me parler, et lorsque je l’ai eu au téléphone,  Julia m’a  confié qu’elle adorait ce personnage de Maya, une femme forte et réaliste bien loin de ce que Hollywood lui propose, et forcément cette discussion m’a ravi ( sourires) et je me suis dit que j’avais tapé plutôt juste avec cette Maya…( sourires).

Baz'art ; Mais  en même temps, cela n’a pas dû être si  facile que cela  pour vous d’entrer en empathie avec cette Maya,  car, sans spoiler l’intrigue, on peut dire que ce personnage est quand même moralement assez limite, prête à agir pas toujours très légalement  et avec un comportement pas toujours évident à cerner.

Harlan Coben  : Ah justement, c’est bien pour cette raison que je l’adore, Maya ( sourire)… comme j’ai toujours aimé le définir, je suis un « romancier du gris », c'est à dire que je n’aime rien de plus que lorsque mes héros sont vraiment ambigüs.

Pour moi, la morale n’est pas ce qui détermine mes personnages mes situations, priorité est donnée à sa psychologie et écrire des personnages dont la cruauté et la violence  est réelle…

 Le vrai challenge que j’ai en tant qu’écrivain c’est de tenter de rendre attachant au lecteur des personnages qui ne le sont pas au départ.

Si mon personnage est vertueux et très  sympathique, franchement, quel intérêt  pour moi et pour le lecteur?

Alors que si ce sont des personnages qu’a priori on n’a pas envie d’aimer et même de croiser et qu’à la fin du livre, on est rentré  même un peu, en empathie avec eux, c’est bien plus stimulant pour tout le monde, non? ( sourires)

Ici, c’était un vrai défi pour moi que de rendre cette Maya terriblement humaine, malgré sa propension à péter les plombs parfois, son amour pour les armes à feu et d’autres éléments qu’on ne dévoilera effectivement pas, pour que le lecteur soit bien surpris (sourires).

Double Piège

Baz'art : Comme dans tous vos romans, "Double piège"  parle de disparitions, de  manipulations,  de secrets enfouis, et tourne autour de la fameuse question : connait-on vraiment la personne avec qui on partage sa vie ? Comment réussissez-vous à surprendre le lecteur avec une trame identique d’un roman  à l’autre ?

Harlan Coben  : Ah c'est vous qui dites que tous mes romans se ressemblent (sourires) : personnellement, j’ai vraiment l’impression de faire des choses totalement différentes d’un roman à l’autre, et d'ailleurs, c’est vraiment ce qui m’intéresse quand je commence à écrire un roman, chercher à surprendre le lecteur, et moi-même par la même occasion : quand je commence à écrire, j’ai une idée assez précise du début et de la fin de mon histoire, mais pas de la façon dont ces deux points vont se relier, et  c’est la façon dont je vais prendre ce chemin-là qui diffère toujours à mon sens d’un livre à un autre.

Évidemment, la disparition d’un proche est un thème que j’aime particulièrement et qui sert souvent de point de départ à pas mal de mes livres, car c’est une problématique que je trouve fascinante et qui a vraiment un lien direct avec la nature humaine dans ce qu’elle a de plus ambigüe.

Tout le monde est persuadé être le seul à avoir des contradictions et des secrets et a tendance à penser que les autres sont simples et fait d’un simple bloc, alors qu’évidemment ce n’est pas tout le cas.. (Sourire)

Cette histoire de disparition d’une personne qu’on aime et qui refait surface  alors que l’on pensait morte, il est exact que j’ai déjà utilisé ce procédé (NDLR : notamment dans son plus célèbre roman « Ne le dis à personne »).

Mais j’aime beaucoup ce que ça véhicule dramatiquement parlant, l’espoir que cette «  résurrection » génère chez le héros, un espoir qui va vite être douché par la suite des événements; tout cela entraine un lot de ramifications pour l’intrigue vraiment intéressante à mon sens et qui peut du coup amener la terreur à son comble c'est assez jouissif en terme de construction narrative ..

Baz'art :Un des thèmes importants également de votre "Double piège" , et pour le coup il est totalement  inédit dans votre œuvre, c’est celui du stress post traumatique pour les soldats qui ont combattu sur le front. Pourquoi avoir eu envie de traiter ce sujet, et comment avez-vous procédé pour votre approche documentée du sujet ?

Harlan Coben  : Disons qu’à l’origine, j’ai eu l’occasion  de visiter plusieurs bases militaires dans différents pays du globe, soit au Moyen-Orient,  mais aussi en Europe (Allemagne Angleterre), j’avais pour mission notamment  d’apprendre l'écriture aux soldats, de leur parler des livres et signer  des dédicaces, etc.….

J’ai trouvé cette expérience exceptionnellement enrichissante et, à cette occasion,  j’ai pu rencontrer une femme qui était pilote durant les combats, j’ai tout de suite trouvé que c’était un  personnage potentiellement fascinant, pour construire une intrigue autour d’elle.

Ensuite pour écrire le roman,  j’ai eu l’occasion de rencontrer d’autres soldats, notamment 5 femmes pilotes, et elles m’ont toutes demandées évidemment de ne pas citer dans ma postface leur noms ni leurs grades,  de vraiment conserver cet anonymat, mais  tout ce que ces soldats m’ont confié m’a bien évidemment beaucoup aidé pour la matière de mon intrigue, je m’en suis beaucoup servi.

Ce que je tenais absolument à faire c’était d’aborder ce sujet du syndrome de stress post traumatique pas de façon clinique ou médicale, je ne voulais vraiment pas que cela suscite chez le lecteur de la pitié ou du désespoir  mais que le lecteur sache vraiment de quoi il s’agissait.

Mon objectif, comme du reste à chaque fois que j’utilise un thème précis dans un de mes romans, était de ne jamais  faire quelque chose de didactique  ou de scolaire, mais de toujours m’en servir comme moteur à l’action et au rebondissements tout en restant réaliste et sincère, dans ma vision du sujet.

Et je pense avoir plutôt réussi mon coup car à la sortie du livre aux États Unis, beaucoup de soldats m'ont dit que j'avais vraiment saisi ce qu'était ce sujet, ils étaient vraiment touchés que j’arrive à reproduire cela sans trahir leur vérité…

9d28eb6feba14e46787d2a78ed5c234c75834ed2

Baz'art : Quelle est votre position sur les nouvelles technologies, un sujet que vous abordez très souvent dans vos romans, et notamment dans ce « Double piège » à travers les lanceurs d’alerte ou la vidéo surveillance très présente dans ce livre ?

Harlan Coben  :Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, je suis un homme-et un auteur- spécialisé dans le «  gris » c’est-à-dire que je ne vois jamais que le blanc ou le noir, et dans tous les domaines,  j’ai tendance à voir autant les bons côtés que les mauvais côtés.

C’est notamment le cas pour les nouvelles technologies. En effet, depuis mes premiers romans, j’exploite les nouvelles technologies comme un outil important de mes intrigues car je trouve que ce qu’elles entrainent sont assez fascinantes en terme de dramaturgie,  et elles sont vraiment parties intégrantes du monde dans lequel on vit, ça serait très étrange de faire un roman contemporain et de ne pas en parler.

Personnellement,j’aurais tendance à remarquer que notre génération qui a vécu sans les nouvelles technologies vivait mieux ou semblait être plus heureux que les générations actuelles qui vivent actuellement, mais même cette position mérite d’être nuancée.

Et de toute façon, en tant qu’écrivain je n’ai pas à donner mon sentiment personnel sur n'importe quelle question : l’écrivain se doit d’être en empathique et présenter tous les points de vue d’un sujet , les bons et les mauvais aspects, sans montrer son sentiment sur la question, pour moi cette façon de voir les choses est très importante et conditionne mon travail en tant qu’auteur..

harlan coben Baz'art :Vous avez collaboré ces dernières années pour de nombreuses séries, soient des adaptations de vos propres romans pour la télévision française, soient des créations originales pour la télévision britannique… Est-ce que ce travail est à vos yeux différent de votre travail en tant qu’écrivain et est-ce que l’un alimente l’autre et si oui, de quelle façon  l'est-il réellement?

Harlan Coben  : J’aime beaucoup ce travail que je fais sur les séries depuis quelques années  et je continue à prolonger l’expérience de plus belle.

En ce moment même, sachez que je travaille sur une série télé qui s'appelle "Safe" avec Michael C. Hall et votre comédienne Audrey Fleurot, qui joue le rôle d'une française vivant en Angleterre (NDLR : une production en anglais qui devrait sortir début 2018  et diffusée normalement sur C8).

En France, j'ai eu la chance de collaborer sur  deux séries avec TF1, "Juste un regard" (avec Virginie Ledoyen) et "Une chance de trop" (avec Alexandra Lamy), j'ai beaucoup apprécié ces expériences et j'espère pourvoir en faire d'autres avec TF1 ou d'autres productions françaises.

Après,  pour répondre à votre question, ce sont quand même deux exercices différents, l’un collectif et l’autre solitaire que je n’ai pas tendance à confondre et à mélanger… quand j’écris un roman jamais je ne suis en train de penser à l’éventuelle série que cela pourrait donner, c’est le plus sûr moyen que mon roman se vautre si on raisonne ainsi.

Et en même temps, dans les séries, surtout lorsqu'il s’agit de l’adaptation de mes romans, je me considère comme  le vrai boss : comme j’ai tendance à être assez dictatorial (sourires), je suis le seul maitre à bord et je n’utilise donc pas tel ou tel conseil qu’on pourrait me donner à cette occasion qui pourraient m'aider mes romans solo..

Après j’ai tendance à penser que mes romans possèdent une portée cinématographique très prégnante, ma façon de voir les choses est vraiment très directement liée au cinéma…

Tout écrivain de ma génération vous le dira, s'il est sincère : ce qu’il l’a influencé dans sa jeunesse, ce ne ne sont pas forcément Proust ou Hemingway, comme ils auraient tendance à le dire en public quand on leur pose la question, mais bien les films de Spielberg ou Scorsese ou les grandes séries TV

Bref, forcément que l’image et l’écran impriment considérablement ma façon d’écrire, c’est pour cela que ce travail sur les séries n’est fondamentalement pas si éloigné que cela de l’écriture de romans.

Baz'art ::Concernant  plus particulièrement ce "double peine", vous nous avez dit tout à l'heure que Julia Roberts s’était montrée fort intéressé par ce roman  : qu’en est-il alors  de son adaptation? Ce n’est pas la première fois qu’un de vos livres est acheté par Hollywood mais il n’y a pas forcément de tournage à la clé, alors quid de celui ci ?

Harlan Coben  : Julia Roberts a en effet  acheté les droits  du livre et une adaptation est prévue, mais vous dire quand et comment, cela m’est totalement impossible au jour d’aujourd’hui….

Je ne développerais pas le sujet, mais disons simplement qu' Hollywood est vraiment un monde de dingue et plus je m’en tiens éloigné, mieux c’est (sourires)...

Baz'art  :Comment jugez-vous votre relation avec la France et le public français, une relation  qui nous semble assez singulière vue d'ici ?

 

Harlan Coben (c) HACQUARD et LOISON_Opale_Leemage

Harlan Coben  :

Oui,  tout à fait j'ai une relation particulière. avec le public français… Je n’ai jamais caché mon estime très forte pour votre pays, et je dis à qui veut l'entendre que c'estmon second pays préféré après le mien ( sourires).. 

Après les attentats par exemple ou d’autres tragédies touchant la France j’ai toujours écrit des tribunes pour dire ce que je devais à la France et au public français… j’ai tendance à dire que les français vivent tous intensément, aussi bien leurs joies que leurs peines ..

Et si le public français lit beaucoup mes romans, à mon sens ça a avoir avec le fait qu'ils les voient plus comme des simples thriller d’action mais qu’ils racontent aussi un pan de la société américaine,  et cela, d’après ce qu’ils me disent dans les dédicaces ou j’adore parler avec le public, leur plait énormément…

Baz'art : Et pour conclure cette interview, Harlan, pourriez- vous nous dire  un petit mot vos autres projets littéraires à venir ?

Harlan Coben  :   En fait ,  tout à l'heure, je vous ai dit que j'avais écrit 30 Livres, mais il faut savoir que "Double peine"  était mon 28e livre que j’ai écrit voila près de deux ans,ce qui signifie que depuis,  j’en ai écrit deux nouveaux.

En mars  prochain sera publié en France  "Sans défense", le premier livre avec Myron Bolitar depuis six ans puis "Don't let go" qui vient juste de sortir aux Etats-Unis et qui devrait être disponible en France en septembre prochain. ..vous n’avez pas donc pas fini ( je l’espère) de me voir et de me lire hélas pour vous ( sourires)…

Commentaires
Qui sommes-nous ?

Webzine crée en 2010, d'abord en solo puis désormais avec une équipe de six rédacteurs avec la même envie : partager notre passion de la culture sous toutes ses formes : critiques cinéma, littérature, théâtre, concert , expositions, musique, interviews, spectacles.

Nous contacter

Envoyer un mail à l'administrateur : philippehugot9@gmail.com 

Visiteurs
Depuis la création 7 854 552

 

Festival Cinémas du Sud 2025 du 23 au 26 avril

Pour cette vingt-cinquième édition, nous avons concocté un menu de choix : neufs longs métrages
sélectionnés dont trois présentés en avant-première à l’Institut Lumière. Primées dans les plus
prestigieux festivals internationaux, ces œuvres offrent aux spectateurs une plongée dans le cinéma
du Maghreb et du Moyen-Orient d’aujourd’hui, porteur d’une vision plurielle de ces pays aux
histoires et aux destins différents.

 

Festival Les Mauvais Gones, à Lyon, du 14 au 18 avril 2025

 

Les Mauvais Gones  reviennent dans les cinémas UGC Ciné Cité de Lyon pour une 7 ème édition sous le signe de l'univers des films de gangsters et policiers.

Au programme : 5 soirées, 5 expériences et des projections coup de poing, des rencontres exclusives et des événements taillés pour les amateurs de cinéma qui n’ont pas froid aux yeux.

https://www.lesmauvaisgones.fr/

HALLUCINATIONS COLLECTIVES 2025
18ème édition- 'Le festival de l'autre cinéma à Lyon'

Pour cette 18ème édition du festival Hallucinations Collectives, le site web de cette nouvelle édition est en ligne ; vous pourrez y retrouver les détails de la programmation ainsi que toutes les informations pratiques. 

 

Newsletter
153 abonnés