Coup de coeur absolu pour l'adaptation du roman "En attendant Bojangles" au Théâtre de la Pépinière !
Dire que j'étais excitée comme une puce à l'idée de voir les protagonistes d'un de mes livres fétiches sur les planches serait un euphémisme... Et que je n'ai pas été déçue le moins du monde, encore un autre.
Car l'adaptation et la mise en scène d'En attendant Bojangles qui se joue en ce moment au Théâtre de la Pépinière, après un succès fulgurant au Off du Festival d'Avignon de l'an passé, est une véritable merveille.
C'est un fait : tout ce qui touche de près ou de loin au premier roman d'Olivier Bourdeaut m'interpelle. Après la lecture de son roman paru chez Finitude en 2016, l'écoute de sa version audio (disponible chez Gallimard, lu par Louis Arène avec des extraits sonores de Mister Bojangles, une pépite !), son adaptation en bande dessinée par Ingrid Chabert et Carole Maurel aux éditions Steinkis (reçue dans le cadre de la Masse Critique de Babelio), c'est par son adaptation sur les planches que je me suis laissée emporter...
Et à chaque fois, mes yeux se font avoir, ils se remplissent de larmes.
En attendant Bojangles, c'est l'histoire d'un amour fou entre deux êtres d'exception, Georges (Didier Brice) et Georgette-Joséphine-Renée-qui-change-de-prénom-tous-les-jours (Anne Charrier) racontée à travers les yeux de leur fils (Victor Boulenger). Dans une ambiance de fête perpétuelle, cette maman fantasque mène la danse de leur vie, le plus souvent sur Mister Bojangles de Nina Simone, jusqu'au jour où...
Bon, nous n'allons pas vous raconter plus en détails l'histoire de ce roman - que je vous incite, ordonne, conseille, recommande de lire - car il s'agit bien là de vous livrer mes impressions, que dis-je mes fortes émotions, sur la pièce de théâtre adaptée de celui-ci.
Voilà. Cette pièce est un coup de coeur absolu. La mise en scène de Victoire Berger-Perrin rend compte, avec une infinie poésie, une incroyable drôlerie, de cette folie qui règne dans la vie de nos trois protagonistes. Elle a choisi de mettre en scène quelques-uns des passages du roman qui sont, selon moi, les plus drôles, les plus émouvants - et Dieu sait qu'ils sont nombreux !... En mêlant musique et danse, open bar de Caïpirovska (se prononce à la rrrrrrusse, évidemment), ambiance années folles avec des costumes et des bibis à plumes, de projections lumineuses, elle parvient à reconstituer avec brio l'univers merveilleux imaginé par Olivier Bourdeaut.
De très jolies trouvailles techniques participent à la création de cette magie, comme la transformation du canapé en Cadillac filant tout droit vers le soleil avec un chauffeur affublé d'une tenue de marin, comme cet écran derrière lequel les personnages se glissent pour revivre, sous nos yeux, un moment de leur passé. Je me demandais également sous quelle forme allait nous apparaître Mademoiselle Superfétatoire et là aussi, j'ai été bluffée par les procédés à la fois si simples et si ingénieux utilisés pour nous inviter à retrouver cet univers.
Les trois comédiens sont extraordinairement attachants. Leur énergie et leur joie nous en mettent plein la vue, au point de la brouiller de nos larmes. Anne Charrier m'a tout simplement bouleversée. Comment ne pas tomber fou amoureux d'elle ? Comment ne pas tomber sous le charme de son rire, de sa joie de vivre ?
Elle incarne à la perfection cette femme pleine de sensualité, cette mère pleine d'amour qui a le don de jouer avec les mots comme elle se joue des réalités de la vie, prête à tout pour les deux hommes qui comptent le plus au monde pour elle. Elle parvient à matérialiser ce passage de la folie douce à la folie réelle avec une vérité immense, à faire tomber en un instant un voile sombre, soudain, violent, brutal, sur un sourire radieux.
Didier Brice, qui ne se sépare jamais de sa pipe même avec un collant sur la tête, est irrésistible lui aussi. Il joue à merveille le mari partagé entre la tentation de céder à la douleur et la volonté de sauvegarder les apparences, de ne pas voir que ce bonheur fou qui les anime depuis le jour de leur rencontre, s'éloigne peu à peu.
L'interprétation de Victor Boulenger est impressionante dans ce rôle de grand enfant lucide. En témoin ébahi de "ce bordel perpétuel" qu'est leur vie, des excentricités de parents qui n'obéissent qu'à une seule règle, celle du moment présent, il assiste avec émerveillement à leurs tangos endiablés, se laisse entraîner dans des virées improvisées en Espagne, raconte à sa mère comment s'est passé sa journée imaginaire... Toujours avec la même justesse.
Tant de moments m'ont fait rire à travers mes larmes, m'ont fait pleurer entre deux éclats : je me souviendrai des scènes de danses sur cet éternel vinyle de Mister Bojangles, de ces scènes d'absence terribles où l'on comprend que tout est en train de basculer et que la maman glisse doucement vers la folie, ou encore de celle des funérailles, dans laquelle le père et le fils se tordent de rire devant le spectacle offert par la mèche de cheveux du prêtre, avant d'éclater en sanglots. Car elle est bien là, la magie de cette histoire, réussir à nous tirer à la fois des larmes de joie et de tristesse.
Vraiment, quel bonheur de voir se jouer sous ses yeux l'histoire d'un livre tant aimé. C'est comme un rêve qui prend forme, qui se réalise. De la même façon que je conseille la lecture de En attendant Bojangles aux personnes qui me sont chères, je leur conseillerai ce merveilleux spectacle. Merci à la compagnie de lui avoir si superbement rendu hommage et bravo !
En attendant Bojangles, au Théâtre de la Pépinière, 7 rue Louis le Grand, 75 002 PARIS. A noter que la troupe sera ensuite en tournée de septembre à décembre 2018 !