Revue de trois excellents Polars : Addict, Rien ne se perd, La chance du perdant
1. Addict, James Renner ( Sonatine)
« La première chose qu’on apprend en devenant reporter est que rien de ce qui est écrit dans le journal n’est vrai. La vérité en journalisme est un mensonge ».
En 2004, la voiture accidentée d’une élève infirmière sans histoires, Maura Murray, est retrouvée à des centaines de kilomètres de chez elle. Aucune trace de la jeune fille, qui était sur le point de se marier. Plus troublant encore, lorsqu’on ouvre son appartement, on constate qu’elle s’apprêtait à déménager, alors qu’elle n’en avait parlé à personne, ni à ses amies, ni à son futur mari, ni à sa famille. Quel était le secret de Maura ? Et qu’est-elle devenue ?
James Renner est écrivain et journaliste. Après L’Obsession (Super 8, 2014), et Version officielle (Super 8, 2017), Addict est son troisième ouvrage publié en France et pour la première fois chez Sonatine, ce qui vous classe un auteur.
Avec cet Addict qu'on classe dans la catégorie True crime, à savoir ce genre d' enquêtes à mi chemin entre le récit et le roman sur des faits divers réels.
Addict décrit par le détail l’enquête qu’a menée l’auteur sur la disparition étrange de Maura Murray en 2004. Journaliste d'investigation comme il en existe peu, James Renner passera plusieurs années de sa vie sur cette une affaire criminelle non résolue.
Cette quête va s’apparenter à une quête personnelle, comme une addiction et sa façon de l’entremêler avec son histoire personnelle, surprenante et fait penser un peu au travail d'un Jaeneda, la touche US en plus..
Renner fouille dans la vie de Maura Murray et nélude rien, notamment sur les effets de cette investigation sur sa vie personnelle (sans pour autant tomber dans la facilité).
Cette l'histoire intime de James Renner face à cette obsession donne un vrai supplément d'âme à ce qui est : l'histoire vraie d'un addict des crimes non résolus.
2.La chance du perdant Christophe Guillaumot
« C’est exact. On m’a fait comprendre que je pouvais gagner beaucoup d’argent en participant au trucage de certains matchs. Il faut que je vous explique : 70% des paris mondiaux se font en Asie. Là-bas, c’est un sport national de parier. Et là où il y a des paris, il y a forcément des gens qui veulent les truquer. »
Il y a Six, le jeune lieutenant fragile, sous l’aile protectrice de Renato le Kanak, gardien de la paix au cœur tendre, 199 cm au garrot, plus d’un quintal de barbaque, Jules Letocart, avec un T pas un D, stagiaire lunaire mais prestidigitateur doué et Serge Nicolo, mathématicien à la retraite et vacataire par obligation pour la SRPJ, ce carré d’As mal assorti et pourtant complémentaire travaille à la Brigade des Courses et des Jeux des bord de Garonne.
Toulouse, la belle endormie, connait une vague de suicide, d’inquiétantes morts violentes avec en poche une carte de poker représentant la Dame de Pique.
Plus qu’une coïncidence, un jeu de piste sanglant va emporter le quatuor dans un monde de triche, de dettes, d’addiction et de règlement de compte. Toulouse, la ville rose, à du sang rouge vif sur ses tapis verts.
Un polar régional ? Non, beaucoup plus ! Á la manière de Michael Connelly et Los Angeles Christophe Guillaumot utilise Toulouse comme un personnage à part entière.
Une bande de flics attachants, des personnages secondaires bien dessinés, une intrigue plutôt originale et surtout, surtout, des méchants (es) très méchants (es). Un bon polar qui, sans se prendre au sérieux, nous parle d’exil, de solitude, de destin brisé et d’amour perdu, un polar saignant et tendre ce n’est pas si courant.
Parution du livre le 5 octobre 2017 chez Liana Levi
3 Rien ne se perd, Chloé Mehdi ( J'ai lu )
A 19 heures on passe à table. Gabrielle invite les travailleurs sociaux à se joindre à nous. Titre du documentaire : « La famille dysfonctionnelle dans la vie quotidienne ». Ça pourrait même faire une bonne émission de télé-réalité. J’imagine le pitch : Un meurtrier passionné de poésie, une dépressive suicidaire et un enfant perturbé tentent de vivre ensemble au-delà de leurs différences, mais les services sociaux s’en mêlent. Zé, Gabrielle et Mattia parviendront-ils à faire illusion et à déjouer la menace ? ».
Rien ne se perd, tout se transforme même, et surtout, le sentiment de culpabilité. Mattia n’a que onze ans mais déjà toute une vie lourde derrière lui. La culpabilité il connait, avec un père suicidé, une mère démissionnaire et un tuteur bourrelé de remords, Mattia regarde le monde des adultes et déjà se demande déjà à quoi ça sert de vivre ?
Un faits divers vieux de quinze ans remonte à la surface et met en émoi la petite ville de banlieue, une bavure policière, un adolescent mort et un policier relaxé. Tous les adultes qui rayonnent autour de Mattia ont un lien avec cette histoire ancienne, alors le jeune garçon sait, en lisant, un matin, sur un mur de la cité : « Justice pour Saïd » que l’histoire c’est remise en marche et que rien ne pourra l’arrêter.
L’injustice et l’oubli est un couple toxique qui ne peut engendrer que la haine, mais l’injustice et la haine sont souvent d’excellents ressorts pour un vrai polar urbain. La cité devient un ring où tous les tristes protagonistes de cette tragédie vont s’affronter. Cloé Medhi est une très jeune romancière et on ne peut s’empêcher de penser en lisant « Rien ne se perd » que les yeux de Mattia sont les siens.
Audacieuse et sincère elleb utilise avec brio la matière sociale et psychologique pour nous offrir un opéra tragique où les destins inextricablement mêlés devront aller au bout de leurs sacrifices.
Un roman de jeunesse très prometteur.