Mercredi BD / Sélection de trois BD aussi différentes que formidables à dévorer cet été !!
Il y a des BD qui nous ont fait envie tout au long de l’année. Mais faute de temps, on les a mise de côté avant de les rouvrir pour cet été et de vous conseiller sans faute de faire de même pour rire ou/et s'émouvoir :
1 L'obsolescence programmée de nos sentiments ( Dargaud): Aimée de Jongh/ Zidrou
Commençons cette sélection avec un album qui narre une belle histoire abordant avec justesse et subtilité l’amour chez les personnes âgées.
Le très actif Zidrou, aux commandes de pas mal de scénarios de BD ces derniers temps, tisse une jolie romance autour la rencontre inattendue de deux êtres esseulés et sur le retour, avec ce qu'il faut d'humour. et de tendresse et prouve que même quand on y croit plus, l’amour survient parfois tel un miracle…
L’Obsolescence programmée de nos sentiments raconte l’histoire d’une rencontre entre deux sexagénaires; deux âmes esseulées qui vont se croiser par hasard dans une salle d’attente et voir Cupidon frapper à leur porte.
On voit que même si le temps a laissé son empreinte sur les corps et les âmes des deux protagonistes, les émois de l'adolescence ne sont finalement pas si loin que cela. et il suffit d'un rien pour les faire revenir à la surface.
Un one-shot poétique, touchant et singulier, pleinement mis en valeur par les dessins expressifs et éloquents d' Aimée de Jongh, jeune dessinatrice néerlandaise qui illustre avec tact et sensibilité le récit de Zidrou, en y insufflant la tendresse et l' humanité idéaleà cette très jolie love story entre séniors .
2 .Donald's Happiest Adventures : À la recherche du bonheur: Trondheim/Keramidas ( Glénat)
Les auteurs disaient en effet avoir retrouvé dans un vide grenier une série d’épisodes en une planche parus en 1965 , des épisodes qui se succèdent en planches gags, qui, mis bout à bout, forment une histoire au long cours., et incomplète car avec pas mal de trous.
Le duo Trondheim-Keramidas semble manifestement prendre un grand plaisir à pasticher les vieux classiques de l’Oncle Walt puisque après Mickey, c'est le célèbre et malchanceux Donald qui a le droit au même traitement vintage avec un principe d’épisodes proche de ce Mickey’s Craziest Adventures mais dont on a cette fois-ci retrouvé tous les numéros.
Picsou confie une mission à Donald : non pas trouver un trésor comme dans les véritables aventures de Disney, trouver le secret du bonheur. On retrouve donc Donald dans une quête initiatique à la découverte du monde, des autres mais aussi de lui-même.
Keramidas et Lewis Trondheim s'éclatent donc à explorer.les grandes notions philosophiques du bonheur de façon aussi rocambolesque que profondément hilarante.
On attend maintenant de pied forme les Dingo's Scariest Adventures ou les Picsou's cheapest adventures et on signera les yeux fermés pour les dévorer !
3 Profession du Père; Sébastien Gnaedig/ Sorj Chalandon : ( Futuropolis)
En écrivant Profession du père, je n’avais en tête que mon visage d’enfant. Malgré le masque d’Émile, je ne pouvais m’empêcher de plaquer mes traits sur chaque mot. Croyant m’éloigner de mon enfance, j’y replongeais. Comme Émile, je n’ai jamais su la profession de mon père. Comme lui, j’ai eu une famille qui confondait mensonge et vérité. Comme lui, ce chaos m’a laissé sans socle, sans amour, sans mémoire. […]
Difficile, de montrer un enfant battu. Trop de réalisme le violenterait une deuxième fois. Alors Sébastien Gnaedig a choisi la pudeur. Tout est là. Désarroi, chagrin, pitié, terreur. Mais tout cela gagne en légèreté. Dans ma ville de Lyon, Sébastien a interrogé les fantômes et les rues. Il s’est emparé de mon histoire. »
De l'ancien journaliste lyonnais et romancier à succes Sorj Chalandon, on a lu Mon traitre, Le jour d’avant,mais on avait raté son roman probablement le plus personnel et le plus autobiographique.
L’occasion de se rattraper avec cette adaptation de Sébastien Gnaedig. était donc idéale d'autant que l'adaptation est aussi brillante que fascinante
A la question « profession du père », le jeune garçon, Emile, ne sait pas quoi répondre. Son père, affabulateur hors pair, se dit à tour de rôle : agent secret, chanteur du groupe des compagnons de la chanson, footballeur, parachutiste, ami puis ennemi du Général de Gaulle.
Son père a beau le maltraiter, le rabaisser sans cesse, le frapper, Emile n’a de cesse de chercher son amour, d’essayer de se fondre dans le décor de cet appartement triste, de tenter de ne pas le décevoir une autre fois. Je me suis demandée comment on arrive à se construire après une telle enfance et comment l’auteur a réussi à être père un jour (il a 3 filles) après avoir vécu tant d’années avec ce modèle de père sous les yeux.
Ce père, on ne peut que le mépriser, le hair, malgré sa folie (peut-on tout pardonner à quelqu’un sous prétexte qu’il est malade ?) mais peut-être que j’ai encore plus haï cette mère qui n’agit pas. Terrorisée, elle devient complice de son mari dont elle excuse toujours les comportements d’un « tu connais ton père ».
Gnaedig dessine cela avec un trait simple, un noir et blanc légèrement charbonneux, parfaitement adapté à l’ambiance et aux mœurs archaïques de l’époque.
On est profondément touchés par cet enfant qui veut croire aux délires de son père jusqu’à ce qu’il comprenne en grandissant, par cet enfant qui semble toujours animé – même faiblement -par l’espoir d’un futur plus gai, plus libre (l’appartement, le trio familial ressemblent vite à une prison).
Le dessin en noir et blanc de Sébastien Gnaedig révèle aussi bien le côté plombant du quotidien d’Emile, la violence que le côté burlesque des aventures dans lesquelles le père entraîne son fils.
Une fois qu'on referme cette BD, on a terriblement envie de lire le roman dont il est tiré , Profession du père, de Sorj Chalendon. pour pouvoir allégrement comparer les deux!