Vendredi Lecture : San Perdido : une fable sociale dépaysante et rythmée
"Augusto sait qu'il n'a pas le choix. Quand on vient du quartier le plus pauvre de San Perdido, on apprend en naissant que vivre demande beaucoup d'efforts. La ville est sans pitié. Mais partir pour Colon, Panama City ou même en Colombie ou au Costa Rica ne changerait rien . Sur cet isthme qu'est l'Amérique centrale, on regarde le monde avec le point de vue d'un nain coincé entre deux géants."
Voilà un vrai roman, dans le sens le plus "romanesque" et dépaysant du terme, pour une saga aussi colorée, cinématographique et passionnante.
L'auteur, journaliste reporter qui connait bien l'Amérique centrale, nous plonge au Panama, au sortir de la seconde guerre mondiale, à San Perdido une ville imaginaire mais incroyablement pittoresque.
Tout à la fois roman d’aventures, chronique sociale, fable à la lisière de la magie et roman choral, "San Perdido " tourne autour du personnage d'une légende, à travers le personnage d'un jeune garçon, Yerbo Kwinton est un personnage incroyable, un être mystérieux qu’on n’oublie pas de sitôt.
Un jeune noir yeux magnétiques (et étonnamment bleus), doté d’une force surhumaine dans les mains. qui deviendra « La Mano » à l’âge adulte, défenseur des opprimés, justicier des pauvres.
" Felicia regarde la petite silhouette grandir peu à peu. Lorsqu’il est à une quinzaine de mètres, elle constate qu’il est très jeune, à peine une dizaine d’années. L’enfant contourne la carcasse calcinée d’un lit de fer sur laquelle on a jeté une gazinière et une pile de vieux cartons. Il enjambe un gros tuyau éventré, et Felicia s’aperçoit qu’il est pieds nus. »
Ce Yerbo Kwindon est extrêmement bien dessiné, mais David Zuhkerman n'oublie pas pour autant de nous donner à connaître une foule d’autres habitants de cette petite ville du Panama.
C'est parti pour des péripéties haletantes à travers l’épopée des Cimarrons, esclaves noirs qui se rebellèrent contre les espagnols au XVIème siècle.une galerie de personnages tous plus savoureux les uns que les autres, car les personnages qui peuplent ce roman sont des précaires qui possèdent une énergie, une ténacité qui leur permettent de survivre bien qu'ils vivent constamment dans la peur et l'asservissement. .
Tout en cherchant constamment à distraire le lecteur, et gardant un rythme constant, l'auteur réussit totalement à créer des personnages étonnants et étonnants à entremêler différentes actions, grâce à une belle fluidité de la plume.
Une des belles réussites de cet hiver littéraire 2019!!
San Perdido de David Zukerman, éditions Calmann-Lévy (janvier 2019), 411 pages.